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Bienne

Le tour de la question en 180 secondes

Le Biennois Adrien Wyssbrod participera le 18 mai à la finale suisse du concours «Ma thèse en 180 secondes». Sa première place à l’Uni de Neuchâtel lui en ouvre les portes

Adrien Wyssbrod, doctorant en histoire et en droit. (Photo PSJ)

 

Marjorie Spart

Adrien Wyssbrod l’admet volontiers: quand on lui demandait le sujet de sa thèse, il peinait à la résumer sobrement. «Lorsque j’explique que je travaille en histoire du droit, je perds l’attention de la moitié de mes interlocuteurs. Et quand j’y ajoute le terme ‹codification›, je perds les autres», image, en rigolant, Adrien Wyssbrod en évoquant sa vie de doctorant en histoire et en droit à l’Université de Neuchâtel.

C’est un peu par défi qu’il a choisi de participer au concours «Ma thèse en 180 secondes». Résumer des centaines de pages de manière à se faire comprendre par des non spécialistes semblait impossible. «Voilà pourquoi j’ai eu envie de la faire», assure le Biennois de 30 ans, en précisant que «simplifier à tel point mon travail de recherche en a été douloureux. Mais c’est important d’y arriver. Mon but n’est pas d’écrire un ouvrage scientifique qui ne sera lu que par trois spécialistes.»

Pas de code écrit
On pourrait pourtant le croire en lisant le titre de sa thèse: «De la coutume au code, résistances à la codification du droit à Neuchâtel sous l’Ancien Régime». Derrière cet intitulé, l’historien a voulu comprendre pourquoi les tentatives de codification du droit neuchâtelois, au 18e siècle, avaient toutes successivement échoué. «A cette époque, c’est le droit coutumier – basé essentiellement sur une tradition orale – qui prévalait. Le roi de Prusse FrédéricII a tenté de faire codifier le droit, mais il s’est heurté à une résistance du Conseil d’Etat de l’époque qui a sans cesse repoussé cette demande. Pourquoi donc résister à la mise sur papier d’un Code civil?» Adrien Wyssbrod constate qu’à cette époque la codification du droit n’était pas considérée comme quelque chose de bénéfique. «Le droit coutumier était davantage compréhensible pour le grand public que des textes de lois.»

Le jeune homme tire aussi le constat que cette résistance n’était pas du tout une spécificité neuchâteloise, mais un phénomène largement répandu dans les autres sociétés.

Grande préparation
Admettant la complexité du sujet de sa thèse, Adrien Wyssbrod estime que la vulgarisation devrait aller de pair avec la recherche scientifique. Une vision qu’il cultive depuis longtemps mais qui n’est de loin pas partagée par toute la sphère universitaire. La première édition du concours avait d’ailleurs suscité de vives critiques lors de sa mise sur pied. «Aujourd’hui, les esprits commencent à s’ouvrir», tempère l’historien qui a vu dans cet exercice un moyen de prendre de la distance vis-à-vis de son travail de thèse. Ce qui lui a permis de recadrer certaines choses.

Le Biennois s’est minutieusement préparé avant ce concours qui s’est tenu le 16mars dernier. Après avoir trouvé le texte juste, il a fallu soigner la présentation. «En tant que doctorants, nous n’avons aucune expérience dans les présentations orales. Je me suis donc fait aider pour la diction, la respiration et la gestuelle dans des cours organisés par la Conférence universitaire de Suisse occidentale.» Et ces efforts ont payé puisqu’Adrien Wyssbrod a décroché la première place de la sélection neuchâteloise. Grâce à cette victoire, il se présentera à la finale de Suisse romande, le 18 mai à Genève.

Pour l’heure, la conséquence la plus positive retirée par le chercheur suite à cette qualification est «d’avoir obtenu une certaine visibilité et de la reconnaissance», relève-t-il. «Même s’il est vrai que j’aime travailler seul dans les archives, cela fait du bien de se sentir reconnu dans son travail.»

Projets à foison
Il espère également que cette visibilité lui ouvrira certaines portes pour développer des projets futurs. Et ceux-ci sont déjà nombreux... «J’ambitionne de créer une petite start-up qui mettrait sur pied des projets historiques destinés au grand public. Ils auraient la précision historique et scientifique, mais seraient vulgarisés», révèle le chercheur qui espère pour cela garder un pied à l’université et l’autre au sein de cette petite entreprise.

Le premier projet – qui se profile déjà – est la création d’un guide touristique et historique de Neuchâtel qui prendrait la forme d’une balade. Dans les autres idées figure aussi celle de réaliser des vidéos «amusantes, prenantes et avec un bon niveau historique et scientifique, disponible en ligne. Cela existe déjà et il y a un réel intérêt pour ce genre de contenu. Mais la qualité n’est pas au rendez-vous», assène-t-il, désireux de combler cette lacune.

 

 

La science à la portée de tous en trois minutes
Pour la seconde année consécutive, les universités de Suisse romande organisent le concours d’éloquence et de vulgarisation «Ma thèse en 180 secondes». En trois minutes chrono, les doctorants sont mis au défi de présenter leur sujet de recherche à un public de non initiés avec clarté, efficacité et de façon ludique! Chaque université a sélectionné ses trois meilleurs représentants. Ceux-ci «s’affronteront» lors de la finale, le 18 mai à Genève. A la clé, une enveloppe de 1500 fr. et le droit de participer à la finale de la francophonie en Belgique, en automne. Infos sur www.mt180.ch£ c-mas

 

 

 

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