Vous êtes ici

Abo

Prévention par le théâtre

L’incivilité vue et interprétée par huit ados

De jeunes acteurs de la région créent une pièce soutenue par les pouvoirs publics.

Les huit jeunes comédiens de la région qui n’ont pas compté leur temps pour donner naissance à la pièce «Interdit! Et alors?!». Traitant des incivilités au sens large, celle-ci sera jouée devant 1800 élèves ainsi que lors de 4 représentations publiques.

Michael Bassin

Tout est parti d’une commune du Jura bernois qui s’interrogeait sur la manière d’empoigner le problème des incivilités commises par les jeunes en dehors des préaux d’école. La Conférence des maires et le délégué interjurassien à la jeunesse se sont alors emparés de cette préoccupation. Et au final, cette question a donné naissance à la création, par huit écoliers de la région encadrés par la fondation théâtrale Cours de Miracles, du spectacle «Interdit! Et alors?!»

Cette pièce sera jouée à dix reprises lors de représentations scolaires auxquelles assisteront 1800 élèves du secondaire I du Jura bernois! Quatre autres dates (à Moutier, Tramelan, LaNeuveville et Saint-Imier) permettront aux parents, autorités politiques, enseignants et autres spectateurs de découvrir cette démarche originale de prévention des jeunes par les jeunes via le théâtre.

Deux extraterrestres

Les chevilles ouvrières de ce projet se nomment Ugo Boillat, Rhianna Brahier, Tim Gaumann, Clotilde et Gervaise Louvet, Léonard Paget, Diego Rumo et Léonard Schwab. Elles sont âgées de 13 à 15 ans, sont domiciliées de Moutier à Mont-Crosin en passant par les Franches-Montagnes et Saint-Imier, et toutes aiment le théâtre.

Leur pièce raconte le périple de deux jeunes extraterrestres, Eva et Adam, qui débarquent sur une terre qui se montre hélas bien loin de celle imaginée. Leurs rencontres sont racontées dans un langage oral et dans un registre résolument jeune.

L’histoire se décline en douze tableaux. Chacun d’eux aborde un problème touchant au respect de soi ou d’autrui, comme le harcèlement verbal, le harcèlement physique, le racket, la détresse, le rejet, l’incivilité, l’irrespect intergénérationnel, les conséquences de la consommation de produits stupéfiants ou celles liées à la diffusion d’images et de propos irrévérencieux sur le net.

Pensée et interprétée par les jeunes, cette pièce vise donc un objectif de prévention. Mais surtout pas de manière moralisatrice. Chaque spectateur est invité à réfléchir sur ses agissements et sur les conséquences de ceux-ci.

«C’est bien de faire de la prévention autrement qu’avec des papillons et des petites fleurs», image une participante. «Je pense que la pièce parlera à nos copains, car elle intègre nos vécus, ce qu’on pense et ce qui est ressorti lors de nos premières improvisations», poursuit un autre acteur en herbe.

L’incivilité, l’affaire de tous

Directrice de Cours de Miracles, Marie-Jeanne Liengme signe la mise en scène et la dramaturgie. Elle relève que la pièce parle énormément du respect en général, et qu’elle ne stigmatise pas les jeunes.

«Ce spectacle illustre la manière dont les ados voient le monde dans lequel ils vivent. Et l’incivilité n’appartient pas qu’aux jeunes!» La pièce aura-t-elle des effets et améliorera-t-elle la vie en communauté? «Elle ne va pas agir comme par magie. Mais j’imagine qu’elle va inciter les spectateurs à réfléchir», répond un jeune comédien.

«La rentabilité de ce genre de spectacle n’est pas mesurable, abonde la directrice de Cours de Miracles. Mais sûr qu’au moins 20% des spectateurs seront touchés par l’un ou l’autre personnage. Et tous les acteurs se souviendront de cette aventure!»

Les jeunes engagés dans le projet ont bossé durant des mois. «Ils ont vraiment engagé beaucoup de temps et d’énergie», relève Marie-Jeanne Liengme, constatant qu’il n’a pas été aisé de trouver des forces prêtes à s’impliquer autant. Certaines ont d’ailleurs quitté le projet en cours de route.

Mais Marie-Jeanne Liengme semble avoir été ravie de côtoyer ces jeunes de 13-15 ans et d’aborder avec eux leurs visions de la société. «C’est une très belle génération! Ces ados semblent toujours scotchés sur leurs portables, mais lorsqu’ils vous donnent à voir leurs réflexions, celles-ci sont extrêmement intéressantes. C’est une génération qui prend soin des autres.»

La pression monte

À dix jours de la première représentation, les protagonistes sont habités de sentiments divers. «On se réjouit et en même temps on a un peu le trac...» Craignent-ils la réaction de leurs potes? «Certains camarades se moquent des autres quoi qu’ils fassent. Par contre, je sais aussi que des amis me diront réellement ce qu’ils en pensent», assure l’un d’eux.

Doté d’un budget de 28 600 francs, ce projet est financé par la CMJB, le CJB, le programme éducation et culture, le fonds de lutte contre la toxicomanie, la fondation pour la jeunesse du Jura bernois, les communes de Moutier, Tramelan et Saint-Imier. Un dossier pédagogique complète la pièce.

 

Conférence des maires

Ce projet est né de la Conférence des maires du Jura bernois et du district bilingue de Bienne (CMJB), un organe qui a pour but de représenter et défendre les intérêts des communes. «Tout est parti de la commune de Tavannes. Il y a quelques temps, elle a demandé à notre comité qu’il réfléchisse à une manière de sensibiliser et d’agir contre les incivilités des jeunes dans le village», explique André Rothenbühler, secrétaire de la CMJB.

Peu habituée à ce genre de requêtes, la conférence s’est approchée du délégué interjurassien à la jeunesse, qui s’est ensuite tourné vers Cours de Miracles.

La CMJB apporte ainsi une caution politique au projet et appelle les jeunes, les parents, les enseignants et les autorités politiques à aller voir ce spectacle. «Que ce soit à la maison, à l’école ou dans les espaces publics, ces différents acteurs partagent des coresponsabilités. Tous ont un rôle. Et ce spectacle pousse chacun à la réflexion», note André Rothenbühler.

Avec cette pièce présentée en quatre lieux et qui sera vue par la majorité des élèves des écoles secondaires du Jura bernois, l’aspect intercommunal visé par la CMJB est atteint.

 

Délégué à la jeunesse

Comment aborder efficacement, auprès des ados, le thème des incivilités ou de la consommation de produits interdits par exemple? C’est la question que s’est posée le délégué interjurassien à la jeunesse, Alain Berberat, lorsqu’il a été interpellé par la CMJB.

Très vite l’idée d’un spectacle joué par les jeunes eux-mêmes a émergé. «La prévention par les pairs permet à chacun de s’approprier la thématique. Ça donne aussi un visage très actuel aux questions soulevées. Et comme la jeunesse fonctionne beaucoup à travers l’image, le théâtre semblait être tout désigné. Bref, pensée et interprétée par les élèves, la pièce doit avoir un impact particulièrement fort!», dit-il. Voilà pourquoi Alain Berberat s’est approché de Cours de Miracles pour la concrétisation du projet.

Rappelons que le délégué interjurassien à la jeunesse remplit des tâches de coordination, médiation, conseil et de création de projets. Il entretient des rapports étroits avec les organes cantonaux et communaux. Il est à disposition pour toute demande émanant de la jeunesse ou d’organes en relation avec les enfants et les jeunes.

 

Cours de miracles

Mandatée par la CMJB, et le délégué interjurassien à la jeunesse, Cours de Miracles, basée à Delémont, a encadré artistiquement la création des huit écoliers.

C’est ainsi Marie-Jeanne Liengme, la directrice de la fondation théâtrale, qui signe la mise en scène et la dramaturgie de la pièce qui est une véritable création. «Les ados ont d’abord réalisé des improvisations sur des thèmes donnés. La pièce s’est alors construite petit à petit, il a fallu écrire les textes et les jouer.» Si Marie-Jeanne Liengme évoque tout le plaisir qu’elle a eu à mener ce projet, elle évoque aussi sa peur lorsque le projet semblait vaciller.

La professionnelle du théâtre souligne l’immense travail effectué par ces huit acteurs, qui n’ont pas hésité à consacrer tous leurs samedis depuis plusieurs mois pour ce projet. Les trois prochaines semaines seront également intensives pour eux avec les 14 représentations. «Ils ont vraiment du courage!», insiste-t-elle. Il fallait déjà du courage pour se lever tôt le samedi matin, et maintenant ils doivent défendre leur spectacle devant leurs pairs.»

Articles correspondant: Région »