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Portrait

La foi, la magie et l’émerveillement

Homme d’Eglise et magicien, est-ce incompatible? Pas pour Stéphane Rouèche, pasteur à Diesse.

Pasteur, magicien et adepte de course à pied, Stéphane Rouèche accompagne les fidèles de la paroisse de Diesse depuis 2008. Photo: Lucas Vuitel

Il vous accueille sur le pas de la porte du bâtiment cossu de la cure, entre l’église huit fois centenaire et les vastes espaces du Plateau de Diesse, qui invitent à la course à pied et à la méditation, deux activités qui occupent le quotidien de Stéphane Rouèche, pasteur de la paroisse réformée englobant les villages de Diesse, Prêles et Lamboing depuis 2008.

Le large sourire qui éclaire son visage n’est pas feint: il se passionne pour les rencontres avec autrui. D’une voix calme et posée, il prend le temps d’expliquer ce qui nourrit sa foi. Et pourquoi il préfère voir dans un monde occidental qui tend à se déchristianiser un défi plutôt qu’un motif de découragement.

Forces obscures?
Mais, connaissant ses multiples activités, on a envie de l’entendre sur celle qui nous titille le plus: la magie. Incompatible avec un ministère dans l’Eglise réformée? Il sourit. «En tout cas, ça en a surpris certains au début. Surtout ceux qui pensent qu’un magicien travaille avec des forces obscures. Mais lorsqu’ils ont vu comment je faisais, ils ont été mis en confiance.»

Et surtout, un tour de magie, c’est source d’émerveillement. «Quand vous lisez dans son regard la joie et la fierté de l’enfant qui réussit le tour qu’on lui a appris, c’est comme un cadeau. En fait, ce que j’aime, avec la magie, c’est qu’elle me permet de rencontrer des personnes que je ne rencontrerais pas dans mes activités d’Eglise.»

Il marque un temps d’arrêt dans son discours plein de fougue. Pour mieux basculer dans l’émotion. «Avec les personnes handicapées, je vis des moments forts, car elles n’ont pas de barrières. Il m’est arrivé que l’une d’entre elles me saute dans les bras, tellement elle avait eu du plaisir.»

Né à Porrentruy en 1968, Stéphane Rouèche a grandi avec une éducation religieuse catholique, dont il garde, dit-il, «de bons souvenirs». A l’adolescence, à Marin, il se rapproche de groupes de jeunes à tendance évangélique, mais c’est au cours de ses études à Neuchâtel qu’il prend conscience que ses valeurs sont liées à la Réforme.

«En particulier la découverte de la grâce seule, qui ne dépend pas de notre réussite, ni de nos diplômes. C’est une valeur réformée fondamentale, qui inclut la notion de cheminement, qui intègre nos fragilités, nos doutes et nos erreurs. Car face à l’échec, il y a la capacité de se relever, qui est essentielle pour moi, dans la manière dont je vis ma foi.»

Ces valeurs, c’est aussi, dans un monde où le rythme et les exigences ne cessent de croître, ce qui lui permet de prendre du recul. D’aller à l’essentiel. «J’ai besoin de ces moments où je m’arrête, où je médite, j’observe la nature, je me raccroche à de petits événements a priori anodins, comme croiser un enfant qui vous sourit.»

Pourtant, il est conscient, comme pasteur, que les épreuves font partie de la vie et que, parfois, les questions demeurent sans réponses. Aux personnes endeuillées, par exemple, il se refuse à donner des réponses toutes faites. «Je les écoute, surtout. C’est vrai, il arrive qu’elles soient surprises, surtout les personnes âgées.» Alors, il leur répond que, lui aussi, il est en recherche de réponses. «Je leur cite cette phrase qui résonne fort en moi: «On ne peut pas diminuer la nuit, on ne peut qu’augmenter la lumière.»
Une stimulation à oser
Il est ainsi, Stéphane Rouèche, plus enclin à chercher une lueur d’espoir qu’à se plaindre. Pourtant, pasteur dans un monde qui prend ses distances avec les valeurs chrétiennes, ça pourrait ressembler à un statut fragile, non? «C’est vrai, auparavant, l’Eglise était au milieu du village. Aujourd’hui, ce n’est plus une institution établie. Plutôt qu’un motif de découragement, j’y vois une stimulation à oser, à chercher d’autres voies que celles qui existent depuis des années. Et ma foi, c’est comme un cadeau que j’ai envie de partager avec d’autres.

’ailleurs, lorsque je vis un culte, même si j’en suis le célébrant, je suis un croyant parmi les croyants, qui vit un moment de joie et d’interaction avec les autres.»

Les autres. A commencer par les jeunes. Papa de Jérémy (19 ans) et David (14 ans), il est bien placé pour les voir s’engager pour des valeurs. Oser affirmer leurs convictions en bousculant les institutions. «C’est porteur d’espoir, mais ça représente aussi un défi pour moi en tant que pasteur et pour l’institution que je représente.» Un défi de crédibilité, d’ouverture et de créativité. «Cela fait écho aux débuts du christianisme, lorsqu’il a fallu oser et amener des impulsions pour faire avancer cette foi nouvelle.»

Parmi ses innovations, des célébrations dans des lieux inattendus, comme la déchetterie du village, qui réunissent bien plus de gens qu’un culte traditionnel. Ou la mise sur pied d’événements organisés généralement par d’autres groupements qu’une paroisse. Exemple: la Course de la solidarité, qui vivra en août prochain sa 9e édition.

Une course à pied populaire, tracée du côté du village de Prêles, pour soutenir un projet humanitaire développé par l’Entraide protestante. «Cette idée me trottait dans la tête, mais c’est après un échange avec un jeune de la région qui est venu m’exposer son projet que cela a pris forme. Mais jamais je n’aurais cru que cela prenne autant d’ampleur», glisse-t-il. Loin de s’imaginer l’élan de mobilisation qu’il a su créer. «Mais je ne vais pas chercher les gens, ce sont eux qui se proposent, spontanément. Ce sont eux qui me tirent en avant», assure-t-il.

Même si, pour courir, il n’a besoin de personne. Le corps affûté et l’envie intacte, il court depuis qu’il est tout jeune, à Saint-Blaise ou au CEP Cortaillod, et il a noué de belles amitiés dans les pelotons. «J’aime mon métier, j’aime prêcher, mais j’ai aussi besoin de me retrouver dans un autre contexte. Je suis pasteur, mais quand je cours, je suis avant tout Stéphane. Cela me rend plus proche des gens.»

Casser une image préconçue, tout en favorisant les liens, voilà qui n’est pas pour lui déplaire. Lui qui s’amuse de ce genre de remarque: «Ah, vous courez? Je pensais que vous ne faisiez que prier!»

Sa mini bio
1968 Naissance le 4 décembre à Porrentruy.
1993 Après ses études à Neuchâtel, pasteur stagiaire à Coffrane.V 1996 Epouse Martine. Ils ont deux fils, Jérémy, né en 2000, et David, né en 2004.
1996 Installé comme pasteur à Colombier. Il y reste jusqu’en 2008, d’abord à la paroisse de Colombier, puis à celle de la Barc (Bôle - Auvernier - Rochefort - Colombier).
2008 Pasteur de la paroisse de Diesse.
2011 Première Course de la solidarité.

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