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Vote de Moutier

Pas d’huile jetée sur le feu

Une motion de la Députation demandait que les articles 138 et 139 de la Constitution jurassienne soient biffés avant le scrutin, mais Berne a préféré le statu quo.

En tout, une quinzaine de membres ou de sympathisant(e)s de Moutier-Résiste ont accueilli ceux qui ont dû voter sur la motion Klopfenstein. Ils ont patiemment attendu ce moment en tribunes. Dan Steiner

Par Dan Steiner

Qui sait vraiment ce qu’il se serait passé si, le dimanche 18 juin 2017, à Moutier, un échantillon de 69 personnes avaient choisi de griffer «non» au lieu de «oui» sur leur bulletin de vote communaliste? Qui sait vraiment ce qu’il serait advenu de la répétition de ce scrutin si, le mardi 3 mars 2020, au Rathaus de Berne, six membres du Grand Conseil avaient opté, cette fois, pour le oui? D’une pierre deux coups: personne ne le sait vraiment. Pour les uns, on a hier évité d’emmêler encore davantage le nœud quasi gordien de la Question jurassienne; pour les autres, on a raté une bonne occasion de le trancher net.

En résumé, la motion de la Députation, avec Etienne Klopfenstein (UDC, Corgémont) comme épéiste titulaire, exigeait de Berne qu’il force le canton voisin à biffer avant le revote les articles138 et 139 (leur substance ci-contre) de sa propre Constitution, faute de quoi Moutier il n’aura. Aucun avantage donc, comme le préconisait le Conseil exécutif, à la transformer en postulat. Résultat: motion refusée par 68 contre 58 et 7 indéterminés. «On savait qu’obtenir la majorité allait être compliqué, mais on s’attendait à une différence plus marquée. Au moins, ce débat a permis de poser les bonnes questions.» Pas plus surpris que satisfait, Patrick Röthlisberger.

«C’est de la bêtise», mais...
Aux côtés d’une quinzaine de membres ou sympathisant(e)s de Moutier-Résiste, le chef de file de l’association antiséparatiste avait fait le déplacement. Ce relatif revers évitera au moins quelques congratulations, mesures anticoronavirus obligent.

Il s’en est toutefois fallu de peu. Car, sur le fond, la grande majorité du plénum était d’accord. «Les motionnaires ont raison: ces articles doivent être supprimés», a avancé Roland Näf (Berne) pour le PS. «Mais le Conseil exécutif l’a laissé entendre dans sa réponse, accepter la motion, c’est s’aventurer sur une pente glissante sur le plan juridique. On ajouterait ainsi une nouvelle condition.»

Pour le PBD, un changement entre le premier et le second vote ne serait pas sérieux et saperait la confiance, déjà fragile, qui règne entre Berne et le Jura. Même discours chez les vert’libéraux, qui considèrent «très problématique que ces articles existent. C’est de la bêtise!» s’est exclamé Michael Ritter (Berthoud).

De l’avis général, on aurait rajouté une condition imprévue. Malvenue. Pour ne pas en arriver là, le radical biennois Pierre-Yves Grivel «rêvait» que ce soit le Jura qui se charge de faire le pas. Il en a appelé aux ministres de l’Etat voisin. «Non, vous ne rêvez pas, Monsieur Grivel», lui a répondu la socialiste prévôtoise Maurane Riesen. «Mais on parle ici d’articles symboliques d’un autre canton. Est-ce au Grand Conseil bernois de définir ce qu’il est écrit dans la Constitution d’un autre canton? Ceci n’est qu’une manœuvre pour ralentir le processus.»

Acquis contre négociation
Avant elle, différents membres de la Députation ont bien tenté d’infléchir la tendance au «oui mais non» qui se dessinait pour le vote de l’assemblée. Maire de Perrefitte, commune limitrophe de Moutier, Virginie Heyer (PLR) a lancé qu’elle «ne croyait plus un mot» venant de ceux qui disent que seul un vote valable va clore la Question. Ce qu’Anne-Caroline Graber (UDC, LaNeuveville) a traduit par: «Trop souvent le canton du Jura négocie avec le nôtre selon l’adage ‹ce qui est à nous est définitivement acquis; ce qui est à vous est négociable›.»

Au micro pour conclure, le conseiller d’Etat Pierre Alain Schnegg, responsable des Affaires jurassiennes, a rappelé que le concordat en cas de départ de Moutier ne sera signé que lorsque le canton voisin aura fait table rase de ces deux articles, histoire «que le Jura n’ait plus besoin de devoir défendre son intégrité territoriale».

Dans la Constitution jurassienne
* Art. 138 (aucune garantie fédérale) «La République et Canton du Jura peut accueillir toute partie du territoire jurassien directement concerné par le scrutin du 23 juin 1974 si cette partie s’est régulièrement séparée au regard du droit fédéral et du droit du canton intéressé.»
* Art. 139 (garantie fédérale, mars 2015) «Le Gouvernement (réd: jurassien) est habilité à engager un processus tendant à la création d’un nouveau canton couvrant les territoires du Jura bernois et de la République et Canton du Jura, dans le respect du droit fédéral et des cantons concernés.»

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