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Horlogerie

L'arrivée de l'Apple Watch n'effraie pas le boss de Tissot

L'Apple Watch, présentée mardi soir par le géant à la pomme, est-il un réel concurrent pour l'horlogerie suisse? Réponse de François Thiébaud, président de Tissot.

L'arrivée de l'Apple Watch n'effraie pas le président de Tissot. (Photo Keystone)

Daniel Droz

Les horlogers suisses étaient-ils pile à l’heure mardi soir pour lorgner, d’un œil au moins, la présentation de l’Apple Watch? Oui, dit le président de la marque Tissot, François Thiébaud. Malgré les nombreux bugs de la diffusion en direct du géant informatique. La société californienne a dévoilé sa montre connectée. Précision utile: elle nécessite un iPhone, génération 5 ou 6, pour fonctionner.
La question secoue le landerneau horloger suisse: est-elle réellement un concurrent? «Ce produit prétend occuper un territoire que l’horlogerie suisse occupe, le poignet», constate Kalust Zorik, conseiller en management et spécialiste en marketing horloger. «Du coup, il y a trois prétendants pour deux poignets», rigole-t-il. «Est-ce que les gens vont porter une montre, un bracelet et avoir un iPhone? Je ne le sais pas. Mais, il n’y a pas de danger pour les montres classiques.», poursuit-il.
Le haut de gamme, a priori, peut dormir sur ses deux oreilles. «A 375 dollars (environ 325 francs) et avec les fonctions qu’ils proposent, c’est une menace pour les montres économiques», précise Kalust Zorik. «D’abord pour les Chinois et les Japonais.» Et les Suisses? «Une petite menace pour l’entrée de gamme», relève-t-il. A son avis, des marques fashion comme Diesel, Dolce Gabbana ou encore Tommy Hilfiger «seront les premiers touchés, y compris la Swatch et la T-Touch de Tissot».
Poids lourd du segment
L’Apple Watch s’inscrit dans un secteur – les montres dont le prix public s’étale entre 300 et 1000 francs – qui représente environ 13% de la valeur que produit l’horlogerie suisse (au total 21,8 milliards de francs à l’exportation en 2013).
«Je ne suis pas inquiet», commente François Thiébaud. Propriété de Swatch Group, Tissot est un poids lourd de ce segment. L’an dernier, la marque a produit plus de 4 millions de pièces, soit 15% du volume de montres produites en Suisse. Son chiffre d’affaires dépasse le milliard de francs. La société travaille sur un objet du même type que l’Apple Watch. «Nous avons des choses en gestation. Des choses qu’on pourra porter, qui peuvent servir aux gens.»

IPhone adapté au poignet

Le produit de la marque à la pomme? «Pour moi, c’est un iPhone adapté au poignet, qui a un look de montre, mais qui ne reflète pas ce que j’attends d’une montre», dit le directeur général. «Ce n’est pas comme la T-Touch (réd: un produit multifonctionnel avec notamment baromètre, altimètre ou double fuseau horaire). C’est moins émotionnel qu’une montre qui a des vraies aiguilles. Il n’y a pas ce côté tridimensionnel qui en fait la magie.»
Si la montre, à ses yeux, est «novatrice dans les fonctionnalités, puisque nous retrouvons les applications Apple, ça fait de l’ombre à ceux qui produisent déjà des montres connectées». Et de se poser des questions sur l’autonomie de la batterie, le réseau de distribution – même si Apple dispose de son propre réseau de boutiques –, le service après-vente ou encore l’étanchéité.

Jeunes intéressés

Kalust Zorik pointe du doigt un autre phénomène. «ça va retarder un peu l’entrée de la jeune génération dans l’horlogerie suisse. Si, avant, les gens portaient une montre à 24 ans ce sera peut-être à 32 pour passer du gadget au garde-temps.» François Thiébaud est davantage optimiste. «Les jeunes vont peut-être s’intéresser et ensuite s’acheter une montre traditionnelle.»
Derniers chiffres: près d’un milliard de montres sont produites chaque année dans le monde. La Suisse en fabrique un peu plus de 28 millions. «Nous ne sommes même pas à 3%», constate le boss de Tissot. Et bien des poignets à conquérir...

 

Pourquoi pas une iwatch?

Tout le monde attendait une iWatch, voire une iTime. C’est simplement une Apple Watch. La marque californienne n’a pas repris la lettre qui fait son succès depuis l’iMac jusqu’à l’iPad. Pour Matthey Sparkes, journaliste spécialisé dans les technologies au quotidien britannique «The Telegraph», «avec le lancement de ce nouveau produit, Apple a clairement fait savoir qu’il vise un public axé sur la mode, plutôt que sur les «obsédés» de la technologie». La marque «i», malgré le succès qu’elle connaît, n’est pas ce qu’Apple veut transmettre. Elle vise un tout nouveau type de client. Quelques déboires juridiques au Brésil et au Mexique autour de l’appellation iPhone ont peut-être aussi poussé la société à éviter d’autres confrontations avec son produit horloger.

Mots clés: Horlogerie, Apple, Tissot

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