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Programme fitness pour les bâtiments

Un large comité de soutien défend la révision de la loi bernoise sur l’énergie, attaquée par référendum. Elle vise à augmenter l’efficacité énergétique et à favoriser les énergies renouvelables.

Aujourd’hui, investir dans des panneaux photovoltaïques est désormais tout à fait rentable. archives

Par Philippe Oudot

Sécheresse, fonte des glaciers, érosion des sols, hécatombe de poissons dans les cours d’eau, maigre production agricole, hausse des prix de l’énergie: «L’été dernier, nous avons pu voir quelles seront conséquences du changement climatique à l’avenir si nous ne faisons rien.» C’est le constat dressé hier à Berne par Regula Rytz, conseillère nationale et présidente des Verts suisses, à l’occasion de la conférence de presse organisée par le comité interpartis «Oui à la loi bernoise sur l’énergie».

Une loi dont la révision, largement adoptée par le Grand Conseil, a été attaquée par référendum par l’Association des propriétaires fonciers (APF), avec l’appui de l’UDC et du PLR. Elle bénéficie en revanche du soutien de presque tous les autres partis, les organisations écologiques, mais également d’une partie des milieux de l’économie, ainsi que des communes.

Peut faire mieux
Berne est aujourd’hui déjà un canton progressiste en matière d’efficacité énergétique et d’énergies renouvelables, mais il a le potentiel d’en faire plus si on veut respecter les engagements pris dans le cadre de l’Accord de Paris pour limiter le réchauffement climatique, a souligné Jan Gnägi, député et président du PBD. «Cette révision permet ainsi au canton de consolider son rôle de pionnier.»

Concrètement, la loi sur l’énergie s’attelle au domaine où les cantons ont le plus d’influence, a observé Regula Rytz. Asavoir l’efficacité énergétique et les émissions de CO² du parc immobilier, qui représente plus de 40%de la consommation énergétique: «La loi bernoise est donc un programme de fitness pour les bâtiments et une contribution importante pour protéger le climat.»

Bon pour l’économie
Pour Jan Gnägi, le canton doit donc saisir sa chance et montrer la voie. Il est d’ailleurs bien positionné dans ce domaine, avec de nombreuses entreprises actives dans les énergies renouvelables. «L’économie a donc tout à gagner avec l’adoption de cette loi.»

Un argument aussi défendu par le député PLRde Brienz Peter Flück. Celui-ci a pris l’exemple de sa région, l’Oberland, dont le tourisme est l’atout majeur, mais qui est directement menacé par le réchauffement climatique. Il a ainsi plaidé pour le développement des énergies vertes, soulignant que sa région disposait d’un gros potentiel, avec l’hydroélectricité, l’éolien et le solaire. «A elle seule, l’énergie photovoltaïque permettrait de couvrir 62%de nos besoins en électricité.» Qui plus est, a-t-il ajouté, «nous avons de nombreuses PMEsont actives dans ce secteur des énergies renouvelables. Il est donc temps de changer les mentalités, d’autant que pour les propriétaires de bâtiments, la révision de la loi ne leur coûtera rien de plus, bien au contraire.»

Spécialiste en technique du bâtiment, le conseiller national Jürg Grossen, par ailleurs président des Verts libéraux, a rappelé que de grands progrès avaient été réalisés ces dernières années dans le domaine de l’efficacité énergétique grâce à la digitalisation et aux innovations technologiques. L’énergie photovoltaïque est désormais rentable, et nombre de bâtiments deviennent énergétiquement autosuffisants, voire producteurs d’électricité. Dans ce contexte, il a estimé que «la révision de cette loi, pragmatique et nullement révolutionnaire, est non seulement nécessaire pour protéger le climat, mais elle est favorable aux entreprises et est indispensable pour les générations futures».

Une aberration
De son côté, la députée socialiste Kornelia Hässig a rappelé qu’«utiliser les énergies fossiles pour se chauffer est un non-sens, tant d’un point de vue écologique qu’économique. C’est d’autant plus aberrant que les énergies renouvelables permettent de créer des places de travail chez nous et participent à la création de richesses. De surcroît, on évite aussi de soutenir les régimes souvent corrompus des pays producteurs de pétrole en les arrosant avec nos milliards.»

Conseillère nationale et coprésidente du WWFBerne, Nadine Masshardt a particulièrement insisté sur la responsabilité de la société envers les générations futures. Faisant référence à la fonte accélérée des glaciers, elle a dit espérer «que lorsque mes deux enfants auront mon âge, ils pourront encore admirer celui de Grindelwald en marchant en direction de la cabane Gleckstein». Pour réduire l’impact du réchauffement climatique, a-t-elle poursuivi, l’assainissement énergétique des bâtiments est indispensable, sachant qu’ils génèrent 40%de la consommation énergétique globale et génèrent un tiers des émissions de CO². «Il faut donc accepter la révision de la loi, pas seulement pour que nos enfants puissent continuer d’admirer nos glaciers, mais également nos petits-enfants et nos arrière-petits-enfants!»

 

Un investissement judicieux

Si l’Association des propriétaires fonciers (APF) combat la révision de la loi, celle des propriétaires pour l’habitat durable soutient en revanche le texte. Hier, Daniel Gassmann, son président pour la région Mittelland, a souligné que beaucoup de membres de son association étaient conscients de leur responsabilité et qu’ils étaient disposés à assainir leurs bâtiments afin d’en réduire la consommation énergétique, et donc d’apporter leur contribution à une politique responsable en la matière.

Il a notamment contesté l’argument de l’AFP selon lequel la loi revenait à interdire totalement les chauffages à mazout. Si, a priori, les nouveaux bâtiments ne doivent plus être chauffés au mazout et qu’on pousse les propriétaires à choisir des énergies renouvelables lors du remplacement de vieux chauffages au mazout ou au gaz, «parler d’interdiction totale revient à induire en erreur les citoyens». Daniel Gassmann a aussi souligné qu’investir dans un mode de chauffage écologique devait aussi être considéré comme un investissement à long terme et qu’à l’heure où les taux hypothécaires sont avantageux, il était financièrement intéressant d’investir dans la rénovation des bâtiments.

Un argument également avancé par la députée Kornelia Hässig qui a rappelé qu’à l’instar de la Banque cantonale bernoise, beaucoup d’établissements proposaient des hypothèques à taux préférentiel pour réaliser des travaux d’assainissement énergétique. Et d’ajouter que pour les locataires, un appartement assaini et bien isolé était aussi intéressant, d’une part, parce que cela améliorait le niveau du confort, et d’autre part, parce que cela permettait de réduire les coûts de chauffage, donc les charges.

 

Une révision indispensable

Approuvée en mai 2017, la loi fédérale sur l’énergie mise sur des mesures visant à réduire la consommation d’énergie, à augmenter l’efficacité énergétique et à encourager les énergies renouvelables. L’objectif est que la consommation annuelle moyenne d’énergie par personne en Suisse diminue de 43% d’ici à 2035 par rapport à l’an 2000.

L’actuelle loi cantonale sur l’énergie prévoit déjà des mesures allant dans ce sens, mais celles pour réduire la consommation d’énergies fossiles et encourager les renouvelables ne suffiront pas à atteindre les objectifs de la Stratégie énergétique cantonale:d’ici à 2035, le chauffage des bâtiments devrait être produit pour au moins 70% à partir d’énergies renouvelables, et l’électricité, pour au moins 80%.

Sachant que le taux d’assainissement énergétique dans le secteur immobilier est de 1%, il faudrait un siècle pour assainir toutes les maisons. D’où la nécessité de cette loi pour respecter l’Accord de Paris, a insisté le comité interpartis.

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