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Histoire

Protéger la mémoire de nos industries

Joël Jornod, docteur en histoire et en sociologie, dirige depuis trois mois le Centre jurassien d’archives et de recherches économiques (CEJARE). L’occasion de revenir sur le travail de cette institution et sur son engagement envers l’histoire de la région.

Protéger les archives entrepreneuriales et économiques du temps qui passe et de l’oubli: telle est la mission que s’est fixée le CEJARE et que ses locaux, situés à Saint-Imier, permettent d’accomplir. Photo:Stéphane Gerber

Adrian Vulic

Depuis le mois d’octobre dernier, le CEJARE a trouvé un nouveau responsable en la personne de Joël Jornod. Docteur en histoire et en sociologie, passionné de longue date par l’histoire économique et industrielle, il succède à Philippe Hebeisen à la gestion de cette institution qui vise à recueillir, préserver et valoriser les archives des entreprises et des syndicats de l’Arcjurassien.

«L’archive d’entreprise a toujours été au cœur de mes travaux, et j’ai beaucoup suivi les activités du CEJARE dans le cadre de mon travail d’historien. Ce centre fait d’ailleurs œuvre de pionnier dans la mission qu’il s’est fixée, puisque les archives d’entreprises ont longtemps été quelque peu négligée», explique Joël Jornod.

Le papier à l’abri du temps
«L’archiviste travaille à la conservation des documents de deux manières. Il y a, d’abord, une dimension technique: de nombreux paramètres, l’humidité de l’air ou l’acidité du papier par exemple, sont à prendre en compte pour permettre à un document de traverser les années. La conservation se fait, ensuite, dans le classement de ces archives, qui leur permet d’être consultées facilement et donc de ne pas être oubliées», précise Joël Jornod.

La mission de conservation du CEJARE ne s’arrête d’ailleurs pas aux murs de ses locaux, puisque l’institution offre, aux entreprises qui font appel à ses services, de classer les documents sans qu’elles n’aient besoin de s’en séparer. Une façon, en quelque sorte, de prendre soin des archives de demain, ceci en permettant aux entrepreneurs d’adopter les bonsréflexes.

«Le travail des historiens et celui des archivistes sont très liés, et notre centre, dans la mesure où il porte ces deux casquettes, reflète assez bien le lien entre les deux professions. Nous accomplissons, en effet, aussi bien le travail de classement et de préservation des archives, que l’analyse de celles-ci à travers des travaux de recherche et des publications, explique Joël Jornod.

Une utilité dans le présent
Les vertus du CEJARE ne seraient-elles qu’historiographiques? Certainement pas, et probablement aujourd’hui moins que jamais: à une époque où les entreprises, et tout particulièrement celles attachées aux industries de luxe, jouent en permanence la carte de l’argument d’ancienneté, des archives bien dodues et une histoire documentée sont certainement devenus des arguments économiques non négligeables.

«Pouvoir prouver à leurs clients qu’ils disposent d’un savoir-faire  et d’une tradition peut être très utile pour les entrepreneurs. Le fait qu’une firme existe depuis deux cents ans, qu’elle soit parvenue à survivre et à former un lien avec le public et la région dans laquelle elle est établie, c’est un atout auquel les investisseurs sont sensibles et que les entreprises aiment mettre en avant», confirme Joël Jornod.

Poste taillé sur mesure
Tout, dans la biographie de Joël Jornod, semble le préparer au poste qu’il occupe depuis trois mois à la tête du CEJARE. Son attachement à l’Arc jurassien, bien sûr, région qu’il connaît pour y avoir grandi et étudié, mais, avant tout, sontintérêt quasiment inné pour le passé des entreprises et de leur lien avec le public.

Les différents travaux universitaires de Joël Jornod sont ainsi déjà empreints des thématiques que le CEJARE cultive depuis sa création en 2002. Traitant de l’entreprise, aussi bien selon l’aspect de ses employés que des consommateurs qu’elle s’efforce de séduire, les thèmes des recherches de l’universitaire prouvent certainement qu’il était tout taillé pour le poste.

Une passion pour le passé des industries qui ne pouvait d’ailleurs que trouver résonance dans une région qui s’est vue radicalement transformée par l’incroyable essor de l’horlogerie. Industrie que la structure du centre lui permet, d’ailleurs, de saisir de la façon la moins biaisé qui soit.

«Les archives cantonales, par exemple, peuvent également renfermer des documents concernant l’économie ou l’industrie. Seulement, celles-ci s’arrêtent, en quelque sorte, aux frontière politiques du canton, ce qui n’a évidemment pas été le cas de l’industrie horlogère», ajoute encore l’historien.

Et concernant l’avenir du CEJARE?

«Je dirais que les grandes lignes de l’institution sont bien posées et qu’elles ont fait leurs preuves. Il nous faudra donc, avant tout, veiller à renforcer ce qui est déjà en place. Nous allons donc encore plus affirmer notre présence en dehors du Jura bernois, et travailler à intensifier nos collaboration avec les entreprises de la région », conclut Joël Jornod.

 

Tout opur conserver le patrimoine
Sensibiliser : La mission de conservation du patrimoine économique et industriel que mène le CEJARE commence par la sensibilisation des entreprises et des syndicats à la préciosité de leurs propres archives. «Il faut avant tout insister sur le fait que tous les documents ont une valeur historique, et qu’il ne faut pas les jeter à la poubelle sous prétexte qu’ils prennent la poussière. Ils représentent, à leur façon, le patrimoine de la région», précise Joël Jornod.

Collaboration : Protéger des documents, c’est aussi bien les défendre contre la poussière que les prévenir de l’oubli. Pour valoriser ses fonds d’archive, le CEJARE travaille ainsi continuellement à en faciliter l’accès, cela, évidemment, en travaillant à les classer, mais aussi en multipliant au mieux les collaborations avec d’autres institutions. Ce travail commence avec Mémoires d’Ici, institution en quelque sorte complémentaire au CEJARE, qui conserve des témoins de l’histoire quotidienne des habitants du Jura bernois. «Il y a vraiment une synergie entre les deux institutions, qui partagent d’ailleurs leurs locaux et leur secrétariat. Comme nos archives se complètent, nous dirigeons les chercheurs vers l’un ou l’autre service», précise Joël Jornod.

Financement : Le budget du CEJARE dépend autant des fonds qui lui sont alloués par le canton que du travail que le centre réalise auprès des différentes entreprises qui mandatent  ses services. «On fait appel à nous pour plusieurs de nos compétences. D’abord, pour réaliser des travaux de recherche sur l’entreprise ou sur ses fondateurs, pour collecter des informations sur un aspect précis de son passé ou afin de rédiger des brochures qui retracent son parcours. On nous contacte, ensuite, pour notre savoir-faire en terme de classement: en se rendant auprès d’une entreprise pour organiser ses archives, on fait en sorte que celles-ci résistent efficacement au temps, prennent le moins de place possible et soient aisément consultables», explique encore le nouveau responsable du CEJARE.

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