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«Nous devons être là où les gens sont»

Interview de la Biennoise Sophie Hostettler, nouvelle responsable de la chaîne de TV locale.

Sophie Hostettler a une idée très claire de ce que doivent être les contenus de ses émissions et veut mettre tout en œuvre, avec sa jeune équipe, pour satisfaire le public. Photo: Stefan Leimer

Interview Bernard Tentsch
Trad. Marcel Gasser

Depuis un peu plus de quatre mois, Sophie Hostettler est à la tête de la rédaction de la chaîne TV locale TeleBielingue. Elle a une idée très claire de ce que doivent être les contenus de ses émissions et des mesures à mettre en place pour y parvenir. Avec sa jeune équipe, elle s’approche petit à petit des objectifs poursuivis. Interview d’une Biennoise heureuse d’avoir retrouvé sa ville.

Sophie Hostettler, durant ces quatre premiers mois à la tête de TeleBielingue, qu’est-ce qui vous a le plus étonnée, ou surprise?
Je viens de vraiment prendre conscience à quel point ça prend du temps de réaliser un programme TV bilingue. C’est une donnée que j’avais sous-estimée. Il ne s’agit pas seulement de procéder aux traductions à la hâte et de jongler avec deux langues. Il s’agit aussi d’évoluer entre deux cultures. A cet égard, nous demandons énormément à notre équipe. Parfois, le bilinguisme casse le rythme et entrave les processus.

Et pourtant le bilinguisme, quand il est pratiqué dans l’action, comme à TeleBielingue, est un enrichissement, particulièrement pour vous, qui êtes à l’aise dans les deux langues?
C’est génial! Ici, je me sens comme à la maison autrefois, au repas de midi, quand tous les membres de la famille parlaient librement et indifféremment les deux langues. Le bilinguisme est une part de moi-même et façonne ma personnalité. J’aime le bilinguisme de tout mon cœur. Il n’y a pas que les langues qui me fascinent. Comme je l’ai déjà dit, nous avons la chance de vivre deux cultures. Et ça, c’est clairement une plus-value, même si, au travail, c’est une gymnastique astreignante.

Qu’est-ce qui vous a fait le plus plaisir durant ces premières semaines?
Beaucoup de choses m’ont fait plaisir, mais surtout la collaboration avec ma nouvelle équipe. Je sens chez mes collègues une grosse motivation, une réelle volonté de s’engager dans leur travail. Ils ont de bonnes idées, et je suis très heureuse lorsque nous pouvons les réaliser ensemble, et tout particulièrement lorsque je peux leur confier la responsabilité de certains projets.

Et jusqu’ici, qu’est-ce qui vous a fâchée?
Il y a régulièrement des choses qui me fâchent, mais ce sont plutôt des choses de moindre importance. D’une manière générale, les choses ne vont pas assez vite pour moi. Il y a certains points que j’aimerais changer rapidement et qui restent en suspens. Je dois accepter l’idée qu’on ne peut pas tout changer du jour au lendemain. C’est un apprentissage.

TeleBielingue existe depuis le 15 mars 1999, donc depuis 18ans. Après Roland Itten, Karin Rickenbacher, Stefan Senn et Markus Böni, vous êtes la cinquième personnalité à la tête de cette chaîne. Après un bref tour d’horizon des processus, quel jugement portez-vous sur l’offre actuelle?
Nous sommes sur la bonne voie. Mais il y a encore du pain sur la planche. Cela s’explique aussi par les nombreux changements de personnel: il faut que l’équipe trouve ses marques. Les petits nouveaux ont encore besoin d’être accompagnés, ils n’ont pas encore acquis toutes les ficelles du métier et du journalisme en général. Mais être sur la bonne voie signifie aussi qu’on ne peut pas se permettre de se reposer: nous devons aller de l’avant, pas question de barboter dans la pataugeoire.

Vous avez certainement suivi l’évolution de ces dernières années, certes depuis l’extérieur, mais en spécialiste. Quel est votre jugement?
L’évolution est remarquable, mais c’est ce qu’on était en droit d’attendre. Au début, les soucis et les urgences à gérer sont très différents de ceux d’aujourd’hui. Et il y a aussi des fluctuations clairement perceptibles dans la qualité, qui s’expliquent souvent par le départ de collaborateurs chevronnés. Mais cela n’a rien d’extraordinaire dans une TV locale: cela montre que nous sommes un bon tremplin.

Où voyez-vous les différences les plus nettes avec d’autres chaînes, par exemple avec Tele Bärn, où vous avez travaillé ces dernières années?
Le vrai défi à relever, ici, c’est la structure en demi-heures: ce n’est pas toujours facile de rendre justice aux deux groupes linguistiques de manière équivalente. Et parfois, cela ne suffit pas de juste traduire les textes. Dès le début, la question de la manière de raconter les choses se pose toujours doublement. C’est ce qui nous distingue le plus des autres chaînes.

Pour vous personnellement, quels sont les plus grands défis à relever?
Comme je l’ai déjà mentionné, ma tâche la plus difficile est de travailler jour après jour avec une équipe jeune et inexpérimentée. Mais en même temps c’est aussi une chance énorme. Ma première priorité, c’est de monter une équipe, de la structurer et de la faire progresser, avec pour objectif de travailler vite et bien, de surprendre les téléspectateurs avec nos propres sujets et de ne pas faire du journalisme de routine. Nous avons besoin d’idées originales. Et si l’équipe se bonifie, automatiquement le produit se bonifie aussi.

Comment entendez-vous vous atteler à cette tâche et la mettre en œuvre?
D’une manière générale, dans ce métier on apprend sur le tas, en effectuant chaque jour des tâches concrètes. Cette remarque vaut également pour moi. Et puis, je n’oublie pas que j’ai un rôle de modèle à jouer. Nous devons tous procéder à des expérimentations, prendre des risques, sortir de notre zone de confort et, parfois, nous planter. C’est ainsi que nous apprendrons.

Comment voyez-vous l’avenir de la TV?
C’est une question difficile, à laquelle personne ne peut vraiment répondre pour l’instant. De nombreux experts se consacrent depuis longtemps à cette problématique, et ils n’en savent pas beaucoup plus. Il est important que nous ayons des contenus qui intéressent les téléspectateurs. Nous souhaitons être près des gens, et il faut qu’on parle de nous. Du coup, nous devons impérativement être présents sur Internet. C’est une contrainte liée à notre époque, à laquelle nul ne peut se soustraire aujourd’hui. Nous avons réorganisé de fond en comble

Au fond, savez-vous ce que désirent les téléspectateurs?
Pour cela, il y a les sondages et les études. Nous ne vivons pas dans notre bulle. Le principal domaine que je souhaite élargir, c’est le sport. Là, il y a de nombreux sujets potentiels à exploiter, surtout autour de disciplines mineures, moins connues du grand public. En mettant l’accent à la fois sur les hommes, les clubs et l’aspect inhabituel de la discipline, nous pourrions marquer des points. A l’extérieur, quand on discute un peu avec les gens, on découvre très rapidement les thèmes qui leur tiennent à cœur. Evidemment les souhaits et les attentes sont trop différents pour qu’on puisse satisfaire tout le monde. Mais ça donne des idées.

Que répondez-vous à ceux qui préconisent moins de sujets, mais plus de profondeur?
Il y a de la place pour les deux tendances. Dans la partie Info, nous souhaitons informer les téléspectateurs de la manière la plus large possible. Mais nous travaillons aussi sur de nouveaux formats où nous pouvons mieux approfondir certains thèmes choisis. Là, nous avons l’intention de proposer des contenus qui vont au-delà des annonces brèves. La directive, c’est qu’il doit s’agir de sujets en exclusivité et de la région. L’une des forces de la TV régionale, c’est le coup d’œil dans les coulisses.

Les téléspectateurs vous ont déjà vue souvent comme présentatrice en dehors du studio, par exemple lors de la retransmission live du cortège du carnaval de Bienne, où vous étiez reportrice. Ces reportages sur le terrain, c’est important pour vous?
Oui, c’est super; j’adore ce genre de travail. Je ne suis pas du genre à tirer les ficelles depuis ma tour d’ivoire. J’aime bien être là où les choses se passent. En premier lieu je suis journaliste, et ça n’est pas près de changer.

Globalement, il y a plus d’émissions TV en dehors du studio. Est-ce que ça fait partie de vos stratégies?
Effectivement, j’aimerais renforcer ce type de télévision. C’est un peu plus vivant, mais en revanche ça prend nettement plus de temps. Je ne sais pas si c’est la bonne voie, on verra. Il faut essayer de nouveaux trucs.

Les attentes des téléspectateurs sont très variables. Dans quelle mesure pouvez-vous répondre aux souhaits du public?
Nous ne pouvons pas et ne voulons pas combler toutes les attentes. Si cela ne lui convient pas, le téléspectateur a toujours la possibilité de zapper. Mais si nous parvenons à sortir un peu la télévision régionale de son anonymat, ça se produira moins souvent. Il faut que les gens nous connaissent et nous comprennent. On peut d’ailleurs jeter un coup d’œil en passant sur ce que nous faisons chez nous, à la Maison des médias.

Tous les médias ont également pour objectif de cibler un public plus jeune. Que faites-vous dans cette optique?
C’est un défi que doivent relever toutes les chaînes TV. C’est difficile. Le comportement des consommateurs a complètement changé. Regarder la télé ensemble au salon, ça se voit de moins en moins. La réalité d’aujourd’hui c’est qu’on consomme les programmes en différé, et souvent uniquement sur son smartphone. Dans un tel contexte, il est compliqué pour une chaîne de fidéliser une clientèle. La TV classique se trouve dans une situation difficile. Néanmoins, il est possible de s’adresser à un public plus jeune.

Comment?
Nous devons être là où les jeunes sont. C’est un paramètre que nous devons également intégrer dans nos programmes. A Bienne, par exemple, il y a de nombreux jeunes artistes débordant d’idées. Nous devons les prendre à bord et utiliser des synergies. Ensemble, il y a des choses à mettre sur pied. Et puis, comme je le disais auparavant, il y a le sport, qui se prête bien à l’audience jeune. Les clubs fourmillent de jeunes très actifs: nous voulons les montrer.

Profil:
FORMATION
Diplôme de commerce, bachelor en langue et littérature allemande, bachelor en sciences de la communication et des médias. CAS du film documentaire à l’Ecole des arts de Berne.
Expérience professionnelle à la TV
Journaliste vidéo à Loly Lyss; présentatrice productrice et journaliste vidéo à Tele Bärn, directrice des programmes de TeleBielingue depuis le 1er décembre 2016.
Distinctions
Meilleur film 2006 avec Lola, Meilleur film 2007 avec Lola; Prix suisse des Médias (aujourd’hui Swiss Press Award) avec la série «Le conflit jurassien» en 2014

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