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Votations fédérales sur le tabac

La tentation est partout

S’ils ne sont pas forcément toujours influencés par la publicité, les jeunes sont matraqués d’offres variées. Parfois même au travers d’échantillons gratuits.

Extrait visuel d'une affiche de la campagne du oui à l'interdiction de la publicité pour le tabac. Keystone

Par Dan Steiner

Clope, cigarette électronique, puff, snus, snuff, le choix est pléthorique. La première, on la connaît, c’est celle qui est visée par l’interdiction de sa publicité ciblant la jeunesse, ce dimanche, en votation populaire; la seconde est évidente, les suivantes sont respectivement jetable et aromatisée, en sachet à se coller entre les gencives et les lèvres et finalement en poudre, à sniffer.

Animateur socioculturel à l’Espace jeunesse d’Ergüel, qui accueille en moyenne 15 à 30 jeunes par jour ouvré, Philippe Schaer a déjà eu l’occasion de pester contre un kiosque du Vallon donnant gratuitement une boîte de snuff alors que le client était clairement mineur. «Je ne pense pas que les jeunes lisent tellement les affiches, mais s’ils reçoivent quelque chose en cadeau, là, ça marche.»

Dans un récent courrier de lecteurs paru dans nos pages, Diogo Bonifacio (20 ans), Clara Vazquez (18 ans) et Pauline Juillerat (18 ans) expliquaient travailler depuis plusieurs années sur un projet de prévention de la consommation de tabac, dans le cadre du Service de la jeunesse et des actions communautaires de Moutier. Une réaction à la votation dominicale. «Nous avons pu conclure que de nombreuses raisons nous poussent à fumer, notamment certaines pressions psychologiques. A l’adolescence, nous sommes en grande majorité plus vulnérables et touchés par une certaine influence qui peut être alimentée par la publicité. Celle-là augmente notre envie de se rapprocher de la cigarette», assurent-ils.

Puff, un fruit
Les différents centres de jeunesse du Jura bernois et de Bienne ne partagent pas exactement ce constat, mais en font des similaires à celui de Philippe Schaer. «Comme nous sommes sur un lieu de passage et à proximité de commerces, on constate que les jeunes commencent à fumer entre 13 et 15 ans», note Charles Hofer, l’un des deux animateurs du Centre de jeunesse de La Neuveville, situé sur le quai de la gare et où transitent de 40 à 50 jeunes.«On met en place des activités de prévention, mais on se sent un peu impuissants en regard de la facilité qu’ils ont à se procurer ces produits et d’entrer en consommation.»

Comme d’autres confrères et consœurs de l’animation, il constate notamment que la fameuse puff fait un tabac chez les têtes blondes. «Ce sont des clopes jetables. C’est bon, attractif et se range facilement dans la poche ou dans un cartable.» C’est «bon» car aromatisé, généralement fruité et bien moins irritant qu’une clope. Avec ou sans filtre.

«Ça ressemble à un surligneur», ajoute Cécile Maitre, de l’Action jeunesse régionale (AJR), active dans la vallée de Tavannes, Tramelan et environs. Qui se pose également la question de l’élimination de ce plastique supplémentaire. Au moins, pour la cigarette, il y a des cendriers. Un autre débat.

Pas une question politique mais de santé
Pour en revenir à la publicité proprement dite, aucune de nos personnes de contact ne peut affirmer ou infirmer qu’elle aurait une influence directe sur les ados côtoyés. En 12 ans à la Villa Ritter, en bordure de route du côté de Bienne, Santina Proietto n’a pas souvenir d’avoir reçu une confidence de ce type. «Ce qui ne veut pas dire que la pub n’a pas d’effet indirect. Voir une belle femme ou un bel homme, jeune et en forme, qui fume, ça donne une certaine image et les jeunes en font un modèle», estime-t-elle. «Mais ils font ça avant tout pour paraître adultes, se donner un genre. Ils ne fument pas seuls ni parce qu’ils seraient nerveux.»

Reste que tous les établissements de la région approchés, soit quasi tous, bannissent logiquement les différentes sortes de fumées ou de drogues douces à l’intérieur. Les pratiques sont par contre différentes aux abords des bâtiments, entre le niet complet, pour éviter toute influence des fumeurs sur les autres, et l’absence de restrictions.

«Nous sommes confrontés à pas mal de jeunes qui sont touchés et fument régulièrement, mais notre choix est de ne pas intervenir», confesse Aurèle Gerber, qui encadre également tout le beau monde de la Villa Ritter. «On va aborder la question s’ils fument de l’herbe, ce qui est parfois le cas dès 13 ans, mais on ne juge surtout pas.»

Lui et Santina Proietto mettent toutefois leurs protégés en garde par rapport à l’image que cela renvoie auprès des employeurs ou à l’école. «C’est en effet dès l’apprentissage ou dans les bars qu’ils sont davantage confrontés à cela», appuie Cécile Maitre. Pour l’AJR comme pour d’autres centres, pencher du côté du oui n’est pas une question de politique, mais de santé.

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