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Littérature

Le merle chante en ville

Avec «La légende du merle», Jean-Pierre Rochat signe un nouveau récit intime et régional. Dans des paysages biennois, on retrouve ses thèmes de prédilection.

Dans «La légende du merle», Jean-Pierre Rochat parle des femmes de sa vie, de son installation en ville et de rencontres inattendues. Peter Samuel Jaggi

Par Maeva Pleines

Aussi poétique que prosaïque, on ne sait pas toujours par quel bout prendre les récits de Jean-Pierre Rochat. En librairie dès demain, son dernier bébé, «La légende du merle» ne fait pas exception. S’y mêlent la présence ancrante et sensuelle des femmes de sa vie et les incursions chaotiques de marginaux biennois hauts en couleurs. L’écriture, morcelée, libre et orale se pare de jeux de mots habiles et d’images innovantes. «Mon roman précédent retraçait l’errance suivant la retraite. Celui-ci, c’est l’installation en ville», résume l’ancien berger désormais habitué à sa nouvelle situation de quasi citadine à Evilard. «En m’impliquant dans la sculpture Robert Walser, j’ai rencontré toute une nouvelle faune biennoise», glisse-t-il.

On constate en effet que son récit est désormais davantage influencé par les humains que la nature. «Je raconte encore quelques flash-back liés à mes années à la ferme, mais j’ai gentiment fait le tour de la question.» Le merle, qui raconte des histoires aux enfants, constitue un fil conducteur dans la narration. «J’ai été inspiré par ce chant lors du premier confinement car, sans l’activité humaine, on entendait particulièrement les oiseaux», relate l’écrivain.

On retrouve en effet l’ambiance de la pandémie entre les lignes, comme lorsqu’il compare le télétravail à «la prise de pouvoir des écrans intégrés à l’humanité en panne». «Je n’ai pas voulu en faire une réflexion sur la crise. D’une part, parce qu’on en parle assez. D’autre part, parce que je l’ai personnellement bien vécue», explique celui qui considère l’écriture comme une forme de thérapie. «Mes récits sont des journaux intimes un peu rêvés. J’y décris notre région, peuplée de personnages où sont condensés plusieurs de mes connaissances. Et je laisse parler mon imaginaire pour donner une autre dimension à la vie.»

Et d’ajouter que le bonheur n’est pas bon pour l’écriture, puisque les gens heureux n’ont pas d’histoire. «Après avoir pensé au suicide, par le passé, je suis, aujourd’hui, presque trop bien dans ma vie», sourit-il.


Interroger entre les lignes
Résolument ancré dans le présent, Jean-Pierre Rochat vise malgré tout l’intemporel. Il traite ainsi de sujets universels, comme l’amour ou la mort, qu’il ne craint pas mais qui donne de l’ampleur au moment présent. Il écrit ainsi vouloir «mourir d’amour, idéalement, en pleine extase, comme une overdose».

Philosophe, Jean-Pierre Rochat ne donne toutefois jamais de leçons. Il interroge. «Je me demande comment se sentir bien dans la vie. Je ne donne pas de message mais je propose une liberté de pensée.» Et lorsqu’on lui demande son secret pour séduire, encore et encore, son lectorat, le Biennois marque une pause, puis lâche: «J’écris comme je pense. Beaucoup de gens se retrouvent dans ce langage mental. De plus, cette approche non-linéaire me semble particulièrement actuelle car on a de plus en plus tendance à zapper entre différents sujets. Je capte ainsi l’attention, en invitant le lecteur à passer d’une idée à l’autre, de manière assez spontanée – même si je retravaille beaucoup ma prose après la première écriture.»

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