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Jura bernois

Patis naturelles, patrimoine en péril

Comme l’anarchisme, la torrée, la gentiane, la tête-de-moine et l’ex-cheval de Bellelay, elles sont notre capital

  • 1/4 A Sonceboz, on ne devrait pas vous refuser un grog pour autant... M.Bassin
  • 2/4 La canule, objet de toutes les attentions. M. Bassin
  • 3/4 La petite commune de Saules: un exemple pour les grandes! M. Bassin
  • 4/4 Crémines: sans conteste la Rolls-Royce des patinoires naturelles du Jura bernois. M. Bassin
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Pierre-Alain Brenzikofer

Le Jura bernois, on ne le sait que trop, est une terre placide. Une éponge et même un punching ball, trop souvent enclin à encaisser les coups sans réagir. Tenez! il ne lui serait certes pas venu à l’idée de mettre une AOC sur la gentiane comme d’aucuns l’ont fait avec une prune surestimée pourtant venue tout droit de Damas et peut-être même d’Alep. Et que dire de cette tête-de-moine dont on jurera bientôt qu’elle est née à Saignelégier?Fatalement, cette région ne proteste pas quand des révisionnistes assènent froidement que le berceau de l’anarchisme se situe dans les Franches. Les stakhanovistes horlogers de Sonvilier et Saint-Imier, dont les créations sont pourtant présentes sur les cinq continents, auraient-ils de surcroît honte de leur histoire? On ne va certes pas en faire un gruyère d’alpage (AOC, dans ce cas), comme dirait le Marcel Bühler du Bois Raiguel. A défaut, si on entrait enfin dans le vif du sujet, nous souffle-t-on de toutes parts! Mention émue de toutes ces patinoires naturelles. Si elles sont véritablement l’apanage de la région Jura bernois, elles n’en vivent pas moins des heures extrêmement difficiles. Facéties du climat, «évolution» de la pratique du hockey sur glace, raréfaction des gicleurs impénitents et parfois même des patineurs: l’époque n’est pas propice à ces pistes qui, il n’y a pas si longtemps, constituaient le lieu de rendez-vous par excellence de toute la communauté villageoise.

Heureusement, à l’image d’un célèbre village gaulois, d’aucuns résistent farouchement au temps, envahisseur barbare qui n’en finit pas de progresser dans la mauvaise direction. On a tenté d’en dresser la liste avec émotion et nostalgie.

Le sel de Crémines

A tout seigneur, tout honneur! Forcément, on se devait de commencer ce tour d’horizon par Crémines, où Didier Ziehli, président du club de hockey et gicleur en chef, est toujours enclin à se battre contre tous les moulins du monde: «Nous sommes ouverts depuis vendredi. Mais comme ça fond un peu en journée, mieux vaut venir le matin tôt et en soirée», précise-t-il.

Ah! la patinoire de Crémines.La seule à posséder des bandes dignes de ce nom et à être accessoirement aux normes côté surface pour organiser un match de hockey. «Bon, ça serait difficile, prédit notre président. D’abord parce qu’il faudrait demander une dérogation à la ligue. Ensuite parce qu’il n’est pas sûr que l’adversaire accepterait de nous affronter sur une telle surface.»

Damned! il n’y a pas si longtemps, on connaît des équipes qui se seraient déplacées à pied pour avoir la chance d’évoluer sur une piste naturelle. Hockey régional, où vas-tu? A part ça, il est toujours possible de venir avec cannes et puck à Crémines. La surface réservée aux slappeurs évolue en fonction de l’affluence.

Le chic de Sonceboz

A Sonceboz, on met également tout en œuvre pour maintenir une sacrée tradition. «Las, le club de hockey n’existe plus, rappelle Fernand Hirschy, l’un de ses historiques présidents. Mais grâce à l’équipe de Pati-sympa, la piste est toujours en activité.»
Elle l’est ainsi depuis lundi et carbure à plein régime, de jour comme de nuit. Fernand Hirschy, qui regrette amèrement la disparition du club de hockey – «Il n’y avait plus de relève, comme dans moult sociétés» –, salue par contre comme il se doit les efforts de Pati-sympa pour maintenir une activité au village, aussi importante pour les kids que pour les adultes: «Ils n’ont nul besoin d’aller voir ailleurs. Et puis, notez bien que nous disposons d’une buvette avec WC», insiste Fernand Hirschy. C’est noté, on passe boire un thé.

Court toujours

Avec les années, on les avait un peu perdus de vue, les mythiques hockeyeurs du CPCourt. Alors, autant téléphoner à La Calèche, chez l’inoubliable Francis Lardon: «Bon, tu me prends de court (c’est le cas de le dire, ndlr.). Rappelle plus tard quand mon fils sera là. Il est membre du club.»
Il est vrai qu’avec un genou qui lui fait des misères, le grand Franz n’a même pas pu participer au match des vieilles gloires marquant le 75e anniversaire du HC Bienne. Alors, forcément, il ne monte plus pucker sur les hauts de Court non plus. Ce qui ne l’empêche pas de regretter le bon vieux temps: «Quand je pense que même Dan Poulin est venu évoluer sur notre piste. C’était il y a dix ans.Peut-être quinze...» Nostalgique, Francis Lardon? Il peut! Didier Lardon, son cuisinier de fils, estime pour sa part que la patinoire devrait être ouverte: «On la gicle depuis samedi soir, alors...»

Membre du club de hockey local, l’intéressé n’évolue plus à domicile avec ses potes depuis belle lurette:«Il serait aujourd’hui impossible d’organiser un match.La surface de jeu a été réduite pour les besoins du skater hockey. Alors, quand elle est praticable, elle sert surtout aux gosses du village. Le CP Court ne l’utilise plus.»
Et en soirée, avec cette magnifique buvette? «Bon, ce n’est plus comme avant, déplore notre interlocuteur. La pati est surtout utilisée l’après-midi.»
A part ça, lors du passage de notre photographe, hier, la glace de Court n’était pas encore terrible, terrible.Elle n’en sera que meilleure aujourd’hui. Le plus simple, c’est d’aller voir. Elle n’est tout de même pas à Montoz, cette piste!

Clair et Reuchenette

A proximité immédiate de l’autoroute, dans le coin le moins ensoleillé du Jura bernois, la patinoire de Reuchenette bénéficie de surcroît de températures qui conféreraient à celles de La Brévine des allures de Miami Beach.
Le soussigné se souvient d’y avoir eu les pieds gelés lors d’un match Reuchenette-Tavannes où, froid persistant aidant, la glace atteignait presque le sommet des bandes.

Depuis longtemps, toutefois, ce lieu ne vit plus aux exploits du colossal Heinz Staudenmann – le seul coach à avoir entraîné Sonceboz en anglais – et du rusé Bernard Sartori. Signe des temps, c’est même le Moto-Club local qui s’occupe de la glace et de la cabane.Une surface de glace une fois de plus réduite et sans bandes. Mais toujours à disposition de 13h30 à 17h30, selon le site de la pétaradante société précitée.

Saules rieurs

Contrairement à Saicourt qui fait la grève, la patinoire de Saules est prête à accueillir la multitude. «Elle est effectivement ouverte, nous confirme Régine Gafner, une voisine qui a fenêtre sur rink. Grâce à Stéphane Weber et une belle équipe de parents, on peut s’y ébattre de jour comme de nuit.»

La solidarité dans les petits villages, c’est toujours quelque chose! Comme quoi, entre deux visites aux téléskis régionaux, il n’est surtout pas interdit de rallier l’une de ces magnifiques pistes naturelles. Même pas besoin de savoir jouer à l’Homme noir! Ou patiner en arrière...

En panne de glace pour l'instant

Maudite neige  Même si Bévilard n’a pas de tradition de hockey – les mordus du lieu jouaient tous chez les fous de Court –, le village n’en possède pas moins une solide tradition de patinoire naturelle. Vous savez: en dessus de l’Hélios direction Montoz! Serait-ce dû à l’immersion dans Valbirse, toujours est-il qu’on ne patine pas cette année à Bévi. «C’est plutôt la faute à la neige, précise aimablement le cantonnier chef André Lüthi. A Bévilard, avant de gicler, il faut enlever toute la neige – tiens, à Tavannes, c’est juste le contraire. Or, cette année, avec ces chutes massives, nous avons été surtout occupés à l’enlever dans les rues du village. Et après, comme il faut quand même plusieurs jours de grand froid, nous n’avons rien tenté.»
Précision d’importance, on a préféré se concentrer sur le télébob et le téléski des Orvales, qui n’avaient plus fonctionné durant des années. Avec la semaine blanche, ce choix était somme toute judicieux. Pour en revenir à la pati, on avance dangereusement dans la saison. Mais on ne sait jamais...
Sacrée semaine blanche  A Tavannes, les mauvaises langues grommellent depuis des décennies qu’on a placé la patinoire à côté des écoles – l’endroit le plus ensoleillé du village, donc – uniquement pour le confort des profs. Pire encore: il y a a de cela 40 ans environ, on a jugé très futé de goudronner la surface de la pati. Rien de tel pour faire fondre la glace, donc. Par conséquent, pour que les installations fonctionnent, il faut beaucoup de neige et pas trop de soleil.
Comme cette année?
«Eh bien, répond Olivier Guerne, le dynamique secrétaire municipal, à Tavannes, ce sont les profs qui se chargent de gicler. Or, cette semaine, c’est semaine blanche...» Tout est dit.
Comme il nous reste quelques lignes, sachez que la patinoire de Saicourt n’est pas en service. On compte sur Rinaldo Tomaselli, historien de la défunte Société des Sports Saicourt, pour réagir depuis Istanbul! Quant à l’étang de Bellelay, il est interdit de patinage. Un dossier pour le maire. Après le Tricentenaire...

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