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Budget 2020 et plan financier 2021-2023

Pas de quoi faire des folies

Le canton prévoit un excédent de revenus de 217 mios au compte de résultats, des investissements de 446 mios et un solde de financement de 160 mios. Mais pour financer ses investissements à venir, il a besoin du fonds spécial pour éviter un nouvel endettement.

La directrice des Finances Beatrice Simon, ici avec le secrétaire général adjoint de sa direction, a une fois encore plaidé en faveur du fonds spécial. Ph. Oudot

Par Philippe Oudot

Apparemment, le canton de Berne roule sur l’or: ce printemps, il annonçait un excédent de revenus de 261 mios au compte de résultats pour l’exercice 2018. Et pour le budget 2020, il table sur 217 mios d’excédent. «C’est certes réjouissant, mais il faut rester prudent en raison des gros défis à venir», a toutefois objecté la ministre des Finances Beatrice Simon hier à Berne en présentant aux médias le budget 2020 et le plan financier 2021-2023.

En effet, si les perspectives financières à court terme – et donc des recettes fiscales attendues – sont bonnes en raison de la conjoncture, le canton va au-devant d’années plus difficiles. A partir de 2022, il fera face à de gros besoins d’investissements, notamment pour assurer son développement, conformément à la vision «Engagement 2030» présentée par le Conseil exécutif. Voilà pourquoi il propose la création d’un fonds spécial pour le financement de projets d’investissement stratégiques (voir ci-dessous).

Besoins croissants
Concrètement, le gouvernement prévoit d’investir 446mios en 2020. Une somme qui va passer à 466, 533 puis 579 mios pour les trois années suivantes. Or, malgré les résultats positifs prévus au compte de résultats pour cette même période (respectivement 95, 83 et 122 mios), le solde de financement devrait être négatif en 2022 (-34 mios) et en 2023 (-44mios). En clair, sans la création du fonds spécial ou sans améliorations dans le compte de résultats, le canton ne sera plus en mesure de financer par ses propres moyens ses investissements, à moins de s’endetter. Impensable, puisque cela irait à l’encontre du frein à l’endettement inscrit dans la Constitution.

Comme l’a expliqué Beatrice Simon, le budget arrêté par le gouvernement prend en compte les répercussions financières des décisions politiques prises tout récemment. Acommencer par le nouveau classement salarial des enseignants des écoles enfantines, primaires et de musique (+20mios par an); le renforcement par étapes des effectifs de la police cantonale d’ici à 2025 (impact échelonné entre 2 et 19mios par an); la révision2021 de la loi sur les impôts (-50 mios), ou encore la compensation du renchérissement pour le personnel du canton et les enseignants (+8mios).

Influence limitée
La conseillère d’Etat a aussi rappelé que la marge de manœuvre du Conseil exécutif était limitée et qu’il n’avait que peu – voire pas du tout – d’influence dans certains domaines. Ainsi, le canton s’attend à une importante baisse de revenus dans le cadre de la péréquation financière fédérale (entre 44 et 104mios); le récent arrêt du Tribunal fédéral concernant la réduction des primes pour les enfants et les jeunes adultes va coûter au canton 23mios en 2020, puis 30mios par an. Et c’est sans compter la constante augmentation des charges dans les domaines de la formation, de l’intégration, du 3e âge et du handicap.

Ces détériorations ont toutefois été partiellement compensées par plusieurs éléments: d’abord, la hausse des revenus fiscaux liés à la bonne conjoncture économique. Ensuite, l’augmentation moins élevée que prévu des coûts dans le secteur de la santé. Acela s’ajoute le rejet de la révision 2019 de la loi sur les impôts, en novembre dernier. «Le manque à gagner de 103mios attendu à partir de 2020 est tombé à l’eau», a rappelé Beatrice Simon.

Positif, mais fragile
Si le Conseil exécutif se réjouit de présenter un budget 2020 aussi positif, il note toutefois qu’il s’appuie sur de bonnes prévisions économiques, et donc de bonnes recettes fiscales. «Mais la situation financière du canton pourrait très vite basculer en cas de ralentissement de la conjoncture», a averti la conseillère d’Etat.

D’autant que plusieurs incertitudes planent pour ces prochaines années: d’abord, dans le cadre de la péréquation financière, le canton risque de voir le montant des versements compensatoires diminuer si son potentiel de ressources augmente. Ensuite, si de nouveaux éléments (baisse de l’impôt sur le bénéfice des entreprises, par exemple) devaient venir s’ajouter au projet de révision 2021 de la loi sur les impôts, cela péjorerait encore davantage les prévisions.

Sous la loupe
Au vu des besoins croissants en matière d’investissements à partir de 2022 et du manque de financement attendu, le Conseil exécutif constate que son Fonds spécial pour les investissements stratégiques (doté de 400mios) est certes indispensable, mais il sera insuffisant, les besoins avoisinant les 500 à 700mios. «Ce Fonds n’est qu’un élément du financement de l’augmentation des besoins d’investissement», a rappelé Beatrice Simon. Dans ce contexte, le gouvernement a réfléchi à la manière d’y faire face et a prévu diverses mesures afin de compléter la solution du fameux fonds.

Il a ainsi passé au crible les 28projets d’investissements d’un montant supérieur à 20mios. «Notre but était de voir si des économies étaient possibles, si on pouvait en réaliser avec un partenariat public-privé, ou si on pouvait en reporter à plus tard, voire en supprimer.» Résultat:le gouvernement renonce à la rénovation du bâtiment administratif de la Direction de l’instruction publique et il reporte de cinq ans les projets de la prison régionale de Berne et la rénovation du Musée des Beaux-Arts de Berne, ainsi que l’assainissement des établissements de Saint-Jean.

Dans un premier temps, il avait envisagé la réalisation de deux projets dans le cadre d’un partenariat public-privé. A savoir la construction d’un établissement pénitentiaire et d’une prison régionale dans la région Jura bernois-Seeland et d’une annexe pour la détention administrative à la prison régionale de Thoune. Il y a toutefois renoncé, suite au préavis défavorable de la Commission des finances (CFin).

Il a également examiné la possibilité d’opérer des coupes forfaitaires dans les secteurs du bâtiment et du génie civil, mais a abandonné cette option. Ces travaux doivent en effet respecter des normes fixes et contraignantes, rendant du coup les économies difficilement applicables. «Plutôt que de telles coupes, le Conseil exécutif estime qu’il vaut mieux renoncer à certains projets». Et jusqu’à nouvel ordre, il a prononcé un moratoire sur tout nouveau projet de construction.

Un plan B
C’est lors de la session de septembre que le Grand Conseil se prononcera sur le Fonds de financement des projets d’investissement stratégiques. Si le Grand Conseil devait suivre la majorité de la CFin et refuser ce fonds, le gouvernement entend renoncer au projet de campus à Berthoud et reporter de cinq ans celui de regroupement, à Berne, des sites éparpillés en ville de la Haute Ecole spécialisée bernoise.

Un rejet obligerait aussi les députés à envisager d’autres reports, voire abandons de projets. En effet, faute de financement, la sécurité de la planification des investissements serait fortement limitée. Ces restrictions supplémentaires seraient pratiquées alors même que le Grand Conseil et le Conseil exécutif se sont donné pour objectif de stimuler l’économie du canton de Berne dans le cadre de leur engagement 2030.

 

Conforme à la Constitution

Le Fonds de financement des projets d’investissement stratégiques serait doté d’environ 400mios de francs. Un montant alimenté par une partie de l’excédent des comptes 2018 (150mios), par un transfert du solde du Fonds hospitalier (100mios) et du Fonds alimenté par les bénéfices de la BNS (80mios), ainsi qu’une partie (80 mios)du versement de la BNSpour l’année 2018. Il pourrait être complété par les éventuels futurs soldes de financement.

Contrairement à la position d’une petite majorité de la CFin pour qui ce fonds est contraire à la Constitution est un subterfuge pour contourner le frein à l’endettement appliqué au compte des investissements, Beatrice Simon a juré ses grands dieux que tel n’était pas le cas. Ce fameux frein demande que les investissements soient autofinancés à moyen terme et n’entraîne pas de nouvel endettement. En l’occurrence, avec ce fonds, «le canton fait comme les ménages qui mettent de l’argent de côté en vue d’une grosse dépense. Ce n’est en tout cas pas une caisse noire, comme certains le prétendent», a asséné la directrice des Finances.

 

Premières réactions contrastées

Les principaux partis n’ont pas tardé à réagir. Si le PLRsalue ces chiffres positifs, il estime qu’il manque des mesures pour améliorer l’attractivité du canton en matière fiscale notamment. Il déplore aussi le manque de visions en termes d’investissements. L’UDC ne comprend pas la position du gouvernement qui, d’un côté se montre satisfait, mais de l’autre, tient à son fonds spécial. Un fonds que le parti juge contraire à la Constitution. Il réclame la mise en place de nouveaux mécanismes pour garantir les investissements à long terme.

Du côté des Verts, si on se félicite de l’amélioration des salaires des profs, on exige des mesures concrètes pour le climat en soutenant l’assainissement des bâtiments. Et au vu de la situation, le parti ne veut pas entendre parler de baisse fiscale. Pour le PS, ce budget montre que les coupes massives opérées en 2017 n’étaient pas nécessaires et il demande de faire marche arrière dans certains domaines. Il se montre enfin favorable au fonds spécial.

 

Chiffres clés

Budget 2020
– 11,702 Charges (en milliards) au compte de résultats.
– 11,919 Revenus (en milliards) au compte de résultats.
– 217 Excédent (en mios) du compte de résultats.
– 446 Investissement net (en mios).
– 160 Solde de financement (en mios).

Plan financier 2021-2023
– 2021 95mios:excédent au compte de résultats; 466mios:investissement net; 32mios: solde de financement.
– 2022 83mios: excédent au compte de résultats; 533mios:investissement net; -34mios: déficit de financement.
– 2023 112mios: excédent au compte de résultats; 579mios:investissement net; -44mios: déficit de financement.

 

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