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Vote du 28 mars

«Moutier a tout à fait sa place dans le Jura bernois»

Pour la majorité du Conseil du Jura bernois, la cité doit conserver son rôle de pivot dans le canton. La minorité, elle, estime que ce n’est pas au CJB de faire du lobbying en vue de ce scrutin.

Les arguments pour le non et le oui, le CJB les laisse aux mouvements de lutte locaux. Seul le mot d’ordre, ou presque, a été répété hier par la présidente, Virginie Heyer (au centre), et le vice-président, Pierre Mercerat (à d.). Photos Stéphane Gerber

Analyse Dan Steiner

Bien qu’une certaine dose de fiel amoureusement mélangé à du vitriol se déverse à flots réguliers dans l’entonnoir des réseaux sociaux au sujet de la Question jurassienne, c’est plutôt à fleurets mouchetés que les deux camps du Conseil du Jura bernois (CJB) ont distillé leur prise de position, ce matin, en vue de la répétition du vote de Moutier. Dont l’issue fera assurément se déverser un torrent de liesse sur la moitié de la cité, le reste de sa population n’ayant que les yeux pour pleurer. Car on parle de rien de moins que de la fin de la Question, bien qu’il ne faille jamais vendre la peau de certains animaux.

C’est donc bien ensemble, sagement assis à la même table, que majorité et minorité du CJB ont transmis aux nombreux représentants des médias une brève prise de position quant à l’appartenance cantonale de la ville. Virginie Heyer, présidente de cénacle régional et partisane du non, à gauche; Pierre Mercerat, vice-président et porte-parole de la frange autonomiste, à droite. Pas vêtus de gants rouges ni de protège-dents, donc, mais dûment masqués pour les raisons que l’on sait.

Si l’on ne vous plonge pas plus brusquement dans le vif du sujet, c’est bien parce que le fond des deux messages n’a pas bougé d’un semi-iota. Seule la forme a changé. En deux mots: court, mais bref. Au bord du paisible lac de Bienne – à La Neuveville, siège de l’organe supracommunal –, on s’est certainement souvenu qu’en avril 2017, la publication du rapport du CJB avait créé un psychodrame à Moutier. Le mot n’a rien de trop fort puisque la menace d’une plainte ou d’un... recours avait été brandie par le Conseil municipal.

L’argumentaire de la majorité du CJB démontrait en effet par a + b que la plus grande ville de l’arrondissement devait rester bernoise, ce à quoi la minorité avait soustrait b mais aussi a pour prouver le contraire, quelques jours plus tard, aussi en conférence de presse. Il y a presque quatre ans, les autonomistes éructaient que «les ingérences que nous constatons violent l’art. 11 de la Feuille de route», que «l’autonomie communale est bafouée (car) le rapport est subjectif et orienté» et que «cette prise de position, trompeuse, inexacte et surtout tendancieuse, ne résiste pas à un examen sérieux de la situation à Moutier».

Pour préserver l’intégrité territoriale
On l’aura compris, la majorité a repris ce matin, dans l’esprit, les 12 points qu’elle avait développés dans son rapport initialement «secret» de 2017, mais en se limitant au strict minimum. «Le CJB avait clairement pris position dans le cadre des votations de 2013 et de 2017», a justifié la présidente, Virginie Heyer. «Il a toujours montré son attachement à l’intégrité territoriale de la région, et par conséquent au maintien de Moutier dans le Jura bernois et le canton.» Cette posture a été prise en commission et validée mardi par le plénum.

Et la députée PLR au Grand Conseil de s’empresser de noter que la parole était, cette fois, offerte à la minorité autonom(ist)e, histoire de respecter le principe de transparence. Ouf!

Reste que la présidente a répété que le CJB a pour objectif de «permettre à la population du Jura bernois de préserver son identité, de renforcer ses particularités linguistiques et culturelles au sein du canton de Berne, et de participer activement à sa politique». Ce qui fait dire à la majorité que «la ville de Moutier y a toute sa place». Cette majorité, c’est donc 19 voix contre 4 et une abstention, qu’on imagine verte, les écologistes ayant toujours prôné la neutralité.Qu’elle soit carbone ou sur la Question.

Comme Virginie Heyer a tout même motivé sa position, on résumera que l’avenir de la couronne prévôtoise, du Jura bernois et des francophones du canton dépend du maintien de la cité dans son territoire actuel. «La ville fait partie des communes du Jura bernois les plus engagées sur les plans culturel et sportif, notamment; elle bénéficie donc régulièrement de subventions du CJB, lui permettant de faire rayonner un nombre important de projets aux niveaux communal, régional et interjurassien.»

Aussi, elle est partie prenante du développement du bilinguisme à l’échelon cantonal, ce qui permet à Berne «d’assurer pleinement son rôle de trait d’union entre Suisse romande et alémanique», a plaidé la maire de Perrefitte. Moutier, c’est également un pilier de la région (13,7% de sa population) «de par son dynamisme et son engagement dans les milieux culturels, sportifs, économiques, de la formation et de la santé».

Pour s’émanciper, partons
De la toute belle pommade, dont l’odeur ne plaît pas à Pierre Mercerat. «Si les autorités externes à la ville commencent à mettre leur grain de sel, pour nous, ce n’est pas respecter l’autonomie communale.» Selon lui et ses trois collègues, individus et partis politiques ont tout à fait voix au chapitre, mais pas l’«institution CJB». «Pour moi qui ai été maire, je serais loin d’être content si quelqu’un venait s’immiscer dans une votation que l’exécutif soumet à sa population», maintient le Courtisan.

Pour la minorité, il en va du respect de la Feuille de route. «Il est ainsi paradoxal que le porteur du projet, la Municipalité de Moutier, n’ose pas faire campagne alors que d’autres organismes non impliqués le peuvent...» Pierre Mercerat a juré que son groupe ne souhaitait pas casser du sucre sur le dos du CJB. Il a tout de même comparé le poids de Moutier dans les deux cantons: 20e ville bernoise contre 2e jurassienne, soit 0,7% de la population et undéputé contre 10% et sept membres d’infanterie.

Pour terminer, le membre du PSA a encore ironisé sur le statut de Moutier défendu par le CJB, «alors que les milieux politiques régionaux et cantonaux n’ont de cesse de dénigrer ses autorités et la stagnation de la ville». Or si elle veut s’émanciper et rayonner, elle ne le pourra qu’en étant proche du pouvoir décisionnel. Donc de Delémont.

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