Vous êtes ici

Abo

Vade retro, accord cadre!

L’UE, planète Mars pour l’UDC

Faire pression sur le Conseil fédéral pour qu’il atomise l’accord-cadre avec l’UE? Le Conseil exécutif se montre beaucoup moins radical que l’UDC.

Dans le dossier européen, tout est question de nuances: tel est le message du Gouvernement bernois. Photo: avenir suisse-ldd

Par Pierre-Alain Brenzikofer

Pour ce bon Jean-Paul Sartre, qui s’est beaucoup fourvoyé dans sa carrière littéraire, «L’enfer, c’est les autres.» Plus pragmatique et nettement moins philosophique que le précité, l’UDC bernoise a dès lors une définition nettement plus précise de l’enfer. Pour elle, il s’agit en effet de l’Union européenne.

D’où cette motion déposée par quelques solides députés agrariens, avides d’éviter un accord-cadre à leurs yeux beaucoup plus dangereux que le réchauffement de la planète.

En un mot comme en cent, ils exigent que le Conseil exécutif intervienne auprès du Conseil fédéral et de l’Assemblée fédérale «avec des mesures appropriées pour que la Suisse ne conclue pas d’accord-cadre». Non content de s’arrêter en si bon chemin, les députés agrariens demandent au gouvernement d’expliquer aux Sept Sages qu’il ne soutient pas l’accord-cadre avec l’UE.

Que fera le Grand Conseil? En tout cas, l’exécutif propose de rejeter la requête agrarienne. Déjà parce que les cantons se sont déjà exprimés à ce sujet, Berne évidemment compris. Comme tout le monde le sait, tant la Confédération que les Etats jugent que pour l’instant, les conditions ne sont pas toutes remplies pour sortir son plus beau stylo. De là à écarter d’avance tout d’accord, l’Ours, pas mal léché pour un sou, s’avoue chaud partisan des nuances. Et comme l’UDC en est ici pour le moins dépourvue, il recommandera au Grand Conseil de rejeter l’intervention.

Péril en la demeure?
Mais penchons-nous déjà sur les arguments des motionnaires! «Il semble maintenant évident que l’accord-cadre entamerait très fortement l’autonomie de la Suisse, clament-ils d’une voix forte, notamment puisque le pays devrait reprendre le droit de l’UE de façon dynamique, c’est-à-dire automatiquement, et serait sous l’autorité de sa Cour de justice en cas de conflit. Avec cet accord-cadre, l’UE ne souhaite plus accepter les mesures d’accompagnement en vigueur en Suisse concernant la protection des salaires. Or, l’accord-cadre signifie que l’UE édicte les lois et que la Suisse doit les reprendre. Notre législateur, c’est-à-dire le peuple, les cantons et le Parlement, est quasiment exclu du système. La Suisse doit reconnaître une instance judiciaire supérieure et si elle s’y oppose, l’Union peut prendre des sanctions. La démocratie en est réduite à une succession de votations. Le contrat-cadre signifie en outre: la Suisse doit payer régulièrement...»

Et, foi d’UDC bernoise, ce ne serait même pas tout. Cet accord viserait encore à interdire les aides d’Etat en Suisse ou à les restreindre fortement, s’émeut-on chez les agrariens: «Cela signifie notamment que les banques cantonales ne devaient plus bénéficier de la garantie de l’Etat, mais aussi qu’il y aurait des restrictions et des interdictions dans le domaine des participations de l’Etat aux hôpitaux, aux fournisseurs d’énergie, aux assurances immobilières, entre autres institutions.»

Pour en finir avec ce sombre tableau, l’UDC évoque encore de terribles menaces sur le droit fiscal.

On se calme!
Face à de telles rafales, le Conseil exécutif rappelle qu’il s'est prononcé vis-à-vis de la Conférence des gouvernements cantonaux sur l’accord-cadre. Sa conclusion est qu’un accord institutionnel Suisse-UE est a priori dans l’intérêt du canton, mais il a en même temps demandé de ne ratifier le texte que lorsque la lumière sera faite sur les répercussions qu’aura ce document sur la Suisse et les cantons dans les domaines des «aides d’Etat» et de la «Directive relative au droit des citoyens de l’Union». A l’heure actuelle, il n’est pas possible d’estimer dans quelle mesure les cantons en général et celui de Berne en particulier seraient touchés par ces questions. C’est pour ça que l’Ours demande des clarifications au Conseil fédéral. Reste que la demande des motionnaires consistant à ce que l’exécutif prenne position vis-à-vis du Conseil fédéral sur le résultat actuel des négociations a été réalisée.

Rien de catégorique
«Cependant, il n’est pas ressorti de la consultation que la conclusion d’un accord-cadre (quel qu’il soit) devait être écartée! La position du canton est bien plus nuancée», conclut le gouvernement. D’où le rejet de la motion.
Nuances, petits pas...

Articles correspondant: Région »