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Bienne

Litige autour des vices de construction

Le Conseil municipal engage une procédure judiciaire contre le constructeur des stades. HRS Real Estate SA refuse de payer pour des défauts constatés sur la Tissot Arena. Dix millions de francs sont en jeu.

La Ville de Bienne se plaint notamment de défauts dans la construction du toit de la Tissot Arena. Archives Peter Samuel Jaggi

Par Lino Schaeren, traduction Marcel Gasser

Construire un gigantesque complexe comme celui des stades de Bienne ne va pas sans quelques défauts. C’est dans l’ordre normal des choses. Dans le cas de la Tissot Arena, il y a eu 6000vices de construction constatés par les propriétaires et dénoncés auprès de l’entreprise générale HRS Real Estate SA. La plupart d’entre eux ont été rapidement corrigés, tels les robinets qui fuient ou les joints défectueux. Un peu plus de cinq ans après l’inauguration des installations sportives, il reste pourtant encore 22 défauts de construction qui n’ont fait l’objet d’aucune réparation jusqu’ici.


Ils sont aujourd’hui au centre d’une procédure judiciaire, la Ville de Bienne et Innoland SA reprochant à HRS de ne pas y avoir remédié, malgré plusieurs réclamations adressées en bonne et due forme. Selon le Conseil municipal, le litige porterait sur un montant de 10 millions de francs, si l’on en croit le rapport que l’Exécutif biennois a soumis au Conseil de Ville.
Etant donné la hauteur du montant, pour engager une procédure judiciaire le Conseil municipal doit au préalable obtenir l’assentiment du Parlement biennois. Ce qui s’explique ainsi: si la Ville entend porter cette affaire devant un tribunal d’arbitrage, elle doit verser une avance qui correspond à 5% de la somme réclamée, à savoir 500000 francs. Or, un tel crédit relève de la compétence du Conseil de Ville.


Durée de vie plus courte
Certains des défauts de construction qui font encore l’objet de réclamations concernent tantôt un défaut de qualité des matériaux utilisés, tantôt des faiblesses dans la construction du toit du stade de hockey. Mais le Conseil municipal laisse aussi entendre qu’une remise en état n’atteindrait pas forcément son objectif dans tous les cas, raison pour laquelle il entend faire valoir, ici ou là, une perte de valeur. Certains manquements abrègent en effet la durée de vie de certains éléments, notamment dans la toiture. «Remédier aux défauts serait, en partie, une entreprise disproportionnée. Mais il n’empêche que nous devons faire valoir nos intérêts: au bout du compte, nous n’avons pas reçu ce que nous avons commandé par contrat et payé», déclare Erich Fehr, maire de Bienne. La Ville ne partira pas seule au combat. Dans la Tissot Arena, elle est l’un des propriétaires par étage: les infrastructures sportives lui appartiennent, mais le parking et la zone commerciale appartiennent à Innoland SA, un investisseur privé qui a également l’intention d’entamer une procédure judiciaire contre HRS.
Les 22 vices de construction retenus touchent en effet les deux copropriétaires, mais la démarche n’est pas la même. Contractuellement, la ville de Bienne est en effet tenue, dans un premier temps, de recourir à un arbitrage pour gérer son différend avec l’entreprise générale, tandis qu’Innoland SA peut directement déposer une plainte pénale. Cette situation rend certes une action commune plus difficile, mais comme la Ville ne semble pas croire à un compromis, elle se prépare à engager une procédure judiciaire de droit civil conjointement avec Innoland SA. Pour défendre leurs intérêts, les deux parties ont d’ailleurs engagé le même avocat, dont ils se partagent les honoraires. Il est donc très probable que cette affaire finira devant un tribunal ordinaire.


Une procédure prévisible
Erich Fehr n’est pas autrement surpris par la tournure des événements. Un projet d’une telle ampleur entraîne facilement des litiges juridiques. Il y a une année, la construction du Letzigrund, achevée en 2007, a vu la Ville de Zurich et l’entreprise générale Implenia porter leur querelle devant les tribunaux. En appel, celle-ci a finalement été contrainte de remédier à des vices de construction pour un montant de deux millions de francs, après avoir été déboutée une année auparavant alors qu’elle réclamait 23 millions à la Ville pour des surcoûts dont elle tenait l’acheteur pour responsable.


L’entreprise HRS réfute
De son côté, la Ville de Zurich se prévalait du contrat signé avec Implenia. Erich Fehr refuse pourtant de dramatiser et explique que les deux situations ne sont pas comparables.A Bienne, les défauts de construction n’ont jamais débouché sur des restrictions d’exploitation, et dans l’ensemble les infrastructures sont très bonnes: il n’est pas question ici de fissures dans la toiture. «Les défauts dont il s’agit n’excèdent pas les limites du prévisible», conclut-il.
HRS évalue la situation de manière tout à fait différente. L’entreprise générale réfute le reproche qui lui est fait de ne pas avoir remédié à des défauts pourtant annoncés par la Ville dans les délais impartis, et cela malgré plusieurs réclamations. «Au contraire», déclare le porte-parole de HRS, Thomas Meier, «nous avons déjà réparé divers vices de construction qui ont fait l’objet d’une réclamation pendant le délai de garantie, et il y en a d’autres qui sont actuellement en travaux. Comme toujours dans ces cas-là, nous procédons conformément à nos engagements contractuels».

 

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