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Entreprises formatrices (5)

L’art de s’adapter à son écosystème

Concentrée sur son secteur de compétences depuis 2019, VOH SA, à Courtelary, emploie des apprentis au bénéfice d’un solide bagage. Et qui sont impliqués dans la bonne marche des affaires.

Respectivement directrice adjointe et directeur de VOH, Nathalie Mercier-Vaucher (au centre) et Richard Vaucher (derrière, à droite) encadrent quatre formateurs. Dan Steiner

Par Dan Steiner

* La Chambre d’économie publique du Jura bernois (CEP) a récompensé cinq entreprises formatrices dans leur catégorie respective. Il s’agit d’EMP (industrie, plus de 50collaborateurs), l’Hôpital du Jura bernois (services, plus de 50), VOH (industrie, moins de 50), la CEC Clientis (services, moins de 50) et De Luca (artisanat). Elle a aussi distingué la société GC-Tech, qui a permisà une dizaine d’apprentis romands des métiers du spectacle de poursuivre leur formation qui était fortement compromise parles restrictions sanitaires.

 

En 2015, VOHSA subit de plein fouet la crise consécutive à l’abandon du taux plancher. Conséquence, l’entreprise de Courtelary, cofondée par Richard Vaucher, se départit de son secteur de revente des produits tiers, préférant se focaliser sur son savoir-faire et sa valeur ajoutée: ses propres produits, destinés à l’industrie horlogère et microtechnique. «La meilleure décision que l’on ait prise», sourit le directeur. «C’était une décision logique quand elle est tombée, et le bon moment. Du coup, on se concentre désormais à fond sur notre domaine de compétences.» Même si cela a mené l’entreprise à passer d’une soixantaine à une trentaine de personnes employées.

 

Le personnel restant peut toutefois se targuer de posséder des formateurs désormais reconnus, en plus d’une stratégie ad hoc pionnière. En collaboration étroite avec le ceff Industrie, VOH engage des apprentis de 3e ou 4e année, selon les métiers. Dessin technique, micromécanique et électronique sont les trois branches dans lesquelles l’entreprise forme. «Comme nous n’avons pas la capacité d’avoir un département de formation et de distiller les bases théoriques et pratiques, cette façon de faire permet d’avoir des jeunes au bénéfice d’une excellente formation initiale en école des métiers, qui viennent ensuite se spécialiser dans le monde industriel», explique le CEO.

 

Cela fait en effet une douzaine d’années que la firme de la zone industrielle du village du Vallon a mis en place ce que l’on pourrait appeler une formation duale mixte. Une chance, estiment Richard Vaucher et Nathalie Mercier-Vaucher, directrice adjointe et responsable de l’administration et des ressources humaines, tant pour VOHSA que pour l’école et ses étudiantes et étudiants. Passer ses deux premières années dans une structure scolaire à plein temps, également, permet une transition en douceur dans le monde professionnel et d’adultes.

 

Une fierté pour tous

Evidemment, la distinction de la CEP, dont Richard Vaucher est par ailleurs président (lire aussi ci-contre), représente une certaine fierté pour la direction et les personnes chargées d’encadrer ces jeunes. Ils sont sept à pouvoir le faire, dans cinq métiers différents. Actuellement, trois apprentis – un par métier – mettent ces conseils avisés à profit. Elles ou ils étaient quatre jusqu’à l’été2021, mais VOH a décidé de lever le pied en ne formant plus d’employés de commerce, notamment à cause de la réorganisation évoquée précédemment, entraînant une baisse de la charge administrative.

 

«Mais la formation est clairement l’une des vertus cardinales d’une entreprise comme la nôtre», reprend le directeur. «Nous avons la chance de pratiquer beaucoup de métiers et d’avoir des collaborateurs compétents dans chacun d’eux. Grâce à notre technologie de pointe, et en plus de ces compétences, ils possèdent une sensibilité forte en matière de transmission de leurs connaissances.»

 

Les principaux intéressés aussi se sentent honorés par cette récompense, qu’ils ont justement contribué à récolter. «Clairement», répond Vincent Vaucher, constructeur, dessinateur et formateur de ces derniers. «On récompense beaucoup les apprentis, mais une partie du mérite revient également à ceux qui s’activent pour eux dans l’ombre», estime-t-il. En se remettant dans la peau du jeune de 16ans qu’il a été, il avoue que lui non plus n’avait pas forcément conscience de l’importance de la formation et de ceux qui s’en chargeaient pour assurer son avenir. Toute cette infrastructure et cet investissement. «Aujourd’hui, on pense à ce genre des choses, au genre d’apprentis que l’on était. Cela permet d’être peut-être un peu plus indulgent.»

 

Recruter et impliquer

Et Vincent Vaucher de mettre le doigt sur un autre élément central: «Dans l’une des régions les plus industrialisées de Suisse, il est indispensable de posséder du personnel qualifié.» Pour Patrick Linder, directeur de la CEP, «la formation d’apprentis est une réponse, certes partielle mais extrêmement sérieuse à ce défi. Et puis, on le sait, c’est l’une des raisons du taux de chômage extrêmement bas en Suisse et c’est un avantage par rapport à d’autres pays.»

 

Or Richard Vaucher ne se leurre pas, un bon élève sera toujours encouragé à faire le gymnase. Un refrain connu, même s’il existe différents types de passerelles. Mais la difficulté de recruter des personnes compétentes ne date pas d’aujourd’hui ni d’hier. «On y est confronté tous les jours dans les métiers techniques. Pour nous, il a toujours été évident que si nous étions bons dans nos métiers, il fallait le transmettre», justifie le patron.

 

Chez VOH, les apprentis sont responsabilisés, tient à ajouter Nathalie Mercier-Vaucher. «Ils sont vraiment intégrés et considérés comme les autres collaborateurs. Ils sont formés dans leur métier, mais sont également déplacés pour qu’ils découvrent les secteurs périphériques au leur.» Et comme VOH développe et construit ses propres produits, du cahier des charges et l’élaboration jusqu’au service après-vente, cela permet, dans une organisation peu hiérarchisée, d’être impliqué dans le cycle de vie de la production. Une chance.

 

Les explications de Patrick Linder

Directeur de la chambre d’économie publique dujura bernois

 

«C’est grâce à la formation que les savoirs sont perpétués»

«Dans le cadre de la valorisation de la formation professionnelle, que la CEPa cherché à mettre en place pour contourner les entraves du virus, on a voulu mettre en lumière toutes ces entreprises. Et VOH, par un processus neutre, impliquant le Canton et une commission externe à la CEP (réd: son président, Richard Vaucher, n’a pas été impliqué dans la démarche), a été désignée meilleure entreprise formatrice. Je lui témoigne à ce titre ma reconnaissance, eu égard à l’importance que la formation a pour l’économie régionale et nationale. Car c’est grâce à l’investissement majeur qu’elle représente, notamment pour une PME, que les savoirs sont perpétués et que l’industrie reste attractive. Se déplacer pour remettre ce prix est un vrai plaisir, des gens s’engagent au quotidien pour leurs apprentis. Et y croient vraiment.»

 

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