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Olympisme

Les frères Werro en quête de gloire

Deux canoéistes de Macolin aux Jeux olympiques de Rio de Janeiro.

Au Brésil, les frères Lukas (au premier plan) et Simon Werro, de Macolin, visent un diplôme olympique, soit une place dans les huit premiers. Daniel Käsermann

Francisco Rodriguez

Traduction Marcel Gasser

A leur arrivée au village olympique, les frères Simon (26 ans) et Lukas Werro (25 ans) redoutaient d’y trouver les conditions d’hébergement déplorables décrites par la presse. La délégation australienne avait même refusé d’y prendre ses quartiers, se plaignant de canalisations et de systèmes électriques défectueux, sans parler des toilettes bouchées. Les deux canoéistes de Macolin sont logés à meilleure enseigne.

«Nous n’avons rien constaté de tel; les appartements sont certes aménagés de manière spartiate, mais ils sont super. Nous logeons au18e et dernier étage, nous disposons d’une cuisine et d’un salon, et depuis le balcon, nous avons une vue superbe sur Rio», déclarent-ils d’une seule voix.

Le village olympique est un complexe de 31nouveaux buildings situés à Barra da Tijuca, la partie la plus prospère de la ville, à l’ouest. Dix mille athlètes, entraîneurs, soigneurs et médecins y sont actuellement hébergés, à1,5km du parc olympique. Mais quand le pic sera atteint, ils seront 18 000.

«Le village olympique est gigantesque, et chaque jour voit défiler un nouvel arrivage d’athlètes. C’est particulièrement impressionnant au moment des repas, sous une tente où des milliers de personnes mangent en même temps. Aux heures de pointe, ça va et ça vient dans un chaos indescriptible», explique Simon.

Les deux frères s’entraînent au parc aquatique de Deodoro, là où ils tenteront lundi de se qualifier pour les demi-finales en double canadien. La déclivité est certes moins forte qu’aux Jeux de Londres et de Pékin, mais techniquement, le tracé est exigeant. «Cela vaut la peine de bien s’entraîner et de connaître toutes les subtilités. Comme le parcours exact n’est établi que la veille de la compétition, il faut acquérir le registre le plus étendu possible des tracés potentiels avant le jourJ», explique Lukas.

Pour réaliser leur rêve, les deux ambitieux canoéistes de Macolin n’ont pas lésiné sur les moyens: ils ont interrompu leurs études et, depuis 2014, se concentrent exclusivement sur ce projet olympique.

«Le nombre d’heures d’entraînement n’est pas forcément plus important, mais nous pouvons nous consacrer entièrement au canoë et, surtout, à la récupération, qui n’était pas vraiment possible à côté des études», poursuit Lukas.

Ce professionnalisme est rendu possible grâce à l’Aide sportive suisse, le département des sports de la Ville de Bâle, la Promotion du sport d’élite de l’armée et Swiss Olympic. Les deux frangins peuvent également compter sur l’aide de sponsors, de donateurs privés et de leurs parents, qui les ont toujours soutenus.

Une campagne qui rapporte 6300 francs
Et quand il s’agit de récolter des fonds supplémentaires, par exemple pour un camp d’entraînement à l’étranger, il reste toujours le «crowdfunding». La dernière campagne «I believe in you – road to Rio» a été un réel succès. Il fallait 5000 francs, et ce sont finalement 6300francs qui ont pu être engrangés. «L’action a démarré dans le cercle restreint de nos proches, mais a rapidement dépassé ce cadre. Il y a même des gens du temps de notre scolarité obligatoire qui ont manifesté leur intérêt», raconte Simon.

L’un des créateurs de «I believe in you» est Mike Kurt. Fleuron du canoë-kayak suisse en slalom, champion du monde et  d’Europe de la spécialité, classé3e mondial en 2002 et 2003, qualifié trois fois pour les JO, Kurt a mis récemment un terme à sa carrière. Il y a trois ans, il a fondé cette plate-forme de «crowdfunding» avec l’escrimeur Fabian Kauter et le spécialiste des réseaux en ligne Philipp Furrer, avec pour objectif de mettre à la disposition des sportifs un outil efficace pour réunir des fonds.

«Nous l’avons côtoyé dans l’équipe nationale pendant cinq ans. Mike nous a donné plein de conseils; c’est lui qui nous a encouragés à nous concentrer sur le double canadien, alors que nous disputions aussi les compétitions en kayak individuel», précisent les deux frères.

Avec pour résultat que, pour la première fois depuis1996 et la 9eplace des frères Peter et Ueli Matti à Atlanta, il y a de nouveau un double suisse présent aux Jeux dans cette discipline. «Nous avons disputé une compétition contre les frères Matti, mais c’était surtout pour le plaisir», signalent les Seelandais. Ils apprécient l’atmosphère familiale qui règne dans le milieu des canoéistes, où chacun aide l’autre.

Un cran au-dessus
Les frères Werro ont déjà remporté de nombreuses courses majeures. Mais les Jeux olympiques, ça se passera un cran au-dessus. «Notre entraîneur nous a inculqué ce principe: il est important de se préparer de manière spécifique. Dans le sport d’élite, beaucoup de choses se jouent dans la tête. Du coup, nous travaillons beaucoup avec des visualisations. C’est aussi pour cela que nous souhaitions nous entraîner sur place», explique Lukas.

Pour habituer ses protégés de manière idéale aux conditions particulières de l’endroit, le coach recourt parfois à des expédients peu conventionnels. «Il nous a fait nous entraîner avec des écouteurs sur les oreilles, qui diffusent l’ambiance sonore des compétitions aux JO de Londres. Bon, les collègues autour de nous ont bien rigolé. Mais maintenant, nous avons une idée précise de ce qu’est une course disputée devant un nombreux public.»

Les deux frères canoéistes le reconnaissent: ce n’est pas évident de concourir devant 8000 spectateurs. Mais il se disent confiants: ils résisteront à la pression. «Et puis nous sommes deux sur le canoë pour y faire face», plaisante le plus jeune.

«Sans compter que le moment venu, nous avons toujours su améliorer nos performances», ajoute le plus âgé. Pour participer aux demi-finales, qui se dérouleront le 11 août, il faut finir parmi les 11premiers en phase de qualification. Et en demi-finales, les 10 premiers sont retenus pour la finale, qui se dispute le même jour. Les frères Werro visent un diplôme olympique, c’est-à-dire une place parmi les huit premiers.

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