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Centrale nucléaire de Mühleberg

«Nous tenons bien le cap»

Une année avant de débrancher la prise, BKW a fait le point hier sur l’état de préparation en vue de la désaffectation et de la déconstruction.

Philipp Hänggi a détaillé les phases qui suivront l’arrêt définitif de la centrale. keystone

Par Philippe Oudot

Dans à peine plus d’une année, le 20 décembre 2019, la centrale nucléaire de Mühleberg (CNM) sera déconnectée du réseau et définitivement mise à l’arrêt. Hier, BKW, propriétaire et exploitant de la centrale, a présenté où en étaient les travaux de planification. «Tout se déroule comme prévu et nous tenons bien le cap», a résumé Suzanne Thoma, CEO de BKW, face aux médias.

Elle a rappelé que depuis la décision d’arrêter définitivement la centrale, le 30octobre 2013, BKW avait mis les bouchées doubles pour préparer la désaffectation, puis la déconstruction de son installation. Si la désaffectation est techniquement éprouvée, BKWfait néanmoins œuvre de pionnier, car Mühleberg sera la première centrale suisse à être désaffectée et démantelée.

Long processus
Déposée en décembre 2015 auprès des autorités compétentes, la demande de désaffectation a été acceptée le 20 juin 2018. N’ayant fait l’objet d’aucun recours, la décision est entrée en force le 6 septembre dernier. «D’un point de vue juridique, la désaffectation est désormais réglée», a souligné Suzanne Thoma.

Si la centrale sera effectivement mise définitivement à l’arrêt le 20 décembre 2019, la plupart des collaborateurs continueront à travailler sur le site durant toute la phase de post-exploitation et de désaffectation. Pour Suzanne Thoma, «c’est important de pouvoir compter sur eux, car ils ont les compétences nécessaires et connaissent parfaitement l’installation». D’ailleurs, a-t-elle ajouté, BKWprépare ses collaborateurs à cette nouvelle étape depuis longtemps.

D’abord le combustible
Chef nucléaire de BKW, Philipp Hänggi a expliqué plus en détail les phases qui suivront l’arrêt définitif de la centrale. D’abord, les éléments combustibles seront extraits de la cuve du réacteur et placés dans la piscine de désactivation située juste à côté. Ils y resteront pendant quatre à cinq ans, le temps de réduire massivement la chaleur et la radioactivité des éléments combustibles. Ceux-ci seront ensuite transportés à Würenlingen, au centre de stockage intermédiaire Zwilag, en Argovie, en attendant d’être déposés en couches géologiques profondes.

«Nous commencerons aussi de démonter tous les équipements qui ne seront plus nécessaires à l’exploitation et à la sécurité dans le bâtiment du réacteur. En parallèle, nous démantèlerons également tous les équipements dans la salle des machines. D’ici à l’automne 2020, les turbines seront ainsi démontées et transportées en Suède, où le métal sera fondu pour être réutilisé», a indiqué Philipp Hänggi. La salle des machines sera ensuite aménagée pour y nettoyer et décontaminer les éléments faiblement irradiés.

Découpage et décontamination
Au terme de la phase de post-exploitation, soit à fin 2024, tous les éléments combustibles auront été transférés au Zwilag, si bien que la radioactivité aura été éliminée à 98%. Apartir de 2025, les parties restantes de l’installation qui ont été en contact avec la radioactivité seront découpées pour être décontaminées. Et lorsque ce n’est pas possible, ces déchets seront conditionnés en vue de leur placement dans le dépôt final en profondeur.

Le découpage des éléments fortement irradiés, comme la cuve ou le manteau du réacteur, se fera sous l’eau au moyen de robots télécommandés. De manière générale, tous ces déchets seront conditionnés de manière à être facilement manipulés, soit sous forme d’éléments d’environ 300kg. Si tout se passe comme prévu, il ne restera plus aucune source radioactive en 2031, si bien que BKWpourra ensuite démolir les bâtiments de manière conventionnelle.

Pour sa part, Stefan Klute, chef du projet de désaffectation de la CNM, a souligné que la coordination entre la mise hors service, le démontage, le traitement de matériaux et la logistique constituera un des gros défis. Quant aux collaborateurs, ils devront se former pour assurer au mieux la transition entre l’exploitation de la centrale et la phase de désaffectation et de démantèlement.

 

BKW réglera la facture

Comme l’a souligné Suzanne Thoma, BKWprendra en charge la totalité des coûts, aussi bien pour la désaffectation que pour l’élimination des déchets nucléaires, et le financement est en bonne voie. S’agissant de la désaffectation, les coûts s’élèveront à 927 millions de francs, dont 339mios pour la 1re étape, dite de post-exploitation, c’est-à-dire jusqu’à l’évacuation des éléments combustibles (jusqu’en 2024), et 588mios jusqu’au démontage final et la remise en état du site. Le financement sera assuré par des fonds propres de BKW(339mios), la part de BKW(471mios) au fonds de déclassement géré par la Confédération, les contributions futures de BKW jusqu’en 2020 (54mios), ainsi que le rendement des fonds (62mios).

S’agissant de l’élimination des déchets nucléaires jusqu’à leur enfouissement en couches géologiques profondes, la facture pour BKW s’élèvera à 1,427milliard de francs. Ace jour, le groupe énergétique a déjà versé 719mios au fonds d’élimination, géré par la Confédération;s’y ajouteront 82mios au titre de contributions versées jusqu’en 2020. Quant aux 626 mios restants, ils proviendront du rendement issu du placement du fonds d’ici à 2100. Comme l’a précisé Suzanne Thoma, l’évolution des deux fonds sur le long terme démontre que le rendement réel des placements est supérieur à celui attendu. En clair, le financement sera assuré.

 

«30 à 40 spécialistes engagés»

Suzanne Thoma, la salle des machines sera utilisée pour traiter et décontaminer les éléments faiblement irradiés. Mais le bâtiment n’est pas isolé contre les radiations...
Effectivement, mais ces travaux se feront dans des conteneurs étanches dotés d’équipements de ventilation et de filtrage. Une fois nettoyées à l’eau sous pression ou par sablage, les pièces pourront être recyclées comme des matériaux ordinaires. Les résidus et les filtres seront en revanche conditionnés comme des déchets radioactifs.

Le personnel de la CNMpourra-t-il effectuer tous les travaux?
En grande partie. Nous allons toutefois engager 30 à 40 spécialistes pour les travaux spéciaux comme le découpage de la cuve ou d’éléments fortement irradiés qui se feront sous l’eau, au moyen de robots télécommandés.

La révision de l’ordonnance sur l’énergie nucléaire, qui entre en vigueur en janvier prochain, est plus sévère. Quelles seront les conséquences pour la désaffectation de la centrale?
Certains déchets très faiblement radioactifs n’ont pas besoin d’être stockés en couches géologiques profondes. L’ordonnance prévoit la possibilité de les mettre dans ce qu’on appelle un dépôt de décroissance. Au bout de 30 ans, la diminution d’activité permettra de les considérer comme des déchets ordinaires. Pour la centrale de Mühleberg, il s’agit d’éléments de béton ou d’acier, dont le poids devrait avoisiner 2500 tonnes.

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