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"Nous vivons dans un paradis"

A dix jours de la votation sur l'instauration d'un salaire minimum, Doris Leuthard a mis en garde des dangers qui guettaient si le oui sortait des urnes.

Photo Jonathan Liechti

Marjorie Spart

Fraîchement débarquée d’Athènes, Doris Leuthard a d’emblée asséné que «nous ne nous rendons plus compte que nous vivons dans un vrai paradis». Et la conseillère fédérale d’évoquer le taux de chômage de 15% qui frappe les jeunes Grecs et leur salaire moyen qui frôle à peine les 800 euros par mois.

Poursuivant son discours dans les chiffres, elle a rappelé que la Suisse est l’un des pays les plus compétitifs au monde. «Nous sommes au premier rang des pays innovateurs d’Europe et en troisième position au niveau des meilleurs salaires. Ceux-ci sont d’ailleurs plus élevés que ceux de nos voisins français et allemands.»

Selon la conseillère fédérale, la force du pays prend ses racines dans le succès du partenariat social tissé entre les employeurs et les employés, par les biais des syndicats et des conventions collectives de travail. Un partenariat qui serait mis à mal  si l’initiative était acceptée.

Lutter contre la pauvreté

Toutefois, Doris Leuthard a salué le fondement de l’initiative du salaire minimum: «Interdire le dumping salarial et assurer une vie en toute dignité aux travailleurs sont des objectifs que la Confédération veut aussi atteindre. Cela n’est pas contesté.» Pour la conseillère fédérale, instaurer un salaire minimum, n’est pas seulement la bonne solution pour y arriver.

Elle a ensuite évoqué trois raisons de rejeter cette initiative. Selon elle, «un salaire minimum aurait pour effet de briser le fondement du contrat social qui a fait ses preuves. Nous sommes un pays démocratique où le dialogue entre employeurs et employés fonctionne bien.» De plus, les syndicats sont les plus à même de fixer les salaires minimaux dans leur branche, puisqu’ils sont très au clair avec la réalité de leur domaine d’activités.

Ensuite, elle a mis en évidence les différentes réalités que connaissent les régions suisses. «Le coût de la vie est tout autre à Zurich qu’au Pied du Jura. Un salaire unifié ne serait dans ce sens pas équitable», a-t-elle argumenté.

Le troisième point évoqué est que plusieurs facteurs engendrent la pauvreté: un bas salaire n’en est pas la seule raison. «Parfois, il est préférable d’avoir un travail mal rémunéré que pas de travail du tout. Pour les personnes qui sont dans cette situation, je rappelle que l’Etat a mis en place un système d’aide sociale qui les prend en charge pour qu’elles s’en sortent.» D’autre part, l’Etat entend mettre l’accent plutôt sur la formation pour atteindre l’égalité des chances et améliorer la qualité de vie des quelque 330000personnes qui actuellement gagnent moins de 4000 fr. par mois en Suisse.

Un entrepreneur de la région, Samuel Estoppey, a pris la parole à la suite de Doris Leuthard pour évoquer le point de vue des patrons face à l’instauration d’un salaire minimum.
L’absence de représentants de la classe ouvrière a scellé la discussion, ne l’entraînant pas sur le chemin de la contradiction. Seule la première intervention a été remarquée puisqu’une femme a largement évoqué sa déception quant à la teneur de la conférence...

 

Le comité bernois "Non au salaire minimum", fait valoir ses arguments.

Avant l’exposé de la conseillère fédérale, le comité bernois  «Non au salaire minimum» a invité la presse pour remettre une nouvelle fois la compresse avant les votations du 18 mai. Les présidents cantonaux des partis bourgeois (UDC, PLR, UDF, PBD) ont chacun avancé leurs arguments pour plaider en faveur du non à l’initiative. Peter Bonsack (UDF) a rappelé que «4000 fr. n’avaient pas la même valeur dans toutes les régions de Suisse. Ce salaire ne serait donc pas équitable si on ne prend pas en compte la réalité régionale».

Pierre-Yves Grivel (PLR) a mis en garde contre les dangers que représentait l’idée d’un salaire minimum pour la formation duale que connaît la Suisse. «Garantir un salaire de 4000 fr. par mois même aux personnes qui ne sont pas formées pourrait inciter les jeunes à renoncer à entreprendre un apprentissage.» Selon lui, il est préférable d’encourager les jeunes à gagner peu à peu leur vie. «Le salaire se base surtout sur l’expérience acquise. Il faut accepter que lorsqu’on débute, on gagne un peu moins.»

La défense de l’agriculture suisse a été assurée par Heinz Siegenthaler (PBD) qui a mis en garde contre une augmentation du prix des denrées cultivées en Suisse. «Avec un salaire à 4000 fr. il faut tabler avec une augmentation de 25% du prix des légumes. Cela incitera les gens à faire leurs courses à l’étranger. Ce sera très dommageable pour les paysans», a-t-il martelé. Le mot de la fin est revenu à Werner Saltzmann (UDC) qui a déclaré que le partenariat social était en danger: «Le modèle libéral suisse a fait ses preuves. La force de notre économie est justement de pouvoir faire preuve de flexibilité.»

 

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