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Le festival des fantômes

Pour soutenir les musiciens suisses privés de concerts, le Ghost festival met en vente des billets. L’argent récolté ira aux artistes, sans qu’ils aient à monter sur scène.

Même s’il est fictif, le Ghost festival s’est toutefois affiché dans les rues de Suisse, avec une affiche sobre, sans indications: juste un trait blanc sur fond noir. LDD

Julie Gaudio

Durant le mois de décembre, des affiches un peu particulières sont apparues dans les rues de Suisse. Un trait blanc oblique sur fond noir, sans aucune annotation. Le symbole a également été partagé par des musiciens sur les réseaux sociaux. Une communication mystérieuse pour annoncer la tenue du Ghost festival, les 27et 28 février.

Mais cet événement fantomatique n’aura en réalité pas lieu. Il vise à soutenir les musiciens suisses, privés de concerts depuis bientôt un an. «En lançant cette initiative, nous souhaitons montrer que nous n’oublions pas les artistes. Nous voulons que l’industrie musicale survive à la pandémie», détaille Elodie Romain, porte-parole du Ghost festival pour la Romandie.

Une affiche prometteuse

Pour lancer ce festival, un Ghost club a été créé il y a deux mois, avec une vingtaine de personnes «totalement ou partiellement actives dans l’événementiel, et des mélomanes», précise Elodie Romain. Et tout fonctionne comme un «vrai» festival, avec une programmation réunissant plus de 300 artistes de toute la Suisse: Studeyeah, James Gruntz, Stephan Eicher, Carrousel, Alois, KT Gorique, Puts Marie et bien d’autres. La majeure partie est issue de la Suisse alémanique, car les fondateurs sont Bernois, «mais ils ont aussi cherché des groupes romands et tessinois», assure Elodie Romain. Pour récolter les fonds, une billetterie a été lancée lundi, en partenariat avec le site suisse Petzi. A la manière de Paléo ou du Lakelive, des billets valables une journée ou deux sont mis en vente, ainsi qu’un pass VIP.

Musiciens à l’affiche et gérants de salles de concerts saluent de concert cette initiative. D’autant plus que les artistes n’ont aucune contrepartie à fournir, pas même une performance en streaming. «C’est vraiment cool qu’ils ne demandent rien en échange car organiser un concert en ligne nécessite du temps et de l’argent», salue la chanteuse biennoise Caroline Alves. «Tous les groupes ne peuvent pas se permettre de faire du streaming en bonne qualité, donc il est sympa que ce festival ne soit que dans la tête», abonde Christian Müller, musicien biennois membre du groupe Convulsif.

Bien que Phanee de Pool ne participe pas au festival, son père et manager, Laurent Diercksen, apprécie toutefois l’initiative. «Le monde de la culture est à l’agonie. Beaucoup de personnes ignorent que les musiciens travaillent réellement et qu’ils ne font pas juste ça le dimanche pour leur plaisir», souligne-t-il.

Les trois artistes précités, qui ont tous sorti un album à l’automne dernier, partagent le même manque du public, en particulier «la physicalité des concerts», pour Christian Müller. «J’ai participé à un festival en streaming en décembre, mais je jouais devant aucun public. C’est vraiment très dur», raconte de son côté Caroline Alves.

La musique en bandoulière

En attendant de fouler à nouveau les planches des salles de concert, le Ghost festival leur offre un coup de projecteur bienvenu et incite les Suisses à ouvrir leur porte-monnaie, sans rien attendre en retour. «La musique est un compagnon fidèle dans nos vies», estiment les organisateurs, et à ce titre, «il est temps de remercier les personnes qui nous offrent ces moments d’évasion». Sans être un grand mélomane, on a tous une chanson qui nous rappelle un bon souvenir, comme un premier baiser, une rupture ou des retrouvailles, avance le Ghost club comme argument.

Lancé lundi, le festival fantomatique a déjà vendu plus de 2000 tickets. «Le bénéfice des ventes reviendra intégralement aux groupes à parts égales, au plus tard une semaine après la fin de la récolte», promet Elodie Romain. «Les quelques personnes salariées de l’organisation seront payées grâce aux sponsors», complète-t-elle. En outre, un site vendant des produits dérivés va être mis en ligne d’ici deux semaines, ainsi que la version du site en français.

A l’avenir, le Ghost club, une organisation à but non lucratif, pourrait même organiser une «vraie» édition du festival l’an prochain, «pour faire durer l’expérience», conclut Elodie Romain.

Infos: www.ghost-festival.ch

Mots clés: Bienne, Festival, ghost, Musique

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