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Manfred Bühler

Lourde responsabilité régionale

Le nouveau conseiller national sait qu’il a ratissé plutôt large dans le Jura bernois

Manfred Bühler est chaleureusement félicité par le vice-président et stratège de l’UDC JB Claude Röthlisberger, mais surtout par le député Pierre-Alain Schnegg (à gauche) que d’aucuns aimeraient désormais propulser au Conseil exécutif. S.Gerber

Pierre-Alain Brenzikofer

«Compte tenu de cette progression spectaculaire, on peut légitimement admettre que des électeurs du centre et même de gauche ont voté pour moi à l’échelon du Jura bernois. Cela me confère une légitimité plus conséquente, mais aussi une sacrée responsabilité.»

Après une courte nuit et un rapide retour aux affaires – on l’a en effet rencontré plutôt tôt, hier matin –, Manfred Bühler trouvait encore la force de sourire et d’analyser les raisons de sa victoire. Qu’il situe évidemment avant tout dans la région Bienne-Jura bernois:«Cet électorat s’est mobilisé pour moi, mais aussi pour Anne-Caroline Graber qui n’a vraiment pas démérité.»

Evidemment, il admet que la participation dans le Jura bernois n’a pas été terrible, terrible. La faute, selon lui, à cette grande ville de Moutier où elle est de 4% inférieure à celle du reste de l’arrondissement

Décision imminente

Forcément, on devait l’interpeller sur une éventuelle candidature au Conseil exécutif. Eh bien, il s’accorde un temps de réflexion jusqu’à mercredi:«Ce sera la décision la plus difficile de ma vie.J’ai de très bonnes raisons d’y aller, mais aussi d’excellentes raisons de ne pas y aller...»

La suite de ses aventures dépendra inéluctablement de cette décision. Côté gouvernement, justement, le député alémanique d’Orvin Mathias Müller s’est déjà déclaré candidat à la candidature. «Je l’apprécie énormément, note Manfred Bühler. Je suis d’ailleurs assis à côté de lui au Grand Conseil.»

De là à prétendre qu’il pourrait être accepté comme Romand par le Jura bernois, notre interlocuteur se montre beaucoup plus circonspect: «Il n’est d’ailleurs même pas membre de l’UDC du Jura bernois. Il ne pourrait dès lors pas nécessairement se réclamer de la légitimité de circonstance pour occuper le siège dévolu à notre région, sauf si une assemblée de l’UDC JB devait en décider autrement. Selon la Constitution cantonale, par contre, son entrée en lice serait envisageable...»

Nous n’en sommes certes pas encore là!

Champion d’une petite minorité

On revient sous la Coupole fédérale? Où Manfred Bühler, comme déjà souligné, aura une sacrée responsabilité en tant que seul élu de la région: «Ce rôle-là, il ne faudra en tout cas pas le prendre à la légère, surtout si l’on tient compte que notre minorité linguistique représente l’une des plus petites minorités de ce pays. En Suisse alémanique, j’ai martelé sans relâche ce message et je crois qu’il a été plutôt bien perçu. Contrairement à ce que d’aucuns prétendent, ce réflexe n’est pas mort. Mais pour qu’il fonctionne, il faut absolument aller à la rencontre des gens.»

Au fait, et s’il devait trancher entre son parti et l’intérêt du Jura bernois qui l’a élu? Eh bien, il n’exclut surtout pas d’aller à l’encontre de ses couleurs, tout en glissant que la plupart des décisions qu’il sera appelé à prendre sous la Coupole n’auront pas de lien direct avec sa région: «Mais s’il devait y avoir conflit, je suis prêt à défendre les intérêts régionaux avant la pure ligne partisane», promet-il.

Et puisqu’il est question d’intérêts, force est de se demander quels sont ceux qui en ont poussé certains à propulser au National le jeune trublion UDC de Berne Erich Hess, nettement plus proche d’Attila que de l’abbé Pierre, ce dernier. «Il est vrai qu’on ne l’attendait pas trop, admet Manfred Bühler. Toujours est-il qu’avec son style tonitruant, il est chouchouté par certains médias avides de déclarations fracassantes. Accessoirement, en tant que président des Jeunes UDC du canton, il a littéralement porté à bout de bras l’initiative sur la naturalisation. Il incarne véritablement cette initiative.»

A ce qu’on croit savoir, certains viennent ensuite ont trouvé la plaisanterie particulièrement saumâtre. On parle bien sûr de son élection...

Une présence physique parmi la base

S’agissant de sa propre campagne, Manfred Bühler estime avoir fait tout juste, entre présence sur le terrain et affichage, mais aussi annonces ciblées dans les journaux pour finir avec une assiduité électronique et des courriers personnalisés.

«Plus que tout, j’ai choisi de mettre l’accent sur une présence physique auprès des gens de mon parti depuis six mois.» De quoi participer à un nombre incroyable de manifestations qui lui ont permis, jure-t-il, de sentir les militants de base et également de leur marteler ce message: «Pensez au Jura bernois!»

C’est que «la crédibilité se construit à l’intérieur du parti», insiste-t-il.

Une place pour Roland Benoit

Cela dit, il ne restera probablement pas au Grand Conseil jusqu’en janvier pour défendre sa fameuse motion demandant que le scrutin communaliste se déroule en une seule fois:«Au niveau de mon nouvel agenda, cela deviendra gentiment impensable. Voyez-vous, j’en ai un peu assez des journées de 20 heures. Mais je ne me fais aucun souci. Roland Benoit, qui me succédera au parlement cantonal, connaît parfaitement le dossier.»

L’ancien député-maire de Corgémont, qui effectuera son retour au Rathaus – il avait dû le quitter parce que devenu chef d’office au service du canton–, a par ailleurs été président de Force démocratique.

Pour la session de novembre, il hésite encore. Il est vrai que comme représentant unique du Jura bernois sous la Coupole fédérale, Manfred Bühler aura suffisamment de chats à fouetter. Cette responsabilité, il l’a toutefois souhaitée et affirme disposer désormais d’un bagage suffisant pour se hisser à la hauteur de Jean-Pierre Graber, par exemple.

A part ça, ne dites surtout pas au nouveau conseiller national que son élection signifie l’arrêt de mort du cumul au sein de l’UDC: «Bien au contraire, je me battrai pour qu’on puisse toujours avoir recours à ce coup de pouce pour un candidat du Jura bernois. Moi, on me l’a refusé sous prétexte que j’étais très connu suite à ma campagne au Conseil exécutif. Mais un futur candidat issu des rangs de l’UDC JB ne bénéficiera peut-être pas forcément de la même configuration.»

Des finances saines

Dès son arrivée sous la Coupole, Manfred Bühler s’intéressera principalement à la politique financière, estimant qu’il faudrait aussi redresser la barre à cet échelon comme la majorité bourgeoise du Grand Conseil l’a fait à l’échelon cantonal. Forcément, les dossiers importants pour le Jura bernois en matière d’économie, de routes et d’agriculture retiendront toute son attention. «J’aurai aussi à cœur de lutter contre l’obsession sécuritaire de Via Sicura.»

A l’heure de savourer sa victoire, le Vallonnier répète pour la énième fois, mais cependant «avec un plaisir non dissimulé», que depuis dimanche, l’UDC est devenue le premier parti en ville de Moutier, «ce qui est tout sauf anodin».

Depuis dimanche, toujours, il se dit encore un peu plus confiant en ce qui concerne la destinée de cette cité: «Avec ma victoire, j’ai privé d’un argument supplémentaire les tenants de la séparation, qui prétendent toujours que les Romands sont quantité négligeable dans ce canton.»

Et pour en finir avec ces derniers, il soutient catégoriquement que lors de l’élection partielle de février, le candidat de l’UDC au gouvernement devrait absolument être un Jurassien bernois. Selon son analyse, la majorité de droite a en effet tout intérêt à bétonner ce siège-là avant les élections de 2018, qui verront notamment le départ du radical Hans-Jürg Käser.

«Une nouvelle campagne commence, mais nous en avons l’habitude.» Reste à savoir avec quel Jurassien bernois...

Bruits de coulisse...

Un (tout bon) plan B Ce n’est plus forcément un secret pour tout le monde. Au sein de l’UDC JB, certains considèrent déjà que Manfred Bühler ne pourra pas briguer le Conseil exécutif dans six mois, ce qui priverait à nouveau le Jura bernois de conseiller national pendant la quasi-totalité de la législature qui s’annonce. «Pour une fois que le Jura bernois vote comme l’Oberland, grommelait l’autre jour un vieux de la vieille, Bühler ne peut décemment pas nous quitter pour courir après un poste au Conseil exécutif...»

Précision d’importance: voter comme un Oberlandais, cela signifie faire fi de certaines différences idéologiques pour voter en faveur d’un candidat ayant de véritables chances d’élu. Manfred Bühler a effectivement bénéficié de ce réflexe «oberlandais» d’union sacrée, même un peu à Bienne.

Les premiers à Moutier Forcément, d’autres agrariens mettent en évidence que depuis dimanche, l’UDC est désormais le premier parti politique de Moutier. Une réalité qu’ils entendent forcément faire fructifier du côté de Berne: «Manfred Bühler a désormais quatre ans pour faire ses preuves sous la Coupole, nous a confié un notable de l’Ancien canton. Il doit viser une réélection et mettre de côté ses ambitions gouvernementales.»

Après tout, il a le temps: avec ses moins de 40 ans... En tout cas, même si elle ne l’avoue pas encore franchement, l’UDC JB entend profiter de ce succès électoral du week-end passé pour imposer sa stratégie au parti cantonal. Et notamment lui faire comprendre que le coup de Mathias Müller à Orvin ne l’a pas fait vraiment fait rire. Son candidat à elle, au cas où Bühler renoncerait au gouvernement, s’appelle Pierre-Alain Schnegg. Président de l’HJB SA, certains l’imaginent déjà succéder à Philippe Perrenoud. Déjà avancée dans ces colonnes, pareille hypothèse n’a en tout cas pas été démentie par l’intéressé.

La suite dans les heures qui suivent. La succession Perrenoud est lancée...

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