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Régions: Démocratie

L’Ours ne veut pas du vote obligatoire

Pour augmenter le taux de participation aux votations et élections, une députée proposait une série de mesures, dont certaines, radicales.

Le gouvernement veut avancer progressivement avec le vote en ligne: d’abord pour les Bernois de l’étranger, puis pour ceux domiciliés dans le canton. A-Key

Philippe Oudot

La Suisse a beau être un joyau démocratique, une majorité de ses citoyens se désintéressent de la chose publique. Preuve en est le taux de participation aux élections et votations que la députée Anita Luginbühl-Bachmann (PBD, Krattigen) qualifiait de «horriblement bas», dans une motion déposée en janvier dernier. Le taux de participation «ne dépasse presque jamais les 50%. Non seulement ce faible taux fausse les résultats, mais il met en péril le système politique de notre pays», déplorait-elle.

Pour revigorer la démocratie directe et améliorer les habitudes de vote, notamment chez les jeunes, l’élue faisait trois propositions. D’abord, elle chargeait le Conseil exécutif de «remettre le projet de vote électronique sur le métier et de le faire avancer rapidement».

Ensuite, de modifier les bases légales pour que les citoyens qui votent par correspondance sur les objets fédéraux, cantonaux et communaux n’aient plus à payer le port, comme c’est le cas dans certaines communes qui envoient des enveloppes de vote préaffranchies.

Aux urnes, sinon l’amende
Elle allait même plus loin en demandant de «rendre obligatoire la participation aux votations et élections fédérales, cantonales et communales jusqu’à l’âge de 65 ans». Et celles et ceux qui n’assumeraient pas leur devoir civique sans excuse plausible devraient s’acquitter d’une amende dont le montant serait fixé par le canton, tout comme la répartition du produit de celle-ci.

Anita Luginbühl-Bachmann soulignait que le vote obligatoire était la règle dans le canton de Schaffhouse, et cela depuis 1892. Et le résultat est éloquent: entre 2011 et 2015, le taux de participation aux votations fédérales y était de 64,3% en moyenne, contre 45,6% sur le plan national. «Le système schaffhousois est simple, efficace et bien rôdé. Il pourrait être repris dans le canton de Berne sans problème.»

Chaque chose en son temps
S’agissant de la question du vote électronique, le Conseil exécutif se dit prêt à soutenir la proposition sous forme de postulat. Il rappelle qu’en la matière, le canton a choisi de procéder par étapes.

Ainsi, tous les Suisses de l’étranger originaires du canton de Berne peuvent voter en ligne depuis juin 2012. Ce sera aussi le cas lors des prochaines élections fédérales, en 2019. Ce n’est que lorsque les enseignements du vote électronique des Suisses de l’étranger auront été tirés que le vote en ligne sera proposé aux électeurs domiciliés dans le canton.

Le gouvernement rejette en revanche les deux autres propositions. Dans le canton en effet, les modalités de prise en charge des frais de port pour le vote par correspondance varie d’une commune à l’autre. Le sujet avait déjà été abordé en 2012, mais à l’époque, l’Association des communes bernoises (ACB) s’y était clairement opposée.

Elle soulignait que dans nombre de communes, «cela n’a pas de sens car les enveloppes de vote par correspondance sont dans la plupart des cas déposées directement dans la boîte aux lettres de l’administration communale».

Cher, pour un effet quasi nul
La ville de Berne avait elle aussi examiné la question et un rapport avait conclu que la prise en charge des frais de port coûterait quelque 125 000 fr. par an sans que cela n’augmente vraiment le taux de participation. Par ailleurs, le Conseil exécutif souligne que pour une commune, prendre en charge les frais d’affranchissement représente une dépense importante alors qu’elle est négligeable pour le citoyen qui peut toujours «aller voter aux urnes ou glisser son enveloppe-réponse dans la boîte aux lettres de l’administration communale».

Enfin le gouvernement constate que pour obliger les communes à assumer ces coûts, il faudrait édicter une base légale qui empiéterait sur l’autonomie communale.

Quant à la proposition de rendre le vote obligatoire, le Conseil exécutif la rejette également, car il estime que «le vote obligatoire n’est pas le bon moyen d’inciter les gens à exercer leur devoir de citoyens» et que «l’exercice du droit de vote ne doit pas être soumis à la contrainte». Et si Schaffhouse pratique effectivement le vote obligatoire, c’est le seul canton à le faire.

Le gouvernement observe certes que les six francs d’amende infligés aux citoyens qui n’ont pas d’excuse valable permet de couvrir les frais de port et de traitement des communes. Malgré cela, selon une enquête menée auprès de ces dernières, «près de la moitié jugent le travail administratif induit par le vote obligatoire disproportionné».

Après chaque scrutin, les communes doivent comparer les cartes de légitimation rentrées avec le registre électoral. Elles doivent contrôler les excuses et adresser une facture aux abstentionnistes qui n’ont pas d’excuse valable. C’est donc une lourde charge pour les communes, martèle le Conseil exécutif.

Il rappelle par ailleurs qu’en 1999, le Grand Conseil avait balayé une motion allant dans le même sens. Et d’ajouter que si, cette fois, le Grand Conseil souhaitait effectivement introduire le vote obligatoire, il faudrait tout d’abord passer par une modification de la Constitution.

Autant d’obstacles pour lesquels le gouvernement invite le Grand Conseil à rejeter ce point.

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