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Intempéries

Les pieds dans l’eau

Le ciel s’est déchaîné, dans la soirée de mercredi, surtout dans le Jura bernois, le canton de Bâle-Campagne et dans les Franches-Montagnes. Le Vallon, la Vallée et la région prévôtoise sont les plus touchés.

Villeret était sous l'eau, mercredi soir. Photo ldd

Par Blaise Droz, Sébastien Goetschmann et Dan Steiner

Routes fermées, trafic ferroviaire interrompu, caves inondées, tapis de grêle et cours d’eau sortant de leur lit: les violents orages ont fait de gros dégâts, entre hier et aujourd'hui, dans la région.

VILLERET

Exténué et franchement lassé, Richard Habegger, maire de la commune, raconte la troisième grosse inondation de ses 12 ans à la tête du village le plus poissard du Jura bernois en la matière. «Elles sont survenues en 2018, 2019 et 2021, soit toutes durant les quatre dernières années. Il y a vraiment quelque chose qui ne va plus», soupire-t-il, en ajoutant que «les anciens du village assurent que, de mémoire d’homme, on n’avait jamais vu des crues d’une telle intensité».

Pourtant, le moins que l’on puisse écrire est que les autorités communales font tout leur possible pour éviter que de tels événements se reproduisent. Après les gros orages de mardi et les dégâts qu’ils ont provoqué à Cressier, Richard Habegger avait immédiatement demandé à une entreprise spécialisée de vider complètement les barrages sur le ruisseau du Bez, conçus afin de retenir graviers et matériaux régulièrement emportés par de hautes eaux, et dont on sait qu’ils sont insuffisants puisque des travaux, acceptés par le peuple ce printemps encore, sont indispensables.

Ces barrages étaient donc vides lorsque l’orage apocalyptique s’est produit, hier en début de soirée. Cela a sans doute beaucoup contribué à diminuer ses conséquences, mais, malheureusement, cela n’a pas suffi.Et de loin. Selon MétéoSuisse, Villeret a reçu pendant les 10 minutes d’intensité maximale pas moins de 30 mm d’eau. Ce n’est pas encore le record de Lausanne en 2018 (41 mm), mais c’est tout de même absolument énorme.

Or, mercredi soir, le Bez n’était pas seul en cause, puisque la Suze est également massivement sortie de son lit. Plusieurs témoins ont vu une grosse benne bleue, placée derrière l’église, être emportée par les flots. Elle a rejoint la Suze et s’est coincée contre le pont situé tout proche du magasin Leuenberger. Cette benne a-t-elle contribué à aggraver l’inondation? Pour certains, c’est probable; pour d’autres, cela n’a pour ainsi dire rien changé. «Et, quoi qu’il en soit, qu’est-ce que l’on aurait pu y faire?» se demande Richard Habegger. «Chacun observait depuis son côté de la route où coulait un mètre d’eau. On se sent terriblement impuissant. Les sapeurs-pompiers d’Erguël ont dû répondre à plus de 80 appels. Outre les caves inondées, nombre de voitures ont été endommagées sur les deux parkings du centre du village. Par bonheur, on ne déplore pas de victime humaine, et, malgré l’épreuve que cela a été pour tous, c’est là l’essentiel», conclut le maire.

Située précisément dans le cœur du village, l’épicerie de Jean-François Leuenberger n’a pas été épargnée. «Les caves étaient remplies d’eau, de boue et de grêlons jusqu’au plafond, et, dans le magasin, il y en avait 20 cm. Certaines connexions électriques ont été inondées et nous n’avons plus d’électricité dans tout le magasin», expliquait-il, ce matin. «Pourtant, les vendeuses ont tenu à se montrer solidaires avec la population en ouvrant le commerce normalement. Elles réapprennent la règle de trois pour calculer le prix des légumes, et les calculettes remplacent la caisse enregistreuse. Nous avons jugé important de rendre ce service aux habitants de Villeret, qui en ont vu suffisamment avec l’orage.»


Cormoret, photo Nicole Hager

SONCEBOZ

«C’est une situation catastrophique», s’exclame Claude-Alain Wüthrich, maire de Sonceboz-Sombeval, au sortir d’une séance de crise. Comme bon nombre de ses voisins du vallon de Saint-Imier, la commune qui doit devenir la porte d’entrée du Jura bernois n’a pas été épargnée. La grêle a littéralement massacré le fourrage de plusieurs paysans du village. D’autre part, tous les ruisseaux sont sortis de leur lit, et la couche de glace tombée du ciel atteignait jusqu’à 80cm, par endroits. «Je n’avais jamais vu ça», affirme le maire, qui ajoute que du bétail a été tué dans les intempéries et que des citernes à mazout se sont renversées chez des particuliers.

«Les pompiers et de nombreuses personnes ont travaillé d’arrache-pied durant toute la nuit. Les dégâts sont énormes», ajoute encore Claude-Alain Wüthrich, qui s’est rendu, ce matin, auprès des entreprises et de ses citoyens afin d’évaluer plus précisément l’étendue des dommages.

La gare de Sonceboz a elle aussi été fortement touchée. Les voies ont été inondées et le trafic ferroviaire entre Péry-Reuchenette et Courtelary totalement interrompu, pour une durée encore indéterminée. Selon le service de presse des CFF, des travaux de remise en état de la ligne, par endroits envahie de glace, ont été effectués, aujourd'hui, et la situation devrait se normaliser durant la journée. Des bus de remplacement circuleront jusqu’à ce que tout soit rentré dans l’ordre.


Sonceboz, photo Stéphane Gerber

MOUTIER ET ENVIRONS

Par tous les trous. Et même au premier étage. Non, il n’y a pas qu’au bord des cours d’eau que les bâtiments ont été touchés, en Prévôté. Selon les pompiers du Cornet, qui ont prêté main forte à ceux de la ville voisine, du liquide jaillissait même des conduites au-delà du rez-de-chaussée.

Présent en conférence de presse, ce matin, pour commenter les comptes 2020 de sa Municipalité, Marcel Winistoerfer, la mine grave, a commencé par remercier toutes les forces d’interventions de sa cité et des envrions pour le travail abattu. «La ville était vraiment sinistrée, par endroits. Mais la populatation a su réagir vite et a compris que les pompiers ne pouvaient pas aider tout le monde en même temps», a relevé le maire. Très touchée, la piscine municipale est évidemment fermée jusqu’à nouvel avis.

Rencontrés dans les rues de Reconvilier, alors qu’ils étaient toujours en intervention ce matin, les sapeurs-pompiers de la Birse (Tavannes, Reconvilier, Loveresse et Saules) indiquaient qu’une trentaine de leurs membres avaient également été mobilisés, histoire de parer à des inondations de caves ou encore à un éboulement sur un terrain privé.


Le tennis prévôtois impraticable. Photo Stéphane Gerber

RIVIÈRES, ROUTES ET CHEMIN DE FER

Du côté des forces d’intervention, la police cantonale a reçu près de 800 annonces à ce sujet. La plupart d’entre elles concernaient des infiltrations d’eau dans les bâtiments ainsi que des rues et places inondées. Des perturbations du trafic routier et ferroviaire se sont produites, comme nous le relations déjà dans notre édition d'aujourd'hui. Heureusement, aucune personne blessée n’est à déplorer.

La police bernoise indique que la plupart des signalements ont été envoyés entre 18 et 22h. Les orages ont été particulièrement intenses dans le Jura bernois et en Haute-Argovie. Les collaborateurs ont reçu environ 500 annonces de la partie francophone du canton et 150 de la seconde région citée. Les pompiers régionaux ont été mobilisés en de nombreux endroits.

Dans certaines localités, comme à Herzogenbuchsee, Berthoud et Sonceboz-Sombeval, des passages souterrains et des secteurs de gares ont été inondés. Plusieurs glissements de terrain ont également été signalés. Des ruisseaux ou des rivières sont encore sortis de leur lit sur divers sites, notamment pour la Suze, la Birse et d’autres petits cours d’eau. Des hydrocarbures ont également fui dans les cours d’eau. A ce sujet, des clarifications sont en cours.

Beaucoup de bois flottant se trouve par ailleurs dans le lac de Bienne, le canal de Nidau-Büren et dans certaines parties de l’Aar. Les intempéries ont également impliqué des perturbations du trafic routier et ferroviaire, dont certaines sont encore actuelles. Entre autres, les lignes ferroviaires entre Moutier et Crémines et entre Péry-Reuchenette et Courtelary, comme évoqué précédemment. La route cantonale à Sorvilier et la route principale à Uetendorf, dans l’arrondissement administratif de Thoune, ont été temporairement fermées en raison de glissements de terrain. Des tronçons de l’A16 ont encore été bouclés en raison de la forte grêle. Des voitures y ont été bloquées pendant plusieurs heures.


Les travaux sur les voies de chemin de fer entre Moutier et Crémines dureront plusieurs jours. Photo Dan Steiner

Elan de solidarité 

«Solidarité intempéries de grêle Jura bernois». L’intitulé de la plateforme parle de lui-même. A l’initiative d’une maman de Tramelan réactive, un groupe public solidaire s’est constitué hier sur Facebook, dans les heures ayant suivi le violent orage de grêle. Avec pour but d’offrir du soutien aux personnes impactées, le nouvel espace réunit déjà près de 300 membres. Pour activer la remise en état des lieux sinistrés, il est proposé, entre autres, de prêter main forte pour des nettoyages, d’aider aux réparations ou de prêter du matériel. SDN

 

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