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Bienne

Les étoiles de la gymnastique de Macolin au cœur d’un film

Présenté en avant-première mardi soir à Bienne, le long-métrage de fiction «Olga» a principalement été tourné au Centre national du sport. Le réalisateur Elie Grappe s’est entouré d’athlètes professionnelles.

Elie Grappe a tourné avec des gymnastes de Macolin, qui étaient présentes à la projection du film "Olga" mardi soir à Bienne. Barbara Héritier
Julie Gaudio
 
A première vue, la gymnastique suisse de haut niveau et la révolution ukrainienne de 2013-2014 n’ont rien en commun. Mais ce sont justement ces deux univers que le jeune réalisateur Elie Grappe relie dans son premier long-métrage «Olga», faisant surgir la magie là où on ne l’attend pas. Tourné en majeure partie au Centre national du sport de Macolin avec des gymnastes de l’équipe suisse, le film a été présenté en avant-première à Bienne mardi soir. Le réalisateur français de 27 ans, résidant sur le territoire helvétique depuis 10 ans, est venu accompagné des athlètes.
 
L’histoire démarre fin 2013, peu avant que n’éclate la révolte d’Euromaïdan à Kiev, en Ukraine. Olga, gymnaste prometteuse de 15 ans, est envoyée à Macolin par sa mère pour la protéger. La jeune fille, en pleine adolescence, tente de faire sa place au Centre national du sport, tout en observant de loin la révolution dans son pays. «Durant mes années d’étude à l’ECAL à Lausanne, j’ai réalisé un court-métrage documentaire sur un orchestre», raconte Elie Grappe. «A cette occasion, j’ai rencontré une violoniste ukrainienne venue en Suisse juste avant la révolution ukrainienne. Son histoire m’a touchée et a été le point de départ de ce projet.» 
 
Ancien élève au conservatoire de Lyon – où il a étudié durant 10 ans la musique classique –, Elie Grappe a également approché le monde de la danse dans le cadre de l’un de ses courts-métrages réalisés à l’ECAL. «Je ne connaissais rien du tout à la gymnastique, et c’est ce qui m’intéressait. J’ai commencé à m’immiscer dans cet univers dès 2016, et j’ai été happé par la cinégénie de cette discipline», se souvient le jeune réalisateur. «Durant les entraînements, je fermais les yeux et j’écoutais les sons, qui ressemblaient à de la musique.»
 
Gymnastes de haut vol
 
Elie Grappe s’est plongé à corps perdu dans la gymnastique, écoutant attentivement les récits des athlètes, qui ont nourri son scénario. «Dès 2016, en les regardant s’entraîner à Macolin, j’ai su que je les voulais dans mon film, plutôt que de tourner avec des actrices. Mais je ne leur ai pas dit tout de suite», confie-t-il malicieusement. 
 
Surfant à la frontière de la fiction et du documentaire, le film est classé dans la première catégorie, bien qu’il ait été tourné avec de véritables athlètes. Celles-ci portent des noms fictifs, à l’image de la gymnaste tessinoise Caterina Barloggio, prénommée Steffi dans «Olga». Découvrant la réalisation filmique à cette occasion, l’athlète de 25 ans – aujourd’hui «retraitée» – en tire une expérience heureuse. «Même si les entraînements et le tournage ne se ressemblent pas du tout!» sourit-elle. Et de préciser: «Lorsque nous nous entraînons, les mouvements doivent s’enchaîner très vite. Or, avant de tourner, il faut mettre beaucoup de choses en place et cela prend du temps. Et nous devons répéter nos mouvements à de nombreuses reprises.»
 
Raison pour laquelle Elie Grappe a préféré sélectionner de véritables gymnastes, plutôt que des actrices, afin de «capter la vérité des interprètes» et de résister à un tel niveau. De la même manière que pour les sportives suisses, Elie Grappe s’est rendu en Ukraine pour sélectionner celle qui interprète Olga, le personnage principal. «Lorsque je suis arrivé au Comité national olympique à Kiev, la seule gymnaste qui a continué ses entraînements sans faire attention à l’équipe du film était Anastasia Budiashkina. J’ai été touché par son intensité et lui ai proposé le rôle-titre, qu’elle a accepté», témoigne Elie Grappe. 
 
La jeune Ukrainienne a donc débarqué à Macolin, dans un univers plus amical que celui montré dans le film. «Nous ne nous donnons pas de coups de boule dans les vestiaires», rassure d’emblée Caterina Barloggio, en se référant à une scène du film. «Pour la tourner, cela s’est révélé d’autant plus dur, car il fallait montrer que l’intention était bel et bien là, alors qu’en réalité, pas du tout!» sourit-elle. 
 
Sécurité et exil
 
Tourner en Suisse est apparu comme une évidence pour le réalisateur français. «Cela fait 10 ans que j’habite dans le pays et j’ai toute ma vie ici désormais», témoigne Elie Grappe. «En outre, je trouvais le pays intéressant pour le conflit intérieur qui anime Olga. La Suisse est à la fois le pays où elle est le plus en sécurité, et aussi celui le plus éloigné de l’Ukraine politiquement», analyse-t-il. «La Confédération helvétique se situe au centre de l’Europe, mais n’est pas dans l’Union européenne, et revendique une neutralité qu’Olga ne pourra jamais avoir.»
 
Le site de Macolin illustre également ce conflit entre sécurité et éloignement. «Situé sur un plateau montagneux, le Centre national du sport dispose d’une magnifique salle de gymnastique, au milieu des paysages grandioses», constate Elie Grappe. «En même temps, la nature forme une sorte de huis clos à ciel ouvert, délivrant une atmosphère très particulière.» Le réalisateur confronte ces paysages d’un blanc apaisant aux images animées d’Euromaïdan, tournées par les Ukrainiens eux-mêmes. Deux mondes opposés, savamment réunis. Représentant suisse dans la course aux Oscars, «Olga» a tout pour atteindre les étoiles de Hollywood.

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