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Bienne

«Non, l’UDC n’est pas un parti homophobe»

Président du groupe GayUDC, le conseiller municipal Beat Feurer soutient, contrairement à son parti, le projet de loi qui vise à ouvrir le mariage aux couples homosexuels.

Beat Feurer est président du groupe GayUDC, qui existe depuis 2010 et qui compte une centaine de membres. Matthias Käser/archives

Par Clara Sidler

La question de l’ouverture du mariage aux couples homosexuels est au cœur des discussions en ce moment avec le projet de loi «Mariage civil pour tous». Celui-ci se décline en deux variantes. Les deux autorisent le mariage pour les couples homosexuels. La seconde option se distingue en autorisant l’accès, pour les couples de femmes, à la procréation médicalement assistée (PMA). A l’issue de la mise en consultation du projet, tous les partis politiques soutiennent les deux textes. Tous, sauf l’UDC. La position du parti ne fait pas l’unanimité puisque l’association GayUDC, active au sein de l’UDC, s’est prononcée en faveur du projet de loi. Beat Feurer, conseiller municipal biennois et président du groupe, explique sa position.

Beat Feurer, pourquoi soutenez-vous le mariage pour tous?
Le groupe GayUDC souhaite que les personnes homosexuelles disposent des mêmes droits et devoirs que celles hétérosexuelles et le projet de loi remplit cet objectif. C’est pourquoi nous soutenons les deux textes prévus. Nous trouvons toutefois dommage que le partenariat enregistré disparaisse, car tous les couples ne se retrouvent pas forcément dans le concept du mariage.

L’UDC est le seul parti à ne pas soutenir le projet de loi. Comment expliquez-vous ce rejet?
Selon le parti, les homosexuels et les hétérosexuels sont différents et ont, par conséquent, des rôles distincts. C’est comme un bouquet de fleurs: chaque fleur est différente, mais au final, ces parties donnent un tout cohérent.
Votre parti est-il homophobe?
Non, l’UDCn’est pas homophobe. Sûrement que certains de ses membres le sont, mais la position officielle du parti ne l’est pas. Peut-être qu’il y a quelques dizaines d’années, nous pouvions dire que l’UDCétait homophobe mais aujourd’hui ce n’est plus le cas.

Si certains membres de l’UDCsont homophobes, la position du parti est forcément teintée d’homophobie, non?
Certains membres ont des arguments homophobes mais ils ne seront jamais repris officiellement par le parti.

En s’opposant au mariage pour tous, l’UDC va pourtant à l’encontre des droits des homosexuels...
Encore une fois, je ne crois pas que la position du parti s’assimile à de l’homophobie. Même moi, quand j’ai entendu parler pour la première fois du mariage pour tous, j’étais réticent. Je me suis dit qu’il s’agissait d’un projet hétéro-normatif. Je vois donc la position du parti comme une réaction non réfléchie, mais pas homophobe.

Vous êtes en désaccord avec votre parti sur une question de société fondamentale. Comment le vivez-vous?
Evidemment, ça fait mal. Mais je garde espoir, car je constate tout de même une avancée dans mon parti. Lorsque j’étais candidat pour le Conseil municipal en 2013, j’ai dû faire face à la réticence de certains collègues de parti en raison de mon homosexualité. Aujourd’hui, lorsqu’il a fallu débattre du mariage pour tous au sein de la section nationale, presque l’entier du groupe bernois soutenait le projet de loi. Et environ 45%des membres UDC de toute la Suisse étaient en sa faveur. Malheureusement, ça n’a pas suffi.

Avez-vous remis en question votre engagement au sein de l’UDC?
Non, pas du tout. Evidemment que je ne suis pas satisfait de la position de l’UDCsur le mariage pour tous. Mais d’autres valeurs du parti sont très importantes pour moi, comme la liberté individuelle. Même si, je vous l’accorde, l’UDCva à l’encontre de ce principe en ne soutenant pas la liberté de se marier pour les couples homosexuels.

L’existence d’un groupe réservé aux personnes homosexuelles au sein de l’UDC ne montre-t-elle pas qu’il y a un problème d’ouverture au sein du parti?
Effectivement, nous avons créé GayUDCen 2010 car nous avons constaté que les homosexuels n’étaient pas acceptés en tant que membres à part entière. Nous nous engageons pour changer cette réalité et, bien qu’il reste du travail, nous observons une évolution positive. Pour ma part, aujourd’hui, je peux dire que je me sens bien en tant qu’homosexuel dans la section bernoise de l’UDC.

Vous-même, si vous en aviez la possibilité, vous marieriez-vous?
Oui. Je suis en couple depuis un an et, si je le pouvais, je demanderais la main de mon compagnon. Faut-il encore qu’il accepte (rires).

Quels sont les combats qu’il reste à mener pour atteindre l’égalité entre les homosexuels et les hétérosexuels?
L’adoption par deux parents homosexuels représente la dernière étape à franchir selon moi. Je suis en sa faveur bien que je considère que le modèle parental hétérosexuel est le plus adapté pour les enfants. Autrement, certains souhaitent que la norme pénale contre le racisme s’étende à l’homophobie (ndlr: approuvée par le Conseil national en novembre 2018, la disposition est contestée par un référendum de l’union démocratique fédérale (UDF)). Mais je ne suis pas de cet avis. La liberté d’expression doit primer.

Vous considérez donc l’homophobie comme une simple opinion et non comme un délit?
Effectivement, je ne pense pas que l’homophobie est un délit. Amon avis, les actes homophobes en Suisse ne sont pas aussi violents que dans d’autres pays. Nous avons les moyens de défendre la cause des homosexuels sans restreindre la liberté de qui que ce soit. Nous combattons l’homophobie non pas grâce à une loi mais en se montrant unis et en revendiquant nos droits.

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