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Histoire

A la mine! D’or, bien sûr

Les Archives de l’Etat de Berne, donc du canton et de sa population, ont été rafraîchies, pour que tout le monde s’y retrouve. Pas simple, dans 30'000 m linéaires de documents...

Le site des Archives de l’Etat de Berne regorge de perles, si tant est que l’on parvienne à mettre la main sur ce que l’on cherche, parmi ces 3 km linéaires de documents. Photo Archives de l'Etat de Berne

Par Dan Steiner

C’était peut-être la façon de voir les choses «à l’époque», mais ça a changé. Pour Nicolas Barras, une archive n’est plus un document poussiéreux, témoignage de temps immémoriaux, référence à l’histoire du canton, par exemple. Le document le plus récent des Archives de l’Etat de Berne, dont il est l’archiviste suppléant, n’est autre que la collection 2020 des arrêtésdu Conseil exécutif. Tout ce qui est produit peut donc devenir une archive.

Si l’on parle de modernité, c’est également parce que ces dernières bénéficient depuis peu d’un site web à part entière, après n’avoir été qu’un onglet de celui de la Chancellerie cantonale (Le JdJ du 4 février). «Cela participe au projet de Berne de rénover et d’améliorer les sites de l’administration cantonale», détaille Nicolas Barras. Plus aéré, propre, visible et plus convivial, www.be.ch/archivesdeletat est également disponible sur les différents supports numériques. «Il permet surtout de donner plus d’informations au public», pointe l’archiviste.

Registres paroissiaux et armoiries populaires
L’intérêt d’une visite tient tout de même bien souvent à l’attrait historique des recherches effectuées. Et parmi les 30'000 m linéaires – la façon de compter des pros du domaine, ce qui donne donc 30 km de documents –, il y a de quoi faire. «Le plus ancien support est le parchemin, puis le papier, la pellicule et, bien sûr, l’archivage électronique.»Dans le lot, on trouve notamment 45'000 cartes et plans ou encore 1,2 million de photos et négatifs issus de fonds privés.

Selon Nicolas Barras, les dossiers les plus populaires sont les registres paroissiaux et les armoiries des familles bernoises. «Les premiers sont consultés par beaucoup de personnes de France ou des Etats-Unis dont les ancêtres ont émigré. Ils arrivent sur notre site pour en apprendre davantage sur leurs origines.» Avec les différentes vagues du virus et les confinements, l’archiviste remarque que bon nombre de gens de France sont à renseigner. «Je m’occupe d’eux puisque je suis francophone. Je dois notamment leur expliquer ce qu’est une commune d’origine, ce qu’ils n’ont pas là-bas», fait-il remarquer.

Mentionnées précédemment, les armoiries, elles, dépendent évidemment des familles qui s’en sont créées. Or, précise le canton, elles ne sont pas inscrites sur un registre officiel ni ne sont protégées par la loi. On en dénombre tout de même 7532. Quant au document le plus ancien des Archives, il a été dressé à Spire par la chancellerie de l’empereur Henri V, le 13 décembre 1115, soit un peu plus de 75 ans avant la fondation de la ville de Berne, en 1191. Il s’agit d’un privilège d’Henri V pour le prieuré clunisien de Rüeggisberg.

Le poids de certains passés
Mais les archivistes peuvent aussi, si ce n’est sauver des vies contribuer à soulager certaines personnes. Un onglet présent sur le site permet en effet de basculer sur des formulaires à remplir en vue de collecter des documents en rapport aux mesures de coercition à des fins d’assistance et placements extrafamiliaux. Les recherchistes doivent parfois prendre contact avec quatre, cinq ou six communes pour dénicher le nécessaire. Egalement dans d’autres cantons. De quoi, in fine, enlever un gros poids du cœur de certaines victimes.

Pour terminer, notons que tout document ne vient pas faire grossir les Archives de l’Etat de Berne. «Effectivement, nous procédons à une évaluation, histoire de déterminer s’il a une valeur archivistique», explique l’expert. Ses collègues et lui prennent ainsi en compte la signification d’un document pour le droit; déterminent s’il sauvegarde des intérêts, du canton mais aussi privés; ou s’il peut prouver ou attester l’action de l’Etat. Et puis, plus largement, si le document a une valeur historique ou pour les sciences sociales», conclut-il.

A chaque base de données ses spécificités
Pour l’océan de documents dont regorgent les plateformes d’archives, une bonne complémentarité est nécessaire entre elles, ponctuée par de saines collaborations. Du soutien financier, aussi. De la passion, surtout. Et la population du Jura bernois est gâtée, elle qui peut fouiller dans la base de données présentée ci-contre, mais aussi dans celle de Mémoires d’Ici, du Centre jurassien d’archives et de recherches économiques (CEJARE), dans le Dictionnaire du Jura ou encore dans les Archives de l’ancien Evêché de Bâle.

Lancé en 2012, le site Chronologie jurassienne a permis la compilation des innombrables – en fait, elles sont plus de 15'000 – sources récoltées au fil des ans par Denis Moine, instituteur et journaliste disparu en 2018. Or, après un détour par cette mine d’or, on se rend compte que la dernière mise à jour date de juillet 2016. Le document qui concerne le fait le plus ancien renvoie au 16 juin 212, avec «saint Ferréol et saint Ferjeux, patrons de l’église de Damphreux, massacrés à Besançon».

«Ce site est un projet lié au prix reçu par Denis Moine de l’Assemblée interjurassienne», rappelle Nicolas Barras. «Il l’a mis à jour le plus longtemps que lui ont permis ses capacités», complète Sylviane Messerli, directrice de Mémoires d’Ici, le Centre de recherche et de documentation du Jura bernois, à Saint-Imier. Son institution, avec les cantons de Berne et du Jura, a participé au financement. Mais Denis Moine n’a pas été remplacé.

Diversifier ses sources, qui peuvent être contradictoires
Si l’on mentionne encore Pierre-Alain Bassin, auteur d’une Chronologie de Bienne, du canton du Jura et du Jura bernois (www.bijube.ch), on a là une large palette de ressources pour les gens passionnés d’histoire, les journalistes ou n’importe quel quidam. Ne serait-il pas possible de tout regrouper pour davantage de clarté et de chances de trouver ce que l’on cherche? «Qui s’intéresse à ce type de documentation ne se contente pas d’une seule source», sourit Nicolas Barras.

Sylviane Messerli, elle, note que ces archives sont toutes différentes. Dans la manière de les récolter, de les trier, de les «stocker» et de les présenter en ligne. «Et puis les tâches sont différentes. Le CEJARE excelle dans son domaine parce qu’il a développé un savoir-faire dans les archives économiques et industrielles. Dans tout l’Arc jurassien. Nous, nous nous concentrons sur les fonds privés (réd: environ 340, et 500' 000 images, dont 20'000 consultables en ligne) et le Jura bernois. C’est cette proximité qui fait notamment notre force.»

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