Par Aude Zuber
La frustration est perceptible au Centre hospitalier de Bienne (CHB). L’établissement a dû interrompre les essais cliniques que son service de neurologie dirigeait pour trouver un remède contre la maladie d’Alzheimer. Ce programme de recherche était mené simultanément par plusieurs hôpitaux à travers le monde. Au total, près de 1600 patients ont pu en bénéficier, dont 10 dans la région. «Nous voulions savoir si l’anticorps Aducanumab, développé à l’Université de Zurich, pouvait être un traitement utile pour ralentir la progression de la maladie chez les personnes atteintes d’Alzheimer à un stade précoce», explique le docteur Hans Pihan, médecin-chef en neurologie au CHB.
Conçu et financé par les entreprises pharmaceutiques Biogen et Eisai, ce médicament est censé neutraliser la bêta-amyloïde, une substance qui est présente en grande quantité dans le cerveau des personnes souffrant d’Alzheimer. «Les chercheurs ont émis l’hypothèse que cette substance était la cause de cette maladie neurodégénérative L’éliminer serait donc la solution pour en guérir», indique le neurologue.
Le suivi des patients, divisés aléatoirement en trois groupes, a duré près de quatre ans et demi. «Chaque groupe a reçu un traitement différent (à faible dose, à dose élevée ou dose placebo). Nous avons administré 20perfusions, réparties sur 76semaines, et ensuite nous avons examiné les patients pour nous assurer qu’ils ne souffraient pas d’effets secondaires», détaille le spécialiste.
De faux espoirs?
Malgré une phase encourageante au cours de laquelle le médicament avait permis de ralentir la progression de la maladie d’Alzheimer, les résultats obtenus par la suite se sont avérés insuffisants, entraînant l’arrêt de l’étude au CHB et dans les autres hôpitaux y prenant part.
Et le chercheur de préciser: «La recherche des dernières années a montré que la bêta-amyloïde se forme dans le cerveau 15 à 20 ans avant que le patient ne présente des symptômes de l’Alzheimer. Selon moi, il est possible que l’Aducanumab soit malgré tout efficace à ce stade précoce. Mais, cela risque de prendre quelques années avant qu’une nouvelle thérapie puisse être à notre disposition.»
Un échec qui a retenti fortement jusqu’à Wall Street où, les cours des actions de Biogen ont chuté de presque 27%, tombant ainsi à 234,60 dollars – soit 17milliards de dollars de capitalisation effacée en quelques instants.
«Tous les espoirs ne s’envolent pas pour autant. Une partie de la recherche sur cet anticorps continue», avertit le Dr Hans Pihan.
Qu’une prochaine étude aboutisse ou pas, la promesse de cet anticorps était suffisamment grande pour que le CHB saisisse l’opportunité de participer à ces deux essais cliniques. «Nous avons souhaité offrir la chance aux patients de Bienne et environs d’avoir accès à un nouveau médicament avant que celui-ci soit potentiellement commercialisé sur le marché», conclut-il.
L’antenne Bienne-Jura bernois de l’association Alzheimer Berne propose un service de conseil bilingue pour les personnes atteintes ainsi que leurs proches dans les murs du CHB. Contact: Silvia Manser, tél. 077 523 22 13, www.alz.ch/be.
Tout savoir sur la maladie d’Alzheimer
Définition Il s’agit d’une maladie neurodégénérative, caractérisée par la dégénérescence progressive et irréversible des cellules nerveuses (les neurones). La disparition de ces cellules entraîne le déclin continu des capacités cognitives.
Personnes touchées L’Alzheimer est la forme la plus courante de la démence. Cette maladie touche près de 144000 personnes en Suisse.
Si aucun traitement n’est trouvé, la population atteinte de démence pourrait atteindre 314000 à 351000personnes en 2045.
Symptômes On associe souvent l’Alzheimer à la perte de mémoire, car ce sont les neurones localisés dans la région de l’hippocampe – siège de la mémoire –, qui sont les premiers atteints. D’autres zones du cerveau sont progressivement touchées, entraînant l’altération des capacités d’orientation dans le temps et dans l’espace, de reconnaissance des objets et des personnes, d’utilisation du langage, de raisonnement et de réflexion.
Traitement A l’heure actuelle, il n’existe aucun traitement curatif. En revanche, plusieurs médicaments peuvent atténuer les pertes de mémoire de même que les problèmes de langage et de raisonnement. Problème: une partie des malades ne supportent pas de tels médicaments.
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