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Elections fédérales

Le PSA vote suisse allemand!

Le Parti socialiste autonome, qui ne présente aucun candidat pour le 18 octobre, appelle ses troupes à soutenir la liste PS femmes

Au PSA, on préfère parfois l’allemand…MAJ-production

Pierre-Alain Brenzikofer, Philippe Oudot

Le PSA a la rancune tenace. Dans un communiqué de presse envoyé hier, la formation autonomiste recommande à ses partisans de soutenir la liste PS femmes plutôt que la liste PS francophone. Un sacré pavé dans la mare, que le parti justifie en prétextant que «la question de la représentation du Jura bernois aux Chambres fédérales a été tranchée le 24 novembre 2013. En écartant une solution institutionnelle qui lui aurait assuré sans doute deux représentants, la population a montré que sa présence sous la Coupole n’est pas une préoccupation de première importance.»

Du coup, la formation que préside le maire de Moutier Maxime Zuber affirme rester fidèle à ses valeurs et à ses convictions en choisissant de voter «utile et solidaire. Le vote utile consiste à donner les suffrages à une liste qui a des chances réelles de conforter, voire de renforcer la représentation du Parti socialiste au Conseil national. Le PSA recommande ainsi de voter pour la liste PS femmes, en accordant la priorité à des candidates ayant toujours démontré respect et considération à l’égard des autonomistes en général et du PSA en particulier, tout en garantissant une plus grande représentation féminine sous la Coupole fédérale.»

La formation autonomiste appelle par ailleurs à soutenir et à cumuler les deux candidats autonomistes de La Gauche présents sur la liste 25 POP + JC (Olivier Beroud et Frédéric Charpié, ndlr). Quant au Conseil des Etats, «le PSA accorde sa confiance à la candidate des Verts Christine Häsler».

Le PSA indique par ailleurs qu’il «fixe d’ores et déjà son attention sur les élections partielles du Conseil exécutif prévues au début d’année 2016 suite aux démissions de deux conseillers d’Etat socialistes». Il a donc lancé un appel aux candidatures et décidera de la suite à donner à cette échéance électorale en novembre prochain.

Pour le moins surprise

Présidente du PS bernois, Ursula Marti se dit pour le moins surprise de la teneur du communiqué du PSA. «Je m’attendais bien sûr à ce que le PSA soutienne la liste francophone. D’autant qu’avec les apparentements de nos listes, même si celle des francophones n’obtenait pas un siège, les voix du PSA n’auraient pas été perdues.» Difficile donc de comprendre l’argumentation du vote utile brandi par le PSA.

Ursula Marti constate néanmoins que la formation autonomiste appelle à voter pour le Parti socialiste. Mais cet appel à soutenir des candidats alémaniques ne risque-t-il pas de pousser une partie de l’électorat du PSA à s’abstenir? «J’espère que non.»

Elle s’étonne par ailleurs de l’appel du PSA à voter pour la candidate des Verts Christine Häsler, et pas pour le candidat socialiste Hans Stöckli. Un coup de couteau planté dans le dos du socialiste biennois? «Je regrette vivement cette absence de soutien, que je ne comprends pas, car Hans Stöckli s’est toujours engagé pour toute la région, y compris pour le Jura bernois. Il faudra que nous en discutions avec le PSA, car j’attends d’une formation socialiste qu’elle soutienne le candidat du parti.»

Cette prise de position pourrait-elle remettre en cause la participation du PSA au Groupe socialiste au Grand Conseil? «C’est trop tôt pour le dire, mais nous allons sans doute en discuter.»

«Extrêmement choqués»

Du côté du Parti socialiste romand de Bienne (PSR), on semble s’être enfin rendu compte de la vraie nature du PSA. «Ce communiqué de presse est pour le moins étonnant, estime très poliment la députée Samantha Dunning, candidate sur la liste francophone du PS. Il n’a en fait aucune cohérence. Nous nous attendions plutôt à ce que le PSA s’abstienne ou recommande la liberté de vote.»

Eu égard à cette attitude, le PSR juge pour le moins surprenant qu’un parti, qui se veut indépendant de Berne parce que le canton ne soutiendrait pas assez les francophones à ses yeux, propose à ses ouailles de voter pour la Liste femmes du PS, une liste purement alémanique!
«Au niveau du PSR, nous en avons plus qu’assez d’être pris entre les querelles des pro-Jurassiens et des soi-disant pro-Bernois, note encore Samantha Dunning. Nous, ce que nous voulons, c’est tout simplement l’élection d’un francophone représentant la gauche sous la Coupole. Nous ne voulons pas de Manfred Bühler et avec une telle attitude, le PSA favorise l’avènement de ce dernier.»

Le PSR se console toutefois en prenant acte que le parti de la famille Zuber ne s’abstiendra pas. Au moins, les voix de ses féaux profiteront à la gauche.

«Mais nous sommes extrêmement choqués quand même, conclut la politicienne précitée. Surtout que nous avons invité le PSA à plusieurs reprises sous l’égide du parti cantonal. A Bienne, de surcroît, nous en avons vraiment assez d’être pris en sandwich entre le PSJB et le PSA et leurs querelles politiques. Nous sommes enfin fort étonnés que le PSA propose de voter pour la Verte Christine Häsler au Conseil des Etats plutôt que pour Hans Stöckli qui est bilingue. Je conseille à ce parti de changer de nom et de se baptiser Les Verts autonomistes.»
Cela dit, la campagne continue comme prévu. Hier matin, les membres de la Liste francophone du PS étaient à 6h30 en gare de… Moutier pour mener campagne. Dans une optique inchangée: faire élire un ou une francophone au Conseil national, même sans l’aide du PSA.

Une vengeance

Candidat de la liste PS francophone et vice-président du PS bernois, Roberto Bernasconi est lui aussi consterné par la prise de position du PSA. «Je pense que les responsables se sont aperçus que notre liste PS francophone avait des chances d’obtenir un siège – ce qui serait un affront à leurs yeux puisqu’ils ont refusé de jouer le jeu et de proposer des candidats pour cette liste francophone. C’est une forme de vengeance et une façon de nous couler en évitant que des voix PSA ne fassent élire un des nôtres.»

Il observe toutefois qu’il s’agit d’une véritable volte-face par rapport à la position de départ du PSA. En effet, explique-t-il, lors des discussions sur son éventuelle participation à la liste francophone, le parti autonomiste avait dit renoncer à y participer, «tout en affirmant être favorable à notre liste».

Il constate par ailleurs que dans son argumentation, le PSA en revient à la votation du 24septembre 2013 pour justifier son choix. «Le PSA prétend toujours que ce sont les autres qui ramènent tout à la Question jurassienne. On voit bien qu’il n’en est rien. Il suffit d’ailleurs de voir les dix dernières interventions parlementaires au Grand Conseil de la députée PSA Irma Hirschi…»

Roberto Bernasconi note dans la foulée que d’un côté, ce parti reproche à Manfred Bühler de s’exprimer parfois en allemand à la tribune du Grand Conseil, mais de l’autre, il appelle à voter pour des candidates qui sont toutes alémaniques, plutôt que pour des camarades romands…

Quant à l’appel à soutenir la candidate des Verts au Conseil des Etats, et pas le socialiste Stöckli, il estime que le PSA est dans la même logique. «Il lui tient probablement rigueur de ne pas avoir défendu bec et ongles l’initiative cantonale bernoise demandant de garantir la représentation des minorités linguistiques, idée dont Maxime Zuber était l’auteur…»

Enfin, Roberto Bernasconi relève qu’une éventuelle candidature PSA dans la course au Conseil exécutif en février prochain n’aurait qu’un seul objectif:affaiblir la candidature d’un prétendant du PSJB.

Et encore merci!

Visiblement éperdus de reconnaissance pour le soutien du PSA, Oliver Beroud et Frédéric Charpié (La Gauche) ont clamé fugacement leur joie via Facebook en rappelant accessoirement qu’ils étaient les seuls candidats autonomistes du Jura bernois pour ce scrutin: «Nous remercions nos camarades du PSA pour leur soutien. Il est évident pour nous que si vous êtes Jurassiens et de gauche (voir même simplement Jurassiens et désireux de le marquer), il faut prendre un bulletin vierge, noter le numéro de liste 25 et cumuler nos deux candidatures, éventuellement avec en plus par exemple notre camarade Denise Bloch – de la Liste francophone du PS, ndlr –, parce qu’elle avait voté oui le 24 novembre.»

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