Vous êtes ici

Abo

Découverte

Parlez-vous le suisse?

«Une pierre 4 coups» propose d’approfondir vos connaissances dans les quatre langues nationales. Le livre est le fruit d’une large collaboration, incluant la Biennoise Caro.

Par Maeva Pleines

«Faire le point dans sa poche», «tenir les pouces à quelqu’un» ou «ne pas toucher le puck»... Saviez-vous qu’il s’agit là d’expressions typiquement romandes? Ou encore que «se mettre le doigt dans l’œil» vient d’un euphémisme du 17esiècle, qui utilisait le mot œil pour désigner l’anus. Or, en français, de nombreuses expressions traduisant l’erreur ou la contrariété font référence aux parties basses du corps. C’est le genre de savoirs que nous enseigne «Une pierre 4 coups», un des rares ouvrages réalisé dans les quatre langues officielles de Suisse, accompagné d’un site internet didactique.

Le projet, initié par Nicole Bandion et Lucie Bourban, a réuni cinq linguistes et quatre illustrateurs de toute la Suisse. «Une coordination compliquée qui a également constitué la beauté de l’entreprise», témoigne Nicole Bandion. La Valaisanne estime que ce travail collaboratif représente ainsi une complexité typiquement helvétique digne d’être célébrée.

Linguiste pour la partie francophone, Marine Borel abonde en son sens: «J’ai particulièrement apprécié échanger avec tant d’experts qui apportaient chacun leurs compétences particulières. L’équipe comptait par exemple deux linguistes romanches, car il s’agit d’une langue particulièrement compliquée à cerner en raison des cinq idiomes qu’elle regroupe.» Par ailleurs, des liens ont également été tissés à Bienne, par la participation de l’illustratrice Caro, ainsi qu’à travers la collaboration du Forum du bilinguisme.

Le livre regroupe ainsi une quarantaine d’expressions expliquées dans quatre langues. «Nous tenions à ce que chaque partie soit accessible même sans connaissances linguistiques préalables», note Nicole Bandion. «Il était vraiment important pour nous de rendre accessible cet objet scientifique au grand public, en mêlant notre souci d’exactitude à une bonne dose d’humour», appuie encore Marine Borel. Celle-ci estime que le monde académique gagne à s’adresser à un large public, de manière non-élitiste.

Une langue qui évolue
L’ouvrage s’adresse donc autant à des jeunes écoliers qu’à des linguistes aguerris. «Une des difficultés a donc été de rédiger les explications de manière appropriée à tous», commente Marine Borel. En effet, de nombreuses expressions françaises trouvent leur origine dans un argot plus ou moins vulgaire. L’auteure prend l’exemple d’«il n’y a pas un chat» (qui se traduit en italien par «il n’y a pas un chien», en allemand par «il n’y a pas un cochon» et en surmiran, un des cinq idiomes romanches, «il n’y a pas un gosier»). Au 17esiècle, cette locution désignait le sexe de la femme. C’est ainsi que des hommes peu galants signifiaient qu’ils ne trouvaient aucune demoiselle à leur goût dans un cercle donné.

«Ces exemples montrent comment le langage a évolué», analyse Marine Borel. «J’espère que, grâce au livre, les lecteurs constateront le plaisir que l’on peut trouver à jouer avec la langue et que leur curiosité s’en trouvera éveillée pour les langues qu’ils ne connaissent pas encore.»

Le bouquin fait d’ailleurs partie d’un projet plus large, qui comprend également un site web. Sur celui-ci, on retrouve des fiches didactiques pour apprendre l’italien. «Nous sommes conscients du pouvoir didactique de notre approche, puisque les images ont aussi un effet mnémotechnique», partage Nicole Bandion. Celle-ci précise que les fiches d’italien représentent un projet pilote. «Nous avons une philosophie d’open source et serions donc heureux si une école se trouvait inspirée à reprendre le concept pour enseigner d’autres langues.»

Riche en exemples audio, la plateforme en ligne apporte également un éclairage sur les subtilités des dialectes suisse allemand. On y découvre notamment les différentes graphies d’expressions comme «Uf dä Fäuge si» (littéralement «être sur les jantes», ou «être très fatigué») à Berne, se transforme en «Uf de Felge sy» dans la cité rhénane.

A découvrir sur:
www.quadrilingues.ch

Articles correspondant: Région »