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Le long combat pour une vie meilleure

Il y a cinq ans jour pour jour, Haïti et sa capitale Port-au-Prince étaient dévastés par un séisme. Fredy Sidler, le président de la fondation biennoise Suisse-Santé-Haïti, se souvient

Un des deux dispensaires gérés par la fondation Suisse-Santé-Haïti dans la vallée de l’Artibonite, à une centaine de kilomètres de Port-au-Prince. LDD

Julien Graf

Il y a cinq ans jour pour jour, le 12 janvier 2010, 16h53 heure locale. Un tremblement de terre de magnitude 7 sur l’échelle de Richter sème la mort en Haïti. La capitale Port-au-Prince et d’autres villes alentours sont réduites en ruine. Selon les chiffres officiels, on dénombre plus de 250000 victimes et presque autant de blessés.
Président de la fondation Suisse-Santé-Haïti, qui s’engage dans le domaine de la santé et qui a été créée en2009 par l’association Jumelage d’hôpitaux d’enfants Bienne-Haïti (AJH), Fredy Sidler apprend la terrible nouvelle à la radio. «J’ai immédiatement compris que nous étions face à une situation d’une ampleur sans précédent, se remémore-t-il. Un séisme de cette magnitude en Californie n’aurait jamais causé autant de dégâts. Mais là-bas, les maisons sont de véritables châteaux de cartes, souvent construites avec du faux ciment.»
Fredy Sidler tente alors de joindre ses contacts à Deschapelles. Là-bas, l’AJH finance depuis 1991 un poste de pédiatre à l’hôpital Albert Schweitzer. En vain car toutes les lignes téléphoniques sont coupées. Il apprend quelques jours plus tard que l’ensemble du personnel de l’hôpital est sain et sauf.

Zone d’activité épargnée

Niché dans la vallée de l’Artibonite, une zone rurale située à une centaine de kilomètres au nord de Port-au-Prince où résident quelque 200000 personnes, l’hôpital a été épargné par les affres de Mère Nature. «A peine 24heures après le tremblement, l’hôpital était archibondé. Les blessés affluaient, souvent à dos d’âne, depuis la capitale. En plus d’y fournir les premiers soins, nous avons servi durant deux mois deux repas par jour à près d’un millier de réfugiés. Nous sommes aussi parvenus à loger et nourrir pendant six mois 160 personnes à leur sortie de l’hôpital. Elles n’avaient plus de toit, plus rien», explique Fredy Sidler.
L’élan de solidarité se met en place. Rien qu’en Suisse, 66millions de fr. sont récoltés par la Chaîne du bonheur. Grâce à une journée spéciale sur les ondes de Canal 3, l’AJH parvient à amasser quelque 130000 fr., destinés à prodiguer les premiers soins dans les dispensaires de Plassac et de Deslandes, également situés dans la région de l’Artibonite, où l’association concentre ses activités. Fredy Sidler se rend sur place près de quatre mois après le séisme. Grâce à l’aide américaine, l’aéroport de Port-au-Prince, dévasté lui aussi, a pu rouvrir entre-temps: «J’ai redécouvert une capitale complètement anéantie. Mais j’avais l’impression que le peuple avait déjà réappris à vivre normalement. Les gens possèdent tellement peu de chose qu’il ne leur faut presque rien pour revivre normalement.»

Dispensaire pillé

Quelques mois plus tard, l’épidémie de choléra fait son apparition. Les dispensaires en soins ambulatoires sont transformés en centres de soins stationnaires et fonctionnent jour et nuit, sept jours sur sept. «Aujourd’hui, le choléra a presque été éradiqué», souligne le président de la fondation Suisse-Santé-Haïti.
A l’été 2011, alors que la vie reprend son cours dans la vallée, un autre coup dur frappe la fondation. Elle est contrainte de fermer son dispensaire de Deslandes. «Nous avions licencié un employé qui volait des médicaments. Pour se venger, il est souvent revenu piller et endommager le dispensaire, parfois accompagné de près de 200 personnes de son clan. La situation était devenue intenable. En Haïti, dans des contrées si reculées, il est illusoire de compter sur la protection de la police», rapporte Fredy Sidler, par ailleurs président du conseil d’administration du Centre hospitalier de Bienne.

200 consultations par jour

Trois ans plus tard, en mai dernier, Suisse-Santé-Haïti a pu rouvrir un nouveau dispensaire à Valheureux, bourgade située sur le versant opposé de Deslandes. Avec celui de Plassac, ils couvrent aujourd’hui les besoins en santé primaire des quelque 50000 habitants. Quelque 200 consultations y sont réalisées chaque jour par des infirmières haïtiennes, formées à soigner la tuberculose, la malaria ou les maladies respiratoires. Des «agents de santé» parcourent la région pour y effectuer de la prévention auprès des populations rurales, en premier lieu auprès des femmes et des enfants. Si les cas s’avèrent trop lourds pour être traités sur place ou dans les dispensaires, les malades sont envoyés à l’hôpital Albert Schweitzer de Deschapelles. Les coûts annuels de fonctionnement des deux dispensaires sont de quelque 500000 fr., argent récolté grâce aux dons en Suisse.

«Un combat qui fait sens»

Fredy Sidler est retourné en Haïti en décembre, pour la douzième fois depuis le séisme. Le pays souffre toujours des conséquences sociales et économiques de la catastrophe et le pouvoir demeure gangrené par la corruption. «J’ai toutefois été ravi de constater que nos dispensaires bénéficient du soutien des personnes influentes de l’Artibonite, comme le pasteur ou le juge de paix. J’ai eu le sentiment que pour la première fois depuis le tremblement de terre, la situation dans les dispensaires est stable et le travail efficace. Ce combat pour un accès aux soins et à une vie meilleure fait plus que jamais sens.»

Nouvelle maternité

Examens réguliers Dans son dispensaire de Plassac, la fondation Suisse-Santé-Haïti a ouvert une maternité en mai 2014. «Les femmes ont toujours été habituées à accoucher dans la nature, sans aucune aide médicale. Le but est de faire baisser le taux très élevé de mortalité néonatale et maternelle dans la région», relève FredySidler. Dès le troisième mois de grossesse, les femmes sont régulièrement examinées par une sage-femme, ayant bénéficié de quatre ans de formation. Depuis son ouverture, à peu près la moitié des naissances dans la région ont été encadrées médicalement. «C’est encourageant, mais encore trop peu. Il faudra du temps pour faire évoluer les habitudes», estime le président de Suisse-Santé-Haïti.
www.biel-haiti.ch

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