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Reconvilier

Les Zurichois bientôt éclairés à la bougie

Réunis en assemblée, samedi, à la Salle des fêtes de Reconvilier, les délégués de l’UDC Suisse ont donné carte blanche à leurs dirigeants. Leur thème phare? L’énergie.

Manfred Bühler, président de la section cantonale bernoise de l’UDC, et les orateurs qui lui ont succédé, dont le conseiller fédéral Ueli Maurer (à droite), ont réussi à parler longuement du thème de l’énergie sans jamais articuler le mot écologie.

Laurent Kleisl

Pas un nuage à l’horizon. Un ciel d’un bleu éclatant, la neige, les montagnes. Sur les hauteurs de Reconvilier, le décor est idyllique. Venus de toute la Suisse, les délégués de l’UDC profitent de la pause de midi, samedi, pour immortaliser cet instant de grâce. Président du parti cantonal bernois, Manfred Bühler a réussi son coup avec ses acolytes de la section du Jura bernois. Bon élève de la cause agrarienne, le maire de Cortébert, en hôte et en qualité de premier intervenant, a posé les bases du propos du jour. Un propos sans équivoque, solidement enraciné dans la doctrine de son courant de pensée. 

Au cœur de l’intrigue, la Stratégie énergétique 2050 du Conseil fédéral. «L’énergie est la question la plus centrale pour notre avenir. Pas le climat, comme les milieux de gauche et les Verts ne cessent de nous le répéter», relève Manfred Bühler. «Je ne veux en aucun cas nier que le changement climatique a lieu, qu’il est d’origine humaine ou que les conséquences peuvent être graves. Le changement climatique découle de la consommation d’énergie fossile, mais l’énergie est essentielle pour que l’humanité puisse s’adapter aux nouvelles conditions. Sans énergie, pas de transports, pas de constructions, pas d’agriculture moderne.»

A un peu moins de deux ans des prochaines élections fédérales, la bataille est lancée sur le thème de l’écologie. Sauf qu’à l’UDC, jamais le terme n’est articulé. C’est un style. «L’écologie? Oui, c’est important, mais il faut toujours trouver la balance entre les intérêts de chacun», nous explique Ueli Maurer, chef du Département fédéral des finances. «Ces dernières années, il y a eu une hype avec l’écologie, notamment autour du mouvement de Greta Thunberg, qui a conduit à décider des choses sans projet concret. Maintenant, il s’agit d’en arriver à des projets concrets et dès lors, la direction change un peu. L’Union européenne définit maintenant le nucléaire comme une énergie verte. En Suisse, nous avons aussi cette discussion.»

La menace de la pénurie
Quand la droite dure parle d’énergie, il est rarement question de solaire et d'éolien. La Stratégie énergétique 2050, qui vise à sortir des énergies fossiles et du nucléaire notamment, «est un échec», selon Marco Chiesa, président de l’UDC Suisse. Son angoisse? Le black-out. «Si un rationnement de l’électricité doit être mis en place, il doit d’abord concerner des cantons comme Zurich et Bâle-Ville, leur politique énergétique favorisant grandement les risques d’une situation de pénurie, par exemple en interdisant les chauffages au mazout», avance le Tessinois. Le Zurichois Ueli Maurer est-il prêt à passer ses soirées à la pâle lueur d’une bougie? La réponse claque: «Non! Mais nous n’avons pas l’assurance qu’il n’y aura jamais de pénurie. Ce danger existe.» 

C’est sur le score de 208 voix pour, aucune contre, que les délégués ont soutenu le discours énergétique de leur direction, cette attaque frontale fait aux Sept Sages, poussant Ueli Maurer au contorsionnisme intellectuel. Quelle souplesse! «Je suis toujours derrière la politique du Conseil fédéral, mais je me pose parfois des questions», précise-t-il. «C’est le rôle des partis de discuter, de défendre une ligne et de présenter des propositions.»

C’est avec des résultats tout aussi staliniens que les délégués ont suivi les mots d’ordre du parti central sur les autres sujets soumis au vote, samedi, soit le paquet sur lequel le souverain se prononcera le 13 février prochain. L’initiative sur l’interdiction de l’expérimentation animale et humaine»? C’est non. Celle sur la protection des enfants et des jeunes contre la publicité pour le tabac? C’est non. «La clope, c’est la responsabilité des parents, pas de la publicité!» lance un délégué. La modification de la loi fédérale sur les droits de timbre? C’est oui. Enfin, la loi fédérale sur un train de mesures en faveur des médias? C’est non, évidemment.

Délit de gauchisme
Pourtant, on est là. Et historiquement, l’UDC a grandi à travers les médias. «On a surtout profité du fait qu’ils sont contre nous», rétorque Ueli Maurer. «Les médias locaux sont importants pour informer la population, pour offrir une plate-forme de discussion. Mais au niveau national, il n’y a qu’une opinion. A la télévision, à la radio, il y a une pensée dominante de gauche sur presque toutes les thématiques. Je suis de droite et je ne veux pas payer pour ça!»

Rien de nouveau sous le soleil de l’UDC. Durant les quatre heures passées à Reconvilier, la base a donné un blanc-seing à ses dirigeants. Sans discuter. «C’est toujours comme ça lors de nos assemblées. Ensuite, c’est un peu différent quand on glisse notre bulletin dans l’urne», susurre un délégué.

Serait-ce les premiers effets néfastes de l’influence de la «pensée dominante de gauche»? Quelle horreur!

 

 

 

 

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