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Pont d’Amour sort de l’oubli

Les cartes topographiques sont pareilles à de vieux grimoires

Entre les communes de Tavannes et de Reconvilier, la Birse passait officiellement sous Pont d’Amour jusqu’en 1916. Blaise Droz

Blaise Droz

Si vous êtes curieux de nature, vous l’êtes forcément également de géographie et de toponymie. Dans ce cas, une visite du site internet de Swisstopo s’impose le plus naturellement du monde.

Chacun trouvera son plaisir dans la vaste offre culturelle qu’offre ce site formidablement bien fait, mais à coup sûr le «voyage dans le temps» auquel on accède par un seul clic depuis la page d’accueil vaut que l’on s’y arrête. Les cartes numérisées qui y figurent permettent d’accomplir un retour en arrière de 175 ans. Un curseur situé en haut de l’écran permet de se déplacer entre 1844 et 2013.

Jusqu’en 1865, on découvre les vieilles cartes Dufour qui ne connaissent pas encore les courbes de niveau, mais qui représentent les pentes par des hachures. La carte Siegfried arrive ensuite et introduit les courbes de niveau. En outre, elle est publiée en trois couleurs. En 1952 apparaissent les nouvelles cartes qui introduisent le vert pour les forêts.

Depuis le début, les cartes topographiques reportent un certain nombre de lieux-dits en plus des noms de localités, de rivières et de montagnes.

En faisant défiler le curseur du temps, on découvre que des noms apparaissent et disparaissent au gré des modes, de l’urbanisation et sans doute aussi de la volonté politique du moment. L’orthographe aussi connaît ses variations.

Eglise de Chindon

Sur la première carte Dufour de 1845, on découvre entre Tavannes et Reconvilier le hameau de Chindon écrit dans la même taille que les villages voisins. Dès 1871, Chindon a son église St.Léonard reportée sur la carte, mais ce n’est qu’en 1916 qu’apparaîtra l’orthographe Chaindon. Dès 1871, la région est cartographiée selon le modèle Siegfried.

A partir de cette date et jusqu’en 1909, Tavannes s’appelle également Dachsfelden et Reconvilier Rockwyler. Les noms allemands sont écrits en maigre et entre parenthèses. Notons encore qu’à cette époque, les bornes indiquant le nombre de lieues jusqu’à Berne sont indiquées sur les cartes.

Etrange frontière

Mais entre Reconvilier et Tavannes, on est surtout frappé par le plus charmant des lieux-dits qui apparaît aussi déjà en 1871: il s’appelle Pont d’Amour. C’est l’endroit précis où la Birse traverse la route cantonale et la voie de chemin de fer. C’est également à cet endroit que passait la frontière séparant les communes de Tavannes et Reconvilier, un peu comme le fleuve Amour sépare la Chine de la Russie.

Alors que les anciens conservent la mémoire des bagarres épiques qui opposaient les garnements de deux communes, on peut se demander si ce lieu-dit ne contenait pas, sous-jacent, un rien d’ironie. Toujours est-il qu’à partir de 1916, patatras! Pont d’Amour disparaît, remplacé par La Vauche. Enfin beaucoup plus tard, survient un nouvel outrage. Au début du 21e siècle, un remaniement parcellaire apporte plusieurs modifications, dont un déplacement de la frontière communale.

La ferme de La Vauche est occupée par Tom Gerber, l’agriculteur et politicien bien connu. Jusqu’au remaniement, il habitait Route de Tavannes à Reconvilier mais sa porcherie, juste à côté, était située Route de Reconvilier à Tavannes.

«Evidemment, une Route de Reconvilier à Reconvilier, ça ne fonctionne pas. Il fallait forcément changer quelque chose et j’avais proposé de choisir comme nom officiel soit La Vauche (comme le lieu-dit) ou alors Pont d’Amour parce que j’avais vu ce nom sur de très vieux plans de cadastre. C’est cette seconde proposition qui a été choisie et depuis-là, j’habite à Pont d’Amour», explique-t-il avec malice!

Plein de découvertes de ce genre sont encore possibles sur www.swistopo.admin.ch.

De Montoz, on y voit mon hameau

Variations Jusqu’en 1915, la montagne qui borde la vallée de Tavannes au sud s’appelait Monto. Sur les cartes Siegfried qui détaillent la Suisse et ses particularités géographiques autant que toponymiques, le Z final n’apparaît qu’à partir de 1916. C’est le cas de Sur Montoz entre Tavannes et Reconvilier et pour Montoz appliqué au reste de la chaîne.

Ce changement est également apparu à la Fin sur Montoz à Sorvilier et au Pâturage sous Montoz à Reconvilier. Sur la commune de Péry, la Maison Brotheitere à Montoz subit la même mutation. D’un coup, d’un seul, la nouvelle orthographe a balayé l’ancienne. Mais cette belle montagne réserve d’autres surprises.

Les gens du bas de la Vallée étaient-ils réfractaires au nom Montoz? Aura-t-on voulu les forcer à l’adopter de manière un peu autoritaire? On peut le penser en découvrant qu’en 1929, la Métairie de Malleray devient Montoz de Malleray sur les cartes officielles. Simultanément, la Bergerie de Bévilard devient Montoz de Bévilard, la Montagne de Sorvilier s’appelle du même coup Montoz de Sorvilier et la Métairie de Court change aussi sec pour Montoz de Court.

C’est peu dire que le service topographique de la Confédération a bien enfoncé le clou! Mais cela n’a pas dû plaire à tout le monde sur la crête puisque dès l’apparition des nouvelles cartes de 1954, ce sont les anciens noms qui réapparaissent. Bergerie, Montagne et Métairie sont de retour.

vacherie Au nord du Vallon voisin, sur la Montagne du Droit, on trouve jusqu’en 1916 la Vacherie de Saint-Imier, une ferme parmi d’autres. L’année d’après, en 1917, ce nom a disparu, remplacé par... Mont-Soleil. Alors qu’à cette même période, Saint-Imier est également nommé par son nom allemand St.Immer, Mont-Soleil ne sera jamais accompagné de son nom allemand Sonnenberg qui, pourtant, figurait sur les publicités pour cette station de vacances.

Le funiculaire lui apparaît déjà sur la carte de 1916, mais sa mise en service justifie certainement l’apparition du nouveau lieu-dit, bien plus encourageant pour les touristes que Vacherie.

Dans ce même secteur, on remarque encore que Le Sergent s’est appelé jusqu’en 1916 Au Sergeant.

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