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Les Quatre bornes

«On peut très bien les recycler»

Parmi les arguments des opposants, les éoliennes, en particulier les pales en fibres de carbone, seraient quasi indestructibles, donc non recyclables. Une affirmation aussi légère que le vent.

Le recyclage des pales est complexe, mais devrait être rentable. Photo:Archives

par Philippe Oudot

En vue de la votation du 27 septembre à Sonvilier, les adversaires du projet de parc éolien font feu de tout bois pour inciter les citoyens à refuser le projet. Si certains arguments sont incontestables – en particulier l’impact sur le paysage –, d’autres le sont nettement moins. Qu’il s’agisse de la production d’énergie grise ou de recyclage des matériaux, lorsque le parc éolien sera arrivé en fin de vie.
Selon certains adversaires, si les parties en acier, qui constituent plus de 85% des aérogénérateurs, peuvent être facilement recyclées, tel ne serait pas le cas des pales, constituées de fibres de carbone. Un matériau quasi indestructible. Aux Etats-Unis par exemple, les pales en fibres de carbone seraient tout simplement mises en décharge.

Opérations complexes
S’agissant de l’énergie grise – c’est-à-dire de l’énergie nécessaire à la fabrication, au transport, au montage et à l’entretien des machines –, celle-ci est compensée en moins d’une année, alors que la durée de vie d’une éolienne est d’au moins 20 ans. «Dans ce calcul, on tient également compte de l’élimination des pales qui, une fois broyées, peuvent être brûlées dans de grands incinérateurs. Elles peuvent donc être valorisées sous forme de chaleur», indique Lionel Perret, directeur de Suisse Eole.
Mais il y a mieux à faire pour valoriser ces pales. En effet, explique Giovanni Terrasi, directeur du Laboratoire «Materials and Engineering» de l’EMPA (Laboratoire fédéral d’essai des matériaux et de recherche), la fibre de carbone est un matériau qui vaut la peine d’être recyclé et récupéré, quand on sait qu’elle se vend à quelque 50fr. le kilo. Il relève toutefois que les opérations sont complexes et pas très faciles à réaliser.
En fait, précise-t-il, il existe différentes méthodes pour y parvenir. Acommencer par la pyrolyse. Cela consiste à brûler la matrice dans un four spécial à haute température dans lequel règne une atmosphère inerte contrôlée composée d’azote, ce qui évite la combustion des fibres. «Cette méthode a été développée il y a une vingtaine d’années, afin de pouvoir récupérer ce matériau qu’on utilise dans l’aéronautique depuis les années80 et qui est de plus en plus employé», note Giovanni Terrasi.

Nouvelles approches
Le recyclage peut aussi se faire par solvolyse, c’est-à-dire par voie chimique en utilisant des solvants qui attaquent et éliminent la matrice en résine époxy, afin de récupérer les fibres de carbone. Al’EMPA, notre interlocuteur travaille sur une nouvelle approche: «Il s’agit d’enzymes capables de ‹dépolymériser› la matrice en époxyde. Mais pour le moment, nous n’en sommes encore qu’au stade de larecherche fondamentale»,explique-t-il.

Fibres naturelles
En France, à l’Ecole nationale supérieure des Mines (IMT)d’Albi, des chercheurs travaillent sur un autre procédé, appelé «vapo-thermolyse», qui combine la pyrolyse et la solvolyse. Selon ces spécialistes en chimie des polymères et matériaux, il s’agit d’un des procédés parmi les plus prometteurs au monde. Ils utilisent de la vapeur d’eau surchauffée qui agit comme un solvant et induit des réactions chimiques de dégradation, explique Yannick Soudais, l’un des chercheurs.
De son côté, Lionel Perret souligne que des développements sont également en cours dans les méthodes de fabrication des pales. Dans un laboratoire au Danemark, véritable patrie de l’énergie éolienne, des spécialistes effectuent des recherches en utilisant des fibres naturelles, plutôt que des fibres de carbone, dans la fabrication des pales, ce qui permettrait d’en faciliter le recyclage.
De son côté, l’expert Florian Part, chercheur au BOKU (Universität für Bodenkultur de Vienne) voit toutefois certaines limites à l’utilisation de fibres naturelles en raison de leur résistance nettement inférieure à celle des fibres de carbone. Il imagine plutôt une combinaison des deux matériaux, le carbone étant utilisé pour les éléments les plus fortement sollicités sur le plan mécanique.

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