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Industrie 4.0

Quand l’avenir fait déjà partie du passé

Pour compenser l’absence de SIAMS lors des années impaires, ses responsables ont imaginé un club. Réunis en fin de semaine dernière, environ 40 industriels ont pris la direction de l’Alsace et de ses usines «intelligentes»

Les entreprises de l’Arc jurassien produisent à une échelle différente, mais elles peuvent s’inspirer de recettes qui s’inscrivent dans le concept d’industrie 4.0.

De retour de Brumath (Alsace)
Dan Steiner (Textes et photos)


«Si vous repartez avec une bonne idée, nous serons contents. Si, par contre, vous pensez à nous copier, vous avez 90% de chances de vous planter.» Il les met en garde, Christian Sibilleau. Le chargé de communication de SEW Usocome leur assure que le fruit du travail de son entreprise, c’est l’aboutissement de 30 ans de projets et d’expérimentations. Et ça ne se transpose pas à toutes les échelles. La quarantaine d’industriels de l’Arc jurassien, dont une grande partie du Jura bernois, l’aura compris.

Jeudi et vendredi derniers, ceux-ci ont pris part au premier voyage organisé par le Club SIAMS, idée issue du FAJI – Fondation Arc Jurassien Industrie, basée à Bévilard et organisatrice du salon prévôtois des moyens de production microtechniquesv – et approuvée par le comité des exposants. «L’idée», explique Pierre-Yves Kohler (voir aussi ci-dessous), «était d’apporter une valeur supplémentaire au SIAMS en organisant un événement, un mix entre bonne ambiance et enrichissement professionnel.»

Géants de l’automatisation
Le directeur du FAJI avait donc convié les patrons, chefs de production ou encore responsables de ventes des entreprises régionales à faire un petit retour dans le futur. Direction l’Alsace et les filiales françaises de SEW Usocome, l’un des leaders mondiaux dans les systèmes d’entraînement (moteurs électriques, réducteurs mécaniques, etc.), et du Schmidt Groupe, spécialistes des cuisines et meubles de rangement. Là où «l’avenir fait déjà partie du passé».

SEW Usocome, tout d’abord, c’est un chiffre d’affaires de 2,7 milliards d’euros (410 millions en France), 15 usines (3 dans l’Hexagone) et 16500 employés (dont 2100 chez nos voisins). Si le siège historique est à Haguenau, près de Strasbourg, c’est à Brumath, tout proche également, qu’on a construit une unité de production à 80 millions d’euros. Où les tapis roulants déplacent des caisses par milliers et où les chariots automatisés se meuvent par induction, grouillant dans un espace utilisable de... 33000m².

La machine ne fait pas tout
Mais outre l’immensité du complexe – encore en partie vide, avant la fin du transfert du personnel de Haguenau –, c’est l’organisation du travail qui a été mise en vitrine aux chefs d’entreprises de nos contrées. «Perfambiance», c’est «un projet qui s’inscrit dans le modèle de l’industrie 4.0, où le capital humain participe à la performance industrielle», conceptualise Eric Hoffstetter, le directeur informatique pour les sites français de l’entreprise aux racines allemandes (la Süddeutsche Elektromotorenwerke).

Bien que ce soit la machine qui abatte le gros du boulot, l’entreprise met un point d’honneur à «créer un environnement propice à la motivation et à l’engagement» de ses employés. Plantes vertes, éclairage naturel et agréable et salle de fitness sont à leur disposition.

«Manager, c’est être présent et partager au quotidien.» L’intégration des collaborateurs et de leur avis est mise en pratique en vue d’augmenter la productivité des usines et la performance grâce à la technologie et l’ergonomie. Le concept japonais des 5 zéros ou du «juste-à-temps», en somme: zéro panne, zéro délai, zéro papier, zéro stock et zéro défaut.

Les cuisines du Schmidt Groupe sont faites du même bois. Bien que l’espace à disposition donne la même impression d’immensité, peu ou prou est consacré au stock. Pour la simple et bonne raison que celui-ci est réduit à néant dans les deux entreprises. Tout au plus «quelques» poignées produites en série et quelques jours de stock.

Optimiser, c’est économiser
Toutes les 24 heures, le fabricant de cuisines enregistre 1450 commandes. Des ordres directement envoyés à la première machine qui coupe, puis à celle qui peint, celle qui perce, celle qui assemble, celle qui emballe et celle qui entrepose avant qu’un livreur n’embarque le tout, direction votre maison ou appartement. «Tout ce qui est en train d’être coupé est déjà vendu», indique un employé qui mène la visite.

C’est ça, l’industrie 4.0: un environnement numérisé, optimisé, au service de la personnalisation, de l’économie des ressources et de l’énergie. «Sans pour autant méconnaître la place primordiale de l’homme dans le processus», conclut-on chez SEW Usocome.

Un club pour apprendre et réseauter
Comment faire vivre le SIAMS en dehors d’une semaine tous les deux ans, c’est la question que s’est posée  son directeur depuis 2015 Pierre-Yves Kohler depuis la dernière édition, celle de 2016. En offrant la possibilité à un «club» de prolonger l’ambiance conviviale du raout microtechnique prévôtois, il semble avoir tapé juste. Inviter les industriels régionaux à visiter les usines de SEW Usocome et du Schmidt Groupe, c’était se retrouver en groupe, échanger, apprendre de tous, réseauter.

«L’idée de base, c’est aussi de fournir de la valeur et de permettre aux membres d’entrer au sein d’entreprises difficiles d’accès.» Le feedback des participants est encore à analyser pour Pierre-Yves Kohler. Rééditera-t-on l’aventure, une visite sera-t-elle organisée chaque année? «A première vue, la plupart des gens se sont montrés très positifs.»

«Tout contact avec d’autres visions entrepreneuriales peut amener un plus dans nos réflexions», confirme Patrick Hirschi, responsable des ventes chez Applitec SA, à Moutier. Les deux filiales françaises visitées en fin de semaine dernière sont trop grandes et évoluent dans un domaine différent de celles des industriels d’ici. Mais des principes peuvent être transposés à plus petite échelle. Comme dans le domaine de «la maîtrise de la fabrication ou de la responsabilisation des gens dans ce qu’ils font», estime Patrick Hirschi.

Indirectement, le fait que les boîtes régionales prennent connaissance des différents moyens d’optimiser leur organisation fait les affaires de SolvAxis. Présent en Alsace, son directeur des ventes et business development manager Denis Fleury ne s’en cache pas: il est là pour réseauter et proposer les services de son entreprise – active dans les logiciels de gestion, à Sonceboz – aux entrepreneurs qui «veulent gagner de l’argent». Et surtout en économiser. Ce qui l’impressionne souvent, ce sont «les tâches qui ne servent à rien» et qui ont encore cours dans certaines entreprises. «L’informatique est considérée comme un fardeau pour certains, alors qu’elle est la colonne vertébrale!»

Pour Mikaël Affolter, business development manager chez Affolter Technologies SA, le voyage ne servira pas à révolutionner l’automation de l’usine familiale à Malleray, mais peut fournir des pistes dans le domaine du «lean management». Pour limiter toute forme de gaspillage. Ne pas copier, mais repartir d’Alsace avec quelques idées, c’était le conseil de SEW Usocome. Reste à sélectionner les bons concepts et les appliquer à son échelle.

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