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Tavannes

Le pasteur Frêne, chroniqueur et bon vivant

Mémoires d’Ici a exposé les manuscrits reliés des documents recueillis à la fin du 18e siècle par le pasteur Théophile Rémy Frêne (1727-1804). Un témoignage époustouflant.

Manipulé avec des gants par Sylviane Messerli, un trésor qui passionne les auditeurs BS

 

Par Bernard Schindler

Jeudi à la Salle communale, Sylviane Messerli, la directrice de Mémoires d’Ici, a eu la bonne idée de présenter   l’œuvre du pasteur Frêne, une tranche sidérante d’histoire qui, sur une période de plus de 40 ans, explore la vie régionale par le menu. Conseillère communale de fraîche date et responsable de la culture et des sports, Stéphanie Amstutz a prononcé son premier discours, non sans émotion, en guise d’accueil à la trentaine de curieux d’histoire.

Monument en deux volets
L’œuvre du pasteur Frêne comprend deux volets bien distincts: le «Journal de ma vie», enfin édité en primeur en 1993 par les soins de la revue Intervalles et de la Société jurassienne d’émulation, et un pavé de plus de 700 pages grand format de documents originaux et copies diverses, manuscrites. Ce dernier, un trésor, ne se manipule qu’avec des gants! Et Sylviane Messerli va entraîner l’auditoire au fil des pages, un émerveillement. Il y a de l’utilitaire: une construction trigonométrique de Jean-Henri Laubscher pour évaluer l’altitude de Chasseral, 3300 pieds de roi, en 1759 à partir de l’église de Saint-Jean au Landeron ou des cartes schématiques de la Prévôté par exemple.
Une série de lettres et récits retracent le «tumulte» de Vauffelin, où le pasteur Cellier, collectionneur de pistolets, aurait été mis à mal par les paroissiens et où le prince-évêque a renoncé à toute sanction. Des listes recensent les pasteurs de la région, une copie reproduit la lettre du 19 brumaire (novembre) 1797 de l’armée révolutionnaire française qui annonce l’occupation et le séquestre des finances épiscopales. Il y a des recherches historiques, notamment la disparition du village de Mévillier à l’est de Court, décimé par une épidémie de peste. Par d’autres extraits encore, Sylviane Messerli brosse un tableau vivant de la fin du 18e siècle dans nos vallées, avec le fil rouge d’un pasteur, opiniâtre dès l’âge de 14 ans dans sa façon de conserver la mémoire de l’époque.

Frêne toujours actuel
Dans son journal, le pasteur Frêne décrit un périlleux voyage dans la tourmente hivernale pour visiter son oncle pasteur à Sornetan. Il y a quelques années, Madeleine Blanchard et Jean-Pierre Graber, dans le cadre de l’Association du réseau équestre des Franches-Montagnes, ont eu vent de la découverte du chemin ancien entre Châtelat et Sornetan. Il a été remis en valeur et baptisé «Chemin du pasteur Frêne» en 2015.  Il jouxte l’itinéraire Bâle-Payerne vers Saint-Jacques de Compostelle, ce qui ne devrait pas gêner beaucoup le pasteur bon vivant qui, œcuménique avant l’heure, s’invitait souvent à la table bien garnie des moines de Bellelay!

Deux ouvrages de poids
Le plus léger, en cinq volumes rouges, c’est le «Journal de ma vie» de 1741  à 1804 et édité en 1993: quatre volumes de texte et le 5e, épais, bourré de toutes les références bibliographiques utiles des historiens éditeurs, André Bandelier, Cyrille Gigandet et Pierre-Yves Moeschler. Un 6e volume de même allure s’ajoute, «Cléobule ou pensées diverses d’un pasteur de campagne», édité en 2016 et reflet de la philosophie de Rémy Frêne. L’autre ouvrage, énorme, est l’original de tous les documents recueillis par le pasteur et reliés à titre posthume par un inconnu. En plus des documents originaux, il y a une foule de copies conformes à l’époque, c’est-à-dire manuscrites. Une étude très fouillée de Rosella Baldi en a fait l’inventaire, à voir sur https://www.e-codices.unifr.ch, avec les photographies de chaque page. Selon Sylviane Messerli, il reste néanmoins une matière première inépuisable pour d’autres études passionnantes.

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