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Tornos

«Le défi, c’est de livrer à temps»

Entrées de commandes records, bonds du chiffre d’affaires, du résultat opérationnel et du bénéfice: au premier semestre, le fabricant de machines prévôtois a poursuivi sa croissance, qualifiée de réjouissante.

Les entrées de commandes de machines multibroches ont été particulièrement dynamiques. A-Keystone

Par Philippe Oudot

Les dirigeants de Tornos ont le sourire. Les résultats dévoilés hier ont de quoi les satisfaire. Ce printemps, fort des bons résultats enregistrés en 2017, le groupe avait en effet annoncé s’attendre à une poursuite de la croissance. Au premier semestre, les entrées de commandes ont ainsi atteint 128,5mios (103,3 en 2017, soit +24,5%). Afin juin, le carnet de commandes dépassait 93,3mios, niveau qualifié d’historique. Ce qui est très réjouissant, «c’est que la forte demande concerne toutes les régions, et toutes les lignes de produits», a commenté le CEO Michael Hauser.

La croissance a été particulièrement marquée dans le segment des machines multibroches haut de gamme MultiSwiss, dont les entrées de commandes ont doublé. Elles se déclinent désormais en trois tailles et permettent d’usiner des pièces jusqu’à 32 mm de diamètre. Dans le segment de prix moyen, les machines fabriquées en Asie ont elles aussi enregistré une forte hausse. Globalement, les ventes ont progressé de 30% en unités.

Revers de la médaille
Si ces performances sont réjouissantes, «elles auraient toutefois pu l’être encore davantage», a constaté le CEO. Tornos peine en effet à recevoir en temps voulu les pièces produites par des sous-traitants et autres fournisseurs. «Le défi, c’est de livrer à temps. Nous devons nous battre pour les obtenir dans les délais», et ce n’est pas toujours le cas. Du coup, le lean manufacturing, c’est-à-dire l’optimisation de la production sans gaspillage en flux tendu, n’est pas toujours atteint.

Conséquence: les délais de livraison se rallongent et peuvent dépasser une année pour certaines machines. Cette situation n’est d’ailleurs pas propre à Tornos, mais concerne l’ensemble des fabricants, note Bruno Edelmann, directeur financier. Pour donner une idée de l’explosion des entrées de commandes, il les compare à un tsunami. Pour y faire face, Tornos a certes engagé du personnel, principalement des employés temporaires, «mais il faut un certain temps jusqu’à ce qu’ils soient pleinement opérationnels, si bien que nos résultats sont certes bons, mais pas autant que nous aurions pu l’espérer». Ces adaptations ont aussi entraîné une augmentation des coûts, mais grâce à des ajustements ciblés, Tornos a réussi à en limiter les effets.

Pour l’heure, si certains économistes évoquent déjà la perspective d’un ralentissement, Michael Hauser et Bruno Edelmann assurent n’en percevoir aucun signe. «Nous sommes toutefois bien conscients que cela peut arriver très vite, raison pour laquelle nous surveillons le marché de très près pour pouvoir réagir immédiatement», observe le directeur financier. Sous réserve de brusques changements politiques ou macroéconomiques, Tornos estime que les résultats 2018 seront supérieurs à ceux de l’an dernier.

L’Allemagne, numéro un
Au niveau des marchés, l’Europe reste la principale zone géographique: Tornos y réalise 78% de son chiffre d’affaires. Sans surprise, c’est l’Allemagne qui arrive en tête (30%), devant la Suisse et la France (10% chacune), suivies de l’Espagne, de l’Italie et du Portugal, à environ 7%. «Nous avons aussi progressé aux Etats-Unis, alors que l’Asie s’est légèrement contractée, mais les perspectives y restent bonnes» note Bruno Edelmann.

L’automobile a encore renforcé sa position de secteur clé et génère désormais plus de 50% du chiffre d’affaires. Comme le souligne Michael Hauser, ces performances ne sont pas étrangères au développement de l’électromobilité et à la baisse des moteurs diesel au profit des hybrides. Les machines Tornos offrent en effet une excellente productivité dans l’usinage de composants plus petits et plus complexes. Tout en se félicitant de cette situation, le CEOreste prudent et rappelle que la branche automobile évolue elle aussi de façon cyclique.

Derrière l’automobile, le secteur de l’électronique a connu une belle progression, grâce notamment à une solution innovante et très compétitive pour l’usinage des connecteurs. Et si le médical a enregistré une légère baisse, «nous avons de grands projets qui doivent se concrétiser au 2e semestre, si bien que ce secteur devrait continuer de progresser», indique Bruno Edelmann. Quant à l’horlogerie, à la peine ces deux dernières années, la reprise est forte, avec des entrées de commandes qui ont doublé par rapport au 1er semestre 2017.

Stratégie payante
Comme le souligne le CEO, la stratégie mise en place ces dernières années s’avère payante. La flexibilisation dans tous les domaines et l’internationalisation des activités permettent à Tornos de renforcer sa croissance dans tous les domaines. Grâce à ses machines produites en Asie, le fabricant propose des solutions dans tous les domaines. Et Michael Hauser de préciser que le bras de fer commercial entre les Etats-Unis et la Chine, avec les lourdes taxes d’importation imposées par les premiers sur les produits de l’Empire du Milieu, n’affectent guère Tornos. «Nous sommes en effet très peu touchés, car l’essentiel de nos machines livrées aux Etats-Unis est fabriqué à Taïchung, dans notre usine de Taïwan, et elles ne sont pas concernées par ces taxes.»

Concentration
Sur le site de Moutier, Tornos continue de mettre en œuvre le regroupement de ses activités. Le fabricant a ainsi validé la vente de son usine de la rue de l’Ecluse et va centraliser la production sur son site principal. Les grandes halles permettront d’améliorer le flux des matériaux pour l’assemblage de toutes les machines selon le mode de lean manufacturing. Tornos va aussi rénover son bâtiment administratif. Tous ces travaux devraient s’achever d’ici à fin 2019. «Ces investissements démontrent que Tornos tient vraiment à son site de Moutier», souligne Bruno Edelmann. Quant à l’incubateur mis en service au Tornos Precision Park, ouvert en 2017, il constitue une plateforme de coopération qui réunit hautes écoles, institutions, start-up et sociétés partenaires. Trois projets ont d’ores et déjà été lancés avec succès.

Comme ces dernières années, Tornos a poursuivi ses projets d’innovation, aussi bien dans le domaine des machines multibroches que des tours monobroches. Doté d’une plateforme modulaire entièrement nouvelle, le modèle SwissDeco a reçu un très bon accueil et sa production doit démarrer d’ici à la fin de l’année. La gamme SwissNano a aussi été élargie, avec une machine dotée d’une plus grande capacité.

Enfin, Tornos continue de travailler sur des solutions d’automatisation. En septembre, le fabricant présentera au salon AMB de Stuttgart une machine dotée d’un robot qui charge et décharge les pièces et les entrepose sur des palettes. De quoi réduire leur manutention, et générer des économies.

 

En chiffres

Résultats au 1er semestre, exprimés en mios. Entre parenthèses, les résultats du 1er semestre 2017.

 

104  Chiffre d’affaires (82,1 en 2017, soit +26,7%).

128,5  Entrées de commandes (103,2 en 2017, soit +24,5%).

5,5  Résultat opérationnel (1,7 en 2017, soit +228%).

5,5  Bénéfice (0,3 en 2017).

97,8  Fonds propres.

60,8  Fonds propres en % du total du bilan.

688  Effectif temps plein, dont 370 à Moutier, sans compter les 40 apprentis.

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