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Bienne: Villa Ritter

L’héritage que laisse l’ancien curé

L’un des artisans de l’institution, l’animateur Charlie Schaller, prend sa retraite après 27 années riches, qui auront notamment vu en 2007 l’inauguration du nouveau bâtiment

D’abord maçon, contremaître et curé, Charlie Schaller a poursuivi sa carrière comme éducateur de rue à Paris, avant d’intégrer la Villa Ritter. Tanja Lander

Pierre-Yves Theurillat

A 65 ans, Charlie Schaller, figure de proue de la Villa Ritter, quitte le navire. La retraite ne lui fait pas peur et il la prend avec humour:«Je ne risque pas de m’ennuyer, qu’on se rassure. Les ados, j’en ai soupé!», plaisante-t-il.

En 1975, l’association Centre Animation Jeunesse (CAJ) est fondée et trouve d’abord un lieu d’occupation à la Villa Fantaisie, avant de s’installer, en 1979, à la Villa Ritter. Charlie Schaller, lui, en est devenu l’animateur en avril 1989. Formé initialement comme maçon, puis comme contremaître, avec en poche un brevet fédéral de contremaître en bâtiment et génie civil, il est ordonné vicaire à Moutier en 1983.

Il laissera pourtant tomber la prêtrise, préférant se marier. Deux enfants naîtront de son union: un garçon et une fille, aujourd’hui âgés de 29et 27 ans. Cet originaire de Corban dans le Val Terbi quitte Courrendlin et s’installe à Loveresse, où il réside toujours. Six mois après l’arrivée de Charlie Schaller à la Villa Ritter, l’enseignant Michel Oeuvray est également choisi au poste d’animateur.

Tous deux deviendront les artisans du nouveau bâtiment, construit sur les bases de l’ancien, et inauguré en 2007. Leur  collaboration durera   plus de 20 ans.

«Quand je suis arrivé, c’était épouvantable! La maison ressemblait à un squat, à un repaire de drogués. Nous étions critiqués à tous niveaux et avions compris qu’il fallait changer l’image de la Villa Ritter. Soit constuire du neuf, soit changer de lieu. Au premier étage, on pouvait se promener avec un parapluie. Le toit était perméable. Une ruine. L’ardoise était devenue friable, je plaçais des ‹tacons› partout», se souvient-il. Le propriétaire tombe en faillite, les animateurs se portent acquéreurs.

Ils sont passés par là

Au fil des années, le nombre de visiteurs à la Villa Ritter ne diminuera pas, au contraire. Les jeunes s’y rencontrent et y discutent, y font du rap ou du breakdance, jouent au billard, au babyfoot ou au ping-pong...«Des centaines de jeunes sont passés par là. Mais bien des choses ont changé entre les jeunes adultes qui fréquentaient l’endroit à nos débuts, et ceux d’aujourd’hui», note-t-il, évoquant internet, le multimédia et les mutations dans la société qui en ont découlé.

«A cette époque, les groupes de jeunes se formaient spontanément. De nos jours, le dynamisme est différent dans les rencontres, devenues plus virtuelles. Et puis, quelle galère pour trouver du boulot», se renfrogne-t-il un court instant, avant de citer l’artiste Seyo ou le batteur professionnel Luigi Galati, comme jeunes étant aussi passés par le lieu: «Luigi Galati, d’ailleurs, fréquentait la Villa Ritter avant mon arrivée et il y est toujours. Il y donne des cours de batterie», poursuit-il.

L’animateur cite d’autres trajectoires professionnelles dans le sillage de la Villa Ritter: «Des réussites, il y en a eu. Un jeune est devenu propriétaire et directeur d’usine. Jusqu’à 23 ans, il a fait de la Villa Ritter son loisir principal. Un autre travaille au Département des affaires étrangères. Certains, malheureusement, n’ont pas eu cette chance, ont fait une overdose, un accident, ou ont connu une fin plus dramatique encore.»

Charlie Schaller remarque que la reconnaissance met parfois  du temps à se manifester. «Les retours positifs proviennent 10 ou 15 ans plus tard. Certains jeunes  reviennent dire bonjour et te remercier», constate-t-il.

Et de poursuivre:«En fin de compte, l’adolescence est une période fragile. On rejette tout, on a peu de repères et besoin de cadres. L’ado finit par s’apercevoir  qu’avoir un cadre de vie est sécurisant. La stabilisation se passe dans le fait de pouvoir se retrouver. Et c’est un lieu privilégié.» Son rôle d’animateur? «Les jeunes ont besoin qu’on les appuie, les écoute. C’est notre boulot. Nous devons être présents et de bon conseil.

Le centre n’est pas obligatoire, comme l’école. Nous ne sommes pas là pour donner des leçons. Ce sont les jeunes qui sont ici pour en prendre», lance-t-il, affirmant sa satisfaction d’être relayé par des personnes qui sauront répondre aux attentes de la jeunesse.

Charlie Schaller, au moment de dire au revoir à l'une de ses collègues officiant à la Villa Ritter. Tanja Lander

Un nouvel animateur

Succession Vincent Beuret a été nommé en remplacement de Charlie Schaller. Franc-Montagnard d’origine, depuis 10 ans à Bienne, il travaille sur place depuis janvier. Animateur socio-culturel de formation, au bénéfice d’un master en travail social, et d’un CAS en addictions et prévention, il collaborait  jusqu’à présent  à la mise en place du projet de travail social scolaire à Madretsch.

«A la Villa Ritter, explique-t-il, les jeunes bénéficient de libertés et c’est ouvert à tout le monde. Nous savons qu’ils vont tester nos limites, mais je suis surpris à quel point ils respectent l’endroit. J’arrive dans un lieu où une réflexion a été faite sur le fonctionnement et les différences culturelles chez les jeunes. D’ailleurs, le centre, bien que romand, est fréquenté par de nombreux Alémaniques aussi. L’accueil est le même. Charlie nous laisse un joli héritage.»

Et d’évoquer la suite: «Nous travaillons sur un projet interreligieux, visant à faire connaître aux jeunes les similitudes entre les trois grandes religions monothéistes. Cela prend une très bonne tournure.» 

www.villa-ritter.ch

 

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