Vous êtes ici

Abo

Projet pilote

Réapprendre à goûter la vie après un deuil

Un groupe d’accompagnement pour personnes endeuillées est lancé à Saint-Imier par la paroisse réformée

Véronique Tschanz Anderegg et Sandra Singh (à droite), les deux initiatrices du groupe d’accompagnement à Saint-Imier. Stéphane Gerber

Michael Bassin

Des personnes qui parlent de la perte d’un être cher, la pasteure-aumônière Véronique Tschanz Anderegg et la diacre stagiaire en aumônerie Sandra Singh en rencontrent fréquemment dans le cadre de leurs visites à domicile ou dans les homes. Au fil de ces rencontres, ces deux professionnelles de l’accompagnement œuvrant pour la paroisse réformée de Saint-Imier ont remarqué l’état de tristesse, de solitude et de souffrance dans lequel se trouvaient ces personnes endeuillées. «Elles éprouvent un besoin de s’exprimer», observe Sandra Singh. «Mais il existe peu de lieux où l’on peut vraiment en parler», ajoute Véronique Tschanz Anderegg. C’est justement pour répondre à ce besoin qu’elles ont décidé de lancer un groupe d’accompagnement.

Prendre le temps du deuil

Les initiatrices du projet expliquent combien les temps ont changé. «Auparavant, de nombreux rituels funéraires existaient autour de la mort et du deuil. Le port de vêtements noirs pendant un an permettait par exemple de rendre la tristesse visible. En outre, les veillées funéraires ou la prise en charge par les voisins de l’annonce du décès avaient pour but de rester en lien avec la communauté. Maintenant, après trois jours il faut déjà retourner travailler. Notre société actuelle, basée sur la performance et la productivité, ne nous permet plus d’exprimer nos émotions face au deuil.»
Selon elles, un deuil ne peut se vivre seul. «La sollicitude de nos proches, de nos amis et de nos collègues est indispensable.» Reste qu’il n’est parfois pas aisé de vivre pleinement le processus au sein de la famille.
Le nouveau groupe d’accompagnement mis sur pied proposera six rencontres entre mars et juin. Les participants s’engageront à suivre tous les rendez-vous qui aborderont à chaque fois un thème différent. «Ce groupe s’adresse à toutes les personnes adultes ayant vécu un deuil récent ou passé, quelles que soient leurs convictions ou leur domicile», soulignent-elles. L’objectif sera d’essayer, au fil des réunions construites de manière réfléchie, à ce que les participants réapprennent à goûter la vie après un deuil. Le groupe, formé de trois à huit individus, se réunira dans l’une des chaleureuses pièces de la cure à Saint-Imier.

Groupe ouvert à tous

Ces rencontres, placées sous l’égide du syndicat de l’Erguël, seront organisées et financées par la paroisse de Saint-Imier. Les participants ne devront donc pas bourse délier. Véronique Tschanz Anderegg et Sandra Singh, qui seront présentes à chaque fois, soulignent qu’il ne sera en aucun cas question de faire du prosélytisme. Les rencontres seront faites de manière à ce que chacun s’y sente bien, peu importe sa confession.
L’offre n’a donc rien de «religieux», mais Véronique Tschanz Anderegg estime que l’Eglise est tout à fait dans son rôle en la proposant. «L’Eglise est un lieu communautaire et solidaire. C’est l’occasion pour elle d’être un témoin favorable. Et l’Eglise est quand même la spécialiste en matière de deuil.»
Si ce projet voit le jour, c’est en grande partie grâce à Sandra Singh qui a décidé de le lancer dans le cadre de sa deuxième année de stage diaconal. Avec Véronique Tschanz Anderegg, elles se sont inspirées de la pratique de l’Eglise réformée évangélique neuchâteloise qui a mis en place des espaces de paroles pour personnes en deuil.
A Saint-Imier, il s’agit d’un projet pilote. Un bilan sera ainsi tiré cet été. «Nous verrons alors si cela répond effectivement à une demande», concluent-elles.

Elle en parle soixante ans plus tard

Douleurs profondes  Dans le cadre de leurs visites, la pasteure-aumônière Véronique Tschanz Anderegg et la diacre stagiaire Sandra Singh ont constaté que plusieurs personnes abordaient le sujet du deuil. Des souvenirs anciens mais tenaces remontent parfois à la surface. «Un jour, j’ai visité une dame de plus de 80 ans qui était hospitalisée. Elle m’a parlé du décès de son enfant mort-né qui n’avait pas eu droit à une cérémonie car il n’avait pas été baptisé. Cette dame n’avait jamais vraiment pu aborder le sujet avec quiconque et ce deuil ressortait 60 ans plus tard. Le fait de pouvoir en parler et pleurer l’a soulagée et apaisée», confie Véronique Tschanz Anderegg.

Vivre pleinement le processus de deuil n’est parfois pas chose facile. Keystone

Immédiat et après coup En plus de surgir parfois lors de discussions, la problématique du deuil fait évidemment partie intégrante du ministère des pasteurs puisqu’ils célèbrent des enterrements. S’il s’agit d’accompagner les proches du défunt dans le moment immédiat, Véronique Tschanz Anderegg explique que cet accompagnement se poursuit parfois également dans le temps au travers de visites, «si les personnes en font la demande», précise-t-elle. «Des cas qui se présentent «assez régulièrement», dit-elle. «Et puis, à un moment donné, je sens que je ne sers à plus rien. C’est parfois difficile parce que des contacts se sont noués, mais c’est beau aussi car cela signifie que la personne a franchi un cap dans son deuil.»

Six thèmes abordés
Six rencontres sont prévues, le lundi, entre mars et juin sur des thèmes différents: 23 mars «Se raconter»; 20avril «Accepter la réalité de la perte»;4 mai «Se confronter à la douleur de la perte»; 18 mai «S’adapter à son environnement sans le défunt»; 8juin «Réapprendre à aimer la vie»; 22 juin «Et maintenant?» Elles auront lieu à la cure de Saint-Imier, de 19h30 à 21h30. Une séance d’information se tiendra au même endroit le 12 mars à 19h30. Renseignements et inscriptions (délai 16 mars) auprès de Véronique Tschanz Anderegg (079 311 17 15) ou Sandra Singh (079 694 64 47).

Articles correspondant: Région »