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Mühleberg (6)

«Nos collaborateurs ont un grand savoir-faire»

Directeur de la centrale nucléaire depuis 2012, Martin Saxer est l’homme qui va mettre en œuvre sa désaffectation. Il peut compter sur un personnel expérimenté et bien formé.

Comme le souligne Martin Saxer, la sécurité restera la priorité absolue lors de la phase de désaffectation. Archives Keystone

par Philippe Oudot

Le 20 décembre, la centrale nucléaire de Mühleberg sera définitivement mise à l’arrêt. Une première en Suisse. Le Journal du Jura consacre une série d’articles à cet événement. Martin Saxer travaille à la centrale nucléaire de Mühleberg (CNM)depuis 27 ans. Nommé directeur adjoint en 2008, il en est devenu le directeur en 2012. Après la mise hors service de l’installation, le 20 décembre, il continuera d’assurer la direction durant toute la phase de désaffectation.


En 2011, l’année avait été mouvementée dans le domaine du nucléaire: en février, les Bernois donnaient un feu vert de principe à la construction de MühlebergII, soit une nouvelle centrale nucléaire pour remplacer à terme l’ancienne. En mars survenait la catastrophe de Fukushima et en mai, le Conseil fédéral annonçait la sortie progressive du nucléaire. Dans un contexte aussi perturbé, qu’est-ce qui vous a poussé à accepter cette charge de directeur de la CNM?
Diriger la centrale nucléaire de Mühleberg a été et reste encore aujourd’hui une mission passionnante. A l’époque, les autorités en charge de la sécurité nucléaire avaient exigé de nombreux rééquipements et nous nous préparions à l’exploitation à long terme du site. J’ai accepté avec plaisir cesdéfis et ces perspectives, tout comme la responsabilité qui en découlait.

Moins de deux ans après votre nomination, le 30 octobre 2013, le conseil d’administration de BKWannonçait que la CNMserait mise à l’arrêt définitif à fin 2019. Quand on a passéune bonne partie de sa vie professionnelle pour en assurer le bon fonctionnement, comment avez-vous vécu cette décision?
Un conseil d’administration prend toujours ses décisions sur une base solide. Je connaissais les différentes options qui s’offraient à ses membres; je savais donc ce qui pouvait nous attendre. Cependant, j’étais partagé. D’une part, cette décision me faisait mal, parce que je connaissais parfaitement le site et que je savais que l’équipe d’exploitation faisait un excellent travail. Et d’autre part, il était évident, à mes yeux, que les circonstances après l’accident de Fukushima représenteraient un véritable défi d’un point de vue économique pour l’exploitation à long terme d’une centrale datant de 40ans. Je pouvais donc comprendre la décision prise.

Avez-vous, après cette annonce, songé à démissionner?
Non. Dans un certain sens, j’ai eu la possibilité de me préparer à la décision. Pour moi, c’était une évidence: le directeur de la centrale devait être présent dans un moment pareil. Des réflexions quant à une éventuelle démission n’auraient fait qu’accroître l’anxiété du personnel. Cependant, il était clair pour moi que la décision de désaffectation entraînerait beaucoup de changements et représenterait des défis majeurs. Pourtant, j’ai décidé de les accepter et d’accompagner mes collaborateurs tout au long de la transition.

Comment faire pour rester motivé, vous et vos collaborateurs, afin d’assurer le fonctionnement irréprochable de la centrale jusqu’à la fin?
La sécurité du fonctionnement de puissance est une priorité absolue jusqu’à la fermeture; rien n’a changé avec la décision de désaffectation, et rien ne changera non plus, même après le 20 décembre. Nous exploitons un site nucléaire et avons donc une responsabilité envers la société, nos collaborateurs et l’environnement. Nous assumons toujours cette responsabilité – indépendamment de notre motivation. En outre, nous avons fait une offre de fonction à tous les collaborateurs et leur proposons des perspectives allant au-delà de l’arrêt du fonctionnement de puissance.

La fermeture de la centrale ne va pas entraîner de licenciements. Mais y a-t-il eu plus de démissions de collaborateurs suite à la décision de désaffectation qu’en période normale?
Non, les fluctuations du personnel sont restées à un niveau satisfaisant et stable.

Assurer le bon fonctionnement de la CNM est un jobdifférent que mener à bien son démantèlement. Les collaborateurs disposent-ils des compétences indispensables?
Oui, et les connaissances des collaborateurs sont très précieuses! Ils assureront la mise à l’arrêt, ainsi que la post-exploitation, réaliseront des travaux de démontage et les coordonneront. Ils disposent d’un grand savoir-faire et connaissent très bien le site grâce à leur longue expérience, ce qui est d’une grande importance pour le démantèlement. Pour les travaux hautement spécialisés, nous collaborerons aussi avec des experts externes, par exemple lors de la découpe de grands composants tels que la cuve de pression du réacteur. Il ne serait pas judicieux de mettre en place un savoir-faire en interne pour des travaux si complexes avec des instruments spécifiques.

Doivent-ils acquérir une formation particulière, et si oui, où?
Plusieurs collaborateurs ont justement été formés en radioprotection, car ce domaine nécessite beaucoup de personnel lors du démantèlement. Cette formation se déroule à l’Institut Paul Scherrer et sur d’autres installations. De plus, nous avons formé les collaborateurs à la gestion de projets et de mandats.

La sécurité est la première des priorités. Sachant que beaucoup de matériaux sont radioactifs, comment garantir qu’il n’y ait aucune fuite?
Le respect des objectifs de protection et de l’exposition aux rayonnements autorisée par la loi est contrôlé en permanence, même pendant la désaffectation – selon les mêmes normes élevées que pendant l’exploitation. Nous prenons les mesures de protection nécessaires pour tous les travaux effectués avec des matériaux radioactifs, tels que le désassemblage, le nettoyage et l’emballage à l’intérieur du bâtiment. Si nécessaire, dans des containers de travail fermés ou dans des zones délimitées avec leur propre circuit d’air filtré.

Le démantèlement nucléaire va durer plus de 10 ans, jusqu’en 2031. Resterez-vous aux commandes jusqu’à la fin destravaux?
Je ne peux pas encore dire ce qui se passera précisément d’ici à 2031. Tant que j’aurai du travail intéressant à effectuer, je resterai.

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