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Tribunal régional

Prison pour le «caïd du quartier»

30 mois fermes pour un homme coupable de brigandages

Le tribunal a largement tenu compte du passé de récidiviste de l’accusé. Archives

Didier Nieto

«Stupidité», «lâcheté», «mépris des règles du vivre-ensemble et de l’ordre établi». Le président du Tribunal régional de Bienne Maurice Paronitti n’a pas mâché ses mots pour qualifier les délits d’Ivan*. Ce ressortissant macédonien de 25 ans a comparu mercredi pour une série de crimes commis entre septembre 2011 et juin 2014 à Bienne et dans la région: brigandage, extorsion, abus de confiance, menaces et injures... (notre édition de jeudi). Le méfait le plus grave remonte au mois de mai de l’année passée. Se faisant passer pour des policiers, Ivan et un acolyte ont dérobé les téléphones portables et le contenu des porte-monnaie de deux adolescents. Ils ont ensuite menacé leurs victimes de leur «tirer une balle entre les yeux».
Composé de trois juges, le tribunal a reconnu le prévenu coupable de pratiquement tous les chefs d’accusation. Ivan a été condamné  à 30 mois de privation de liberté pour ses crimes les plus graves (brigandage, extorsion et abus de confiance). Cette peine s’accompagne de 150 jours-amendes (à 30fr.) pour les autres délits, notamment tentative de vol ou conduite sans permis. Le détenu devra aussi s’acquitter d’une amende de 300fr. pour consommation de cannabis. Les huit mois d’emprisonnement déjà effectués par Ivan seront déduits de sa peine de prison. Il est incarcéré depuis le mois de juin en raison du risque de récidive.

Passé accablant

La récidive, justement, a pesé lourd dans la balance. Ivan a déjà été condamné avec sursis à des peines pécuniaires en mars 2012 et en septembre 2013 (pour coups et blessures entre autres). Deux sursis que le tribunal  a d’ailleurs décidé de révoquer hier. «Le prévenu nous a imploré de lui donner une nouvelle chance. Or, il en a déjà gâché trois. Il a trahi les autorités, mais aussi sa famille», a asséné Maurice Paronitti, qui a pointé le comportement agressif du prévenu alors même qu’une enquête était ouverte contre lui. En mai 2014 par exemple, Ivan a menacé un contrôleur de bus de lui couper la tête. «Ce qui relève de l’idiotie et du mauvais goût évidents quand on sait ce qui se passe dans le monde en ce moment», a déploré le président.
Sa crédibilité «globalement limitée» et son manque de coopération durant la procédure ont aussi joué en sa défaveur. «Ses déclarations manquaient de cohérence. Et il a admis certains faits uniquement après les avoir longuement contestés», a rappelé Maurice Paronitti.

«Mobile égoïste»

Mercredi, Ivan avait justifié ses vols pour financer sa consommation de cannabis. «Le véritable mobile, c’est son égoïsme, a tancé Maurice Paronitti. Rien ne l’obligeait à agir comme il l’a fait. Il a d’ailleurs reconnu que l’argent versé par l’aide sociale était suffisant pour lui et sa famille.»
Plus que le «maigre» butin amassé par Ivan (moins de 4000fr. au total), le tribunal a  surtout retenu les conséquences psychologiques causées aux lésés, principalement des mineurs. «Le mode opératoire était lâche. Il profitait de son âge, de sa carrure et de la crainte qu’il inspirait en raison de sa réputation pour s’en prendre aux plus jeunes», a blâmé le président.

Gravité relativisée

A l’issue de l’audience, le Ministère public, représenté par le procureur Gschwind, avait requis une peine de prison de 48mois. Le tribunal ne s’est pas aligné sur cette sanction en raison de la gravité «relative» des brigandages. «Le prévenu n’a pas utilisé d’arme ou usé de violence physique. Il s’agit de brigandage sous sa forme la plus bénigne.» Un argument qu’avait précisément avancé Maître Nobs, l’avocat d’Ivan commis d’office, pour demander une peine de prison de 18 mois seulement. L’accusé a en outre été acquitté dans un cas de brigandage et un autre de vol.
Le tribunal a par ailleurs pris en considération la repentance du détenu. Aux regrets exprimés lors de l’audience s’ajoutent des lettres d’excuse et des reconnaissances de dettes adressées à au moins trois de ses victimes. «Le prévenu semble avoir mûri en prison. La détention peut avoir eu l’effet d’un électrochoc salutaire», a espéré Maurice Paronitti.
En revanche, le tribunal n’a pas goûté aux multiples allusions faites par Ivan à son fils âgé d’un peu plus d’une année. Le détenu avait confié souffrir de l’éloignement depuis qu’il est incarcéré. «C’est d’une lâcheté inacceptable, a fustigé Maurice Paronitti. Vous étiez déjà père quand vous avez récidivé. Vous avez préféré jouer les caïds du quartier plutôt que de vous occuper de votre famille. Au lieu de trouver un travail, vous avez privilégié la consommation de cannabis et l’oisiveté.»
Ivan n’a pas manifesté de réaction particulière à la lecture du verdict. A l’issue de l’audience, il est sorti en silence de la salle, menotté et escorté par deux policiers. Il a été reconduit en prison, où il continuera donc de purger sa peine.
* Nom connu de la rédaction

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