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Loi sur les jeux d'argent

Les régionaux respirent

Tant les institutions humanitaires, comme Digger, que le Conseil du Jura bernois peuvent maintenir le cap.

La fondation tavannoise peut souffler: la coopération au développement sera bien dans les domaines d’affectation du Fonds de loterie. Archives

Par Dan Steiner

Les cartes de la Députation francophone au Grand Conseil avaient déjà en majorité été jouées en première lecture de la mise en place de la loi cantonale sur les jeux d’argent (LCJAr), elle qui exécute le nouveau droit fédéral (Le JdJ du 12 mars). C’est ce que note le fondateur et directeur général de Digger, à Tavannes (lire aussi ci-dessous). Mais Frédéric Guerne peut néanmoins souffler. Sa fondation, active comme chacun le sait dans le déminage, mais également des institutions comme la Fédération interjurassienne de coopération et de développement, resteront dans les domaines d’affectation du Fonds de loterie.

Entre la première et la seconde lecture, qui a été débattue hier, le Conseil du Jura bernois (CJB) est lui aussi entré en jeu, négociant en compagnie de la Députation le maintien de ses prérogatives. On développe.

Aide fédérale insuffisante
Dans les méandres de cette LCJAr, ces deux enjeux discutés et négociés intéressaient la région. A l’art. 43, il était question d’inclure ou non la coopération au développement, justement, dans les domaines d’affectation du Fonds de loterie. Accepté par 85 voix contre 65 et 3abstentions. Porte-parole de la minorité de la Commission de la sécurité (CSéc), Thomas Brönnimann (pvl, Mittelhäusern) a martelé que l’aide au développement des pays qui en ont besoin est une tâche strictement fédérale. Tout en jurant qu’il n’avait rien contre le principe de ces aides, évidemment.

De son côté, l’UDC, notamment, francophones exceptés. «Il serait plus utile de donner des biens plutôt que de l’argent», estimait Thomas Knutti (Weissenburg). «On a l’impression de se donner bonne conscience... Mais on ne sait même pas si ces projets sont pérennes.»

Le PEVa rétorqué que la Confédération ne pouvait pas mener à bien cette tâche seule. Et l’on parle ici d’environ 2 millions de francs sur un fonds qui en contient une cinquantaine. «Grâce à cela, le canton obtient certains retours économiques et ces aides créent des emplois. On ne parle effectivement pas de grosses sommes. Ce serait un peu minable de biffer cela», ont appuyé les Vert’libéraux. Qui ont été suivis par la majorité de l’assemblée.

Le CJB garde le dernier mot
Plus loin, on tombe sur l’art. 50. Pour le compte de la Députation, dont elle est désormais la présidente, Sandra Roulet-Romy (PS, Malleray) avoue que «la formulation laisse à penser à une diminution des compétences. Mais la Direction de la CSéc l’a clairement infirmé. Les prérogatives du CJB ne diminuent pas, mais une discussion s’ouvre en cas de désaccord.»

On parle là de la distribution des subventions accordées par le CJB. «Il a toujours le dernier mot sur ces demandes», a également soutenu le conseiller d’Etat Philippe Müller. «Ce qui change, c’est l’instauration d’un dialogue. Mais les échanges existaient déjà. Ses compétences ne sont donc nullement limitées.» Ce que dit d’ailleurs l’art.56.

Pour aboutir à un vote fleuve, le CJB et la Députation avaient toutefois fait cette concession en échange du retrait de l’«alinéa Mühlheim». La virulente verte’libérale voulait intégrer à la loi une clause qui donnait au Conseil exécutif le dernier mot en cas de désaccord entre le CJB et la CSéc au sujet d’une demande de subvention.

Echauffement pour la LStP
Questionnée après les débats, Moussia de Watteville, membre de la Députation mais également du CJB, avoue que ce dernier devra désormais adopter un crible plus fin pour accorder des subventions. «Quelques exemples n’ont pas plu au canton, mais on parle là de centaines de francs», fait remarquer la verte tramelote.

Le vrai débat sur le statut particulier et la loi qui en découle, adoptée par le Grand Conseil en 2004 et mise en consultation récemment en vue de sa révision, se fera toutefois dans les temps à venir. Et c’est à ce moment-là que le débat pourrait se crisper. A la tribune, l’Emmentalois Francesco Marco Rappa (PBD) a en effet préparé le terrain. «La Députation doit être plus prudente. Car la Haute-Argovie ou l’Emmental voudraient aussi bien un statut particulier. Ce statut est-il donc justifié?» A vos marques! Prêts?

4 questions à Frédéric Guerne, fondateur et directeur général de la Fondation Digger, à Tavannes

«Le coup aurait été méchant»
Avez-vous suivi d’un œil les débats qui concernaient votre fondation?
Pas vraiment, non. J’avais assez de grain à moudre à côté. Heureusement, en fait (rires).

Vous avez toutefois été informé de l’issue. Que vous avez bien pris, on l’imagine?
Evidemment, c’est une super nouvelle, d’autant que ce n’était pas gagné d’avance, bien que le gros de la partie s’est joué lors de la première lecture. Avant cela, c’est Maurane Riesen qui avait découvert les implications de ce volet de la loi. Elle a eu un réflexe incroyable. Ensuite, la Députation est montée au front pour nous... même si l’objet ne concernait évidemment pas que Digger.

Sans le Fonds de loterie, la vie aurait été plus compliquée. La Confédération peine en effet à délier les cordons de sa bourse...
Les règles du jeu sont bien plus claires avec le canton qu’avec la DDC (réd: la Direction fédérale du développement et de la coopération). Il ne faut toutefois pas croire qu’on reçoit des «subventions». Nous devons présenter des projets complets et solides, trouver ensuite des partenaires. A la fin, nous avons des comptes à rendre. Non, on ne devient pas riches avec ça!

Et si le vote avait été négatif? Sans parler de la crise actuelle...
Je n’osais pas vraiment y réfléchir... Je ne sais si nous aurions disparu, mais le coup aurait été méchant. On ne fait pas semblant. Car avec le coronavirus tout s’est arrêté au niveau international. Notre mission au Cambodge a par exemple été annulée. Heureusement que des donateurs nous soutiennent, mais on ne vend pas une pièce de rechange, ces temps. Nos partenaires à l’étranger, eux, n’ont pas été soutenus. Mais ça repart. Un peu.

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