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Paysans au fil des saisons (1)

«Pour nous, la station est une chance!»

Agriculteur établi à même le domaine skiable des Savagnières, Jean-Philippe Binggeli jongle entre sa ferme et les pistes. Une double casquette qui lui permet, comme à d’autres paysans, de mettre du beurre dans ses épinards.

  • 1/4 Au départ du téléski du Plan-Marmet, Jean-Philippe Binggeli accueille toujours les sportifs avec le sourire. Photo:Stéphane Gerber
  • 2/4 En hiver, Jean-Philippe Binggeli jongle entre le travail à l’écurie et les pistes de ski où il s’attelle notamment à préparer la station en début de saison, mais aussi à aider skieurs et snowboarders au départ du téléski. Photo:Stéphane Gerber
  • 3/4 En hiver, Jean-Philippe Binggeli jongle entre le travail à l’écurie et les pistes de ski où il s’attelle notamment à préparer la station en début de saison, mais aussi à aider skieurs et snowboarders au départ du téléski. Photo:Stéphane Gerber
  • 4/4 En hiver, Jean-Philippe Binggeli jongle entre le travail à l’écurie et les pistes de ski où il s’attelle notamment à préparer la station en début de saison, mais aussi à aider skieurs et snowboarders au départ du téléski. Photo:Stéphane Gerber
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  • Dossier

De mois en mois
Terre d’industrie, mais aussi de paysannerie, le Jura bernois ne compte pas moins de 560 exploitations agricoles. Sept jours sur sept, sous le soleil comme sous la pluie, nombreux sont les hommes et femmes qui s’activent pour faire tourner ces fermes qui vivent au fil des saisons. Curieux de découvrir le quotidien de ces agriculteurs si précieux à notre économie, Le Journal du Jura est parti à leur rencontre. L’occasion de vous dévoiler, tout au long de l’année et à raison d’une fois par mois, les contours d’un métier aussi essentiel que tributaire de dame nature.

 

Catherine Bürki

Sur les pistes des Bugnenets-Savagnières, il est connu comme le loup blanc, ou presque, Jean-Philippe Binggeli. Le bonnet vissé sur la tête, le sourire aux lèvres, c’est toujours dans la bonne humeur qu’il s’attelle à aider les skieurs à prendre le départ du téléski du Plan-Marmet. Employé du domaine skiable pour la 44eannée d’affilée, l’homme de 61ans s’y active toute la semaine, de 8h30 à 16h30. Des journées de travail au cœur de l’hiver qui, pour lui, ne se soldent toutefois pas par un bon thé chaud au coin du feu... Travailleur en station  de ski, mais surtout paysan, c’est à l’écurie qu’il commence chacune de ses soirées.

Revenu complémentaire
«Durant la saison de ski, je commence chaque journée par des travaux à la ferme, dès 5h du matin. En rentrant de la station, je retourne à l’écurie où je termine vers 19h.» Installé dans la cuisine de La Savagnière, son exploitation située sur les pistes du domaine du même nom, à tout juste 400m du départ du téléski du Plan-Marmet, Jean-Philippe Binggeli a le sourire. S’il ne cache pas que ses journées peuvent se révéler harassantes, cet enfant de Tramelan venu s’installer sur les hauteurs de Saint-Imier il y a plus de 30 ans ne prend guère le temps de s’en émouvoir. «Pour les paysans du coin, la station est une chance!», argue-t-il plutôt.

Comme beaucoup de ses confrères du Vallon de Saint-Imier ou du Val-de-Ruz, c’est par nécessité que Jean-Pierre Binggeli jongle entre sa ferme et les pistes. «Cette activité me permet de profiter de la période creuse de l’hiver pour m’assurer un revenu complémentaire dont j’ai besoin.»

Avec les 70 hectares du domaine qu’il loue à la commune de Val-de-Ruz, qui en est propriétaire, l’agriculteur peine à joindre les deux bouts. «Lors de la saison d’estivage, je prends une soixantaine de vaches et une quarantaine de génisses en pension», explique celui qui officie aussi comme berger sur deux pâturages voisins, où il s’occupe d’environ 150 bêtes. «Malgré les contributions d’estivage (ndlr: paiements directs versés aux paysans à titre de subvention par la Confédération et le canton) la situation reste un peu difficile. Comme je n’ai que 35 génisses à garder en hiver, je profite donc de travailler à la station.»

Doublement tributaire
Pour mettre du beurre dans les épinards, ce mari et père de deux enfants aujourd’hui adultes explique avoir exploré différentes pistes. Plus jeune, il s’est notamment adonné à des travaux de bûcheronnage. «Ma femme a également travaillé en dehors de l’exploitation.»

Se diversifier dans le milieu de l’agriculture? «Ici, nous sommes à 1185 mètres d’altitude. Le sol n’est pas adéquat à la plantation de culture», note-t-il, précisant avoir possédé ses propres bêtes par le passé. «Mais mon domaine ne me permettait d’avoir qu’un petit contingent et, du fait que l’exploitation est un peu isolée, le transport du lait était très compliqué en hiver.» Et d’estimer que son emploi au Bugnenets-Savagnières est une bonne formule: «Cette activité est flexible et se combine bien avec le travail à la ferme.»

Si, comme tout paysan, Jean-Philippe Binggeli est tributaire de la météo, ce dernier l’est doublement de par son activité au domaine skiable. Lorsque la saison est bonne, il y réalise ainsi 20 à 30% de son revenu annuel total. «Mais il faut aussi mettre de côté pour compenser les mauvais hivers», glisse-t-il, se remémorant des saisons avec quelques jours d’ouverture seulement.

Si cette instabilité et la dureté des journées mettent parfois l’agriculteur à rude épreuve, ce dernier assure éprouver une réelle satisfaction à œuvrer aux Bugnenets-Savagnières. Et plus précisément au téléski du Plan-Marmet, où il s’occupe la plupart du temps de donner les archets. «Ce téléski est très fréquenté des débutants et des familles», glisse-t-il en confiant avoir du plaisir à rencontrer et aider les skieurs. «Cela fait 30 ans que je m’occupe de ce téléski qui passe juste à côté de chez moi. J’y suis un peu attaché», sourit-il, prêt à rechausser ses skis pour regagner la station.

Revenu accessoire, une généralité?
Plus de 60%  Loin d’être un cas isolé, Jean-Philippe Binggeli n’est pas le seul agriculteur à devoir s’adonner à une seconde activité pour compléter les revenus familiaux. Selon Bernard Leuenberger, propriétaire d’une exploitation à Court et président de la Chambre d’agriculture du Jura bernois (CAJB), plus de 60% des paysans de la région se voient contraints de trouver un revenu accessoire pour mettre du beurre dans les épinards. «Le prix de vente de nos produits ne cesse de baisser et les normes de protection de l’environnement et des animaux se durcissent de plus en plus, ce qui nous oblige à investir dans de nouvelles infrastructures. Dans ce contexte, vivre uniquement du revenu agricole devient difficile. Sans second emploi, beaucoup n’arriveraient pas à joindre les deux bouts», relève-t-il.

Si la situation touche alors tous les types de domaines agricoles, le président de la CAJB constate que les agriculteurs vivant de la vente de lait pour l’industrie sont particulièrement touchés. «Sans l’aide des paiements directs versés par la Confédération et le canton, le prix de vente ne couvrirait pas les frais de production», regrette-t-il. «Pour que les agriculteurs puissent vivre dignement de leur métier, il serait temps de fixer un meilleur prix pour leurs produits de base!», argue le président.

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