Vous êtes ici

Abo

Agriculture

Quand la chrysomèle s’en mêle

Dans plusieurs communes du Jura bernois, une interdiction de semer du maïs en 2021, là où il y en a déjà eu cette année, a été prononcée à cause de la présence d’un coléoptère particulièrement ravageur.

Selon les conditions météorologique, la chrysomèle des racines du maïs peu voler sur près de 70 km. LDD

Par Sébastien Goetschmann

Le Diabrotica virgifera virgifera, de son nom latin, est un coléoptère considéré comme l’un des insectes les plus dangereux pour le maïs. Découverte aux Etats-Unis à la fin du 19e siècle, la chrysomèle des racines du maïs a été introduite en Europe au cours des années 90 et se propage également en Suisse depuis 2000. En Amérique du Nord, les dégâts causés par le ravageur se chiffrent à près d’un milliard de dollars par an.

Ainsi, la situation de la chrysomèle des racines de maïs est suivie de près, à l’aide de quelque 200 pièges à phéromones mis en place à travers le pays. Dans le canton de Berne, ce n’est que l’année dernière que l’insecte a été détecté pour la première fois, mais peu de communes étaient alors concernées. «En 2020, le nombre de spécimens capturés a été plus important», affirme Michel Gygax, responsable de la station phytosanitaire du canton de Berne.

Une situation qui pousse l’organe compétent à prendre des mesures, puisque le coléoptère est considéré comme un organisme de quarantaine. Il sera donc interdit, l’an prochain, de semer du maïs sur un sol qui en a déjà produit cette année et ce, dans un rayon de dix kilomètres autour de l’emplacement d’un piège ayant capturé au moins un individu. Des chrysomèles ayant été trouvées dans le Seeland et le Jura, certaines parcelles des communes de PlateaudeDiesse, Orvin, Corcelles, Crémines, Elay et LaScheulte sont concernées par cette interdiction.

 

Lutte efficace sans insecticides
Si la situation semble être sous contrôle en Suisse, c’est qu’un grand nombre d’agriculteurs appliquent un système de rotation des cultures. Ce sont en effet les larves de l’insecte qui sont responsables de la majorité des dégâts causés aux cultures de maïs. Elles hivernent dans le sol et se nourrissent exclusivement de plants de maïs, une fois le printemps arrivé. La solution de ne pas semer maïs sur maïs est donc écologique et très efficace.

«La contrainte est finalement peu contraignante», estime Olivier Carnal, agriculteur de Moutier et membre du comité de la Chambre d’agriculture du Jura bernois. «Dans la région, nous avons des cultures diversifiées et avons l’habitude de procéder à des rotations. Lutter contre la chrysomèle demande donc simplement un peu d’organisation et cela a l’avantage de ne pas engendrer de frais ni d’engager des produits chimiques.»

«Cette mesure n’est pas des plus exigeantes pour la plupart des agriculteurs, qui applique déjà le système de rotation des cultures», confirme Michel Gygax. «Il y a quelques exceptions, comme lorsqu’un exploitant agricole reprend une parcelle voisine et ressème du maïs.»

Dans le canton de Berne, près de 98%des paysans touchent des paiements directs et sont donc astreints aux prestations écologiques requises. «Le maïs est encore cultivé sans pesticides ni fongicides et nous désirons absolument continuer dans cette voie», explique Michel Gygax. «Ici, les mesures de lutte contre la chrysomèle concernent l’ensemble des agriculteurs.» En cas de non respect, la culture concernée sera tout simplement détruite. «Cela peut paraître drastique», concède le responsable de la station phytosanitaire cantonale. «Mais c’est la règle et nous informons les exploitants en ce sens, afin qu’ils puissent planifier au mieux.»

 

Pratique appelée à se généraliser
En Suisse, le coléoptère ne s’est pas implanté, contrairement aux pays de l’Union européenne, qui pratiquent une agriculture plus spécialisée et intensive. La chrysomèle des racines du maïs n’y fait d’ailleurs plus partie des organismes de quarantaine depuis 2014, estimant qu’elle est désormais largement répandue et qu’une éradication n’est plus possible.

Comme les insectes adultes peuvent voler sur des distances allant jusqu’à 70km, les régions proches de la France, de l’Allemagne ou encore de l’Italie peuvent s’attendre à revoir le coléoptère chaque année.
Le principe d’interdire de semer maïs sur maïs sera donc certainement généralisé à l’avenir, estime Michel Gygax.

Articles correspondant: Région »