Les salles obscures boudées en 2013

Didier Nieto

Fin décembre, Procinema, l’association suisse des exploitants et des distributeurs de films, annonçait une baisse des entrées d’environ 15% sur l’ensemble du territoire en 2013 par rapport à l’année précédente. Une tendance négative à laquelle n’échappent pas les cinémas biennois – à l’exception du Filmpodium (voir encadré). «L’année passée a été vraiment faible, nous avons attiré 13% de spectateurs en moins qu’en 2012», reconnaît Edna Epelbaum, directrice de Cinevital, groupe qui exploite  tous les cinémas biennois hormis le Filmpodium, soit sept salles. Même si elle n’a pas encore bouclé ses comptes pour 2013, la responsable avoue cependant ne pas s’inquiéter de cette baisse de fréquentation. «Le cinéma est une branche cyclique. Il est normal que certaines années soient meilleures que d’autres.»

Aucun triomphe
Edna Epelbaum avance plusieus raisons qui ont conduit à un recul des spectateurs en 2013. En premier lieu, aucun film n’a réalisé de véritable carton capable de doper le nombre des entrées. «En 2011 il y a eu ‹Intouchables› et en 2012 ‹Skyfall›, mais aucun phénomène de ce genre en 2013», relève la directrice, qui souligne aussi une certaine faiblesse des comédies françaises. Sans atteindre des sommets, le cinéma américain a trusté les premières places du box-office biennois. «Le Hobbit: La Désolation de Smaugg», sorti en décembre, a été le plus gros succès de l’année, attirant plus de 6000 spectateurs (exploitation encore en cours). Suivent «Django Unchained», «Fast and Furious 6», «The Hangover 3» et «Moi, moche et méchant 2». Une année qui a aussi connu son lot de déceptions. «Au vu de son sujet et de sa médiatisation, on aurait pu attendre mieux du documentaire ‹L’Expérience Blocher›», note Edna Epelbaum.
Autre explication de la baisse des entrées, la météto, qui n’a pas été l’alliée des salles obscures. «Même s’il a commencé tard, l’été a duré jusqu’en octobre. Cela signifie des grandes pertes pour nous», regrette la responsable. Pourtant, l’hiver aussi a été long en 2013. «Oui, mais malheureusement, la programmation a été décevante à cette époque de l’année.»
Et enfin, Edna Epelbaum évoque l’évolution du cinéma américain grand public, dictée par l’émergence des marchés russe et asiatique. «Les studios produisent davantage de films destinés à ces marchés, à l’image de ‹Pacific Rim›, explique la directrice de Cinevital. Ou alors ils ressortent des succès en y ajoutant la 3D, comme pour ‹Jurassic Park›.»

Progrès attendu en 2014
Avec les sorties prévues des «Trois frères, le retour», des Inconnus, de «Supercondriaque», la nouvelle comédie de Dany Boon et du dernier volet de la trilogie du «Hobbit», Edna Epelbaum s’attend à une meilleure fréquentation des salles en 2014. «Mais on ne remplira plus les cinémas comme on le faisait dans les années 70 ou 80», prévient-elle. Selon elle, le nombre de nouveaux films chaque semaine est trop élevé et porte préjudice au marché du cinéma. Pour doper la fréquentation, Cinevital entend donc cultiver l’événement. En mars par exemple, le Beluga projettera en direct un concert de Mylène Farmer. «Nous nous efforçons de développer les contenus alternatifs, même si le film reste au cœur de notre exploitation», annonce Edna Epelbaum.
Autre défi que les cinémas biennois entendent relever: attirer la génération des 14-20 ans dans les salles. «C’est une catégorie qui se déplace peu pour la culture», note la responsable. Et là encore, Cinevital tente de diversifier son approche: depuis la fin de l’année passée, le groupe loue ses salles pour des sessions de jeux vidéos sur écran géant. A noter encore que Cinevital devra prochainement compter avec une salle en moins. Le cinéma Palace, dont le contrat n’a pas été reconduit par la Ville, fermera définitivement ses portes au mois de juin.

L'exception Filmpodium
Si l’année 2013 a été mauvaise pour Cinevital, elle s’est avérée exceptionnelle pour le Filmpodium. Le petit cinéma alternatif situé derrière le Centre PasquArt a attiré un total de 8153 spectateurs. «Un record depuis l’ouverture de la salle en 1986», se réjouit Claude Rossi, responsable de l’administration et co-programmatrice. Un résultat auquel a largement contribué le trationnel Open Air d’août. «Les 16 séances ont enregistré une moyenne de 90 spectateurs. Du jamais vu!», relève la responsable. Les séances organisées pour les écoles ont également participé à ce nouveau record de fréquentation, ajoute-t-elle. Parmi les films qui ont le mieux marché, Claude Rossi cite le documentaire «Searching for Sugar Man», qui retrace l’histoire du chanteur Sixto Rodriguez, ou la comédie dramatique «Lemon Tree», projetée lors de la Journée internationale de la femme. Le cycle consacré au cinéma italien a aussi séduit les cinéphiles.