Vous êtes ici

Abo

Michel Walthert

Retraite peu chancelante

En France, on le qualifierait de grand commis de l’Etat. A la fin du mois, il dira adieu à la vice-chancellerie. Sa retraite, c’est sûr, sera tout sauf tranquille.

Le coureur de l’arrière-plan va reprendre le dessus sur le vice-chancelier du premier plan! Photo: Archives / Stéphane Gerber

Par Pierre-Alain Brenzikofer

«Je pourrai me remettre sérieusement à la course.» A l’heure de prendre sa retraite à la fin du mois, à l’âge très légal de 65 ans, le vice-chancelier rêve à nouveau de marathons et de 100 km de Bienne. Arrivé à la tête de la «francophonie» bernoise le 1er janvier 2012 après une longue carrière à l’OACOT comme responsable des finances communales et chef de l’antenne francophone à Bienne, Michel Walthert tournera donc une sacrée page au terme de ce mois de juin. Son successeur, David Gaffino, prendra ses fonctions en août.

Un hyperactif
Mais pas question d’opter pour le dolce farniente! Une preuve? Des preuves, plutôt! Michel Walthert conservera la présidence du Parc Chasseral, restera actif au sein de la fondation Nike qui s’occupe du patrimoine. Horrifié à l’idée de devoir rester dans ses pantoufles, il continuera par ailleurs de dispenser des cours pour la formation des cadres en administration au niveau romand, fera un peu de consulting pour une poignée de communes, lui qui fut secrétaire communal à Villeret durant 26 ans. Inéluctablement, il restera expert fédéral pour l’obtention du brevet fédéral de cadre en administration publique.

Enfin, celui qui a disputé une vingtaine de marathons, s’est aligné 15 fois au départ des 100 kils de Bienne et de 35 semi-marathons, va littéralement se remettre à courir. Et notamment du côté de Villeret-Chasseral-Villeret, épreuve qu’il préside toujours.

Sans parti, mais antiséparatiste
Bon, on retourne à la vice-chancellerie? Evoquant cette fonction, il avoue paradoxalement qu’il faut savoir s’arrêter, après avoir connu «une période extraordinaire» qui lui a notamment permis d’apporter sa contribution à la touche finale de la Déclaration d’intention de 2012.

Et puisqu’on retombe sur la politique jurassienne, Michel Walthert n’a jamais dissimulé ses convictions antiséparatistes. Par contre, il n’a jamais appartenu à un parti. «Du temps de Philippe Perrenoud, on pensait que j’étais de gauche. Et comme on me voit désormais avec Pierre Alain Schnegg, on croit que je suis de droite», s’amuse-t-il. Toujours est-il qu’il a en quelque sorte cassé une chaîne. Par le passé, les grands partis se partageaient bel et bien le poste de chancelier et les deux fauteuils de vice-chancelier: «Il est vrai que le gouvernement s’était montré surpris quand il a appris que je n’appartenais à aucune formation, se souvient notre interlocuteur. Tenez, le nouveau chancelier Christoph Auer n’est pas membre d’un parti, lui non plus.» O tempora, o mores.

A ce stade du récit, on devait forcément lui demander en quoi consiste sa fonction. Les gens sont si distraits. Eh bien, il pilote un office qui s’occupe de toute la législation inhérente au bilinguisme. Mais, depuis le début de ce mois, le vice-chancelier francophone est en sus responsable des finances et des ressources de toute la chancellerie. C’est ainsi qu’il règne sur 35 collaborateurs au lieu de 22, qui sont traducteurs, interprètes, terminologues, et on en passe. Bref, qui s’occupent de tout ce qui a trait à la partie romande et notamment au Jura bernois. «Nous nous chargeons notamment de préparer les réponses aux interventions des politiciens du Jura bernois relatives à la Question jurassienne. C’est pourquoi certains me considèrent un peu comme le chancelier francophone.»

Et pour l’alerte Députation francophone, qui n’a pas de secrétariat externe, il fait office de coach, de conseil et de soutien logistique. Il a ainsi le droit de venir au Grand Conseil, ce qui n’est plus le cas de l’autre vice-chancelier.

Cela dit, avant de se remettre à courir, le malheureux devra encore tenter de régler le conflit opposant la gauche et la droite au CJB à propos de la présence au Bureau du PSA. Cornélien, comme aurait dit Racine!

Une fonction évolutive
S’agissant de la fonction au sens large, Michel Walthert prédit qu’elle sera appelée à évoluer en fonction des événements. Allusion semi-cristalline au fameux rapport sur le bilinguisme, en phase d’élaboration au sein d’une ardente commission présidée par le tonitruant Hans Stöckli. «J’ai aussi eu la chance de conduire le projet statu quo+, qui permettra notamment de favoriser une meilleure collaboration entre CJB et CAF. De cela, je puis authentiquement m’enorgueillir. Nous avons en quelque sorte accroché Bienne à ce concept, car il convient de tirer enfin à la même corde. Je rappelle aussi que Bernhard Pulver a voulu rajouter la notion de bilinguisme au statu quo+. »

Comme quoi, David Gaffino, successeur désigné, devra se montrer actif au niveau de la promotion du bilinguisme. Le rapport Stöckli, encore lui, devrait être publié en août.

Un peu de civisme
Parmi les gros dossiers qu’il a eus à traiter, notre interlocuteur évoque encore le projet Cinécivic, destiné à engager les jeunes à voter, et qui a permis d’impliquer différents établissements comme le ceff, à Moutier; le gymnase, à Bienne, et l’Ecole supérieure de commerce de La Neuveville. Le vice-chancelier a également dû mettre en application la loi fédérale sur les langues, qui permet à certains cantons bilingues de financer des projets ad hoc.

En terre bernoise, ils ont concerné des classes bilingues comme des tandems, ainsi qu’un projet au Cenntre hospitalier de Bienne. La Confédération accorde à ces fins un montant de 250 000 fr. au canton.

C’est toujours ça de pris.

 

Plongé jusqu’au cou dans la Question jurassienne
Le rappel est tout sauf anodin: entre autres tâches, le vice-chancelier francophone est aussi le principal collaborateur du patron de la Délégation du Conseil exécutif pour les affaires jurassiennes. En fait, il a un boss administratif et un autre politique. A cet ultime niveau, Michel Walthert a beaucoup œuvré au sein de la Conférence tripartite et pour le dossier prévôtois.

«Ce n’est pas toujours évident, dans la mesure où la DAJ a parfois un avis différent de celui de la chancellerie. Il faut savoir faire des compromis», glisse celui qui a quelques fois participé aux séances du gouvernement en l’absence du chancelier.

Schnegg, un leader
Au sein de la DAJ, il a côtoyé deux hommes qu’il qualifie de très différents, Philippe Perrenoud et Pierre Alain Schnegg: «Le premier était un homme de compromis, fort agréable au travail. Mais nous nous retrouvions parfois dans une situation de flou. Il n’aimait pas trancher. Pierre Alain Schnegg, au contraire, est beaucoup plus dirigiste. Il a des idées très claires. Moi, je me suis fait aux deux façons de travailler et j’ai d’excellentes relations personnes avec l’un et l’autre. Enfin, il faut bien dire que Pierre Alain Schnegg s’est imposé comme le leader du gouvernement, surtout après le départ de Bernhard Pulver.»

Michel Walthert, il y tient, a toujours traqué le compromis, le plus petit dénominateur commun. Il avoue d’ailleurs avoir beaucoup de peine avec les gens carrés, ce qui lui a valu quelques discussions assez musclées avec certains juristes. Bien évidemment, le départ de Moutier fait figure de grosse désillusion pour lui: «Nous avons essayé d’anticiper sur ce qui pourrait arriver en matière de dérapages. Personnellement, je serais allé beaucoup plus loin dans les mesures de contrôle, quitte à briser cette idée voulant que les gens sont foncièrement honnêtes. Aujourd’hui, il faut bien admettre que certains dérapages pénalisent les deux camps. Car quelques éléments évoqués par le Ministère public sont de nature à démontrer que dérapages il y a effectivement eu.»

Cela dit, l’homme s’avoue profondément démocrate, prêt à accepter un verdict contraire à ses aspirations. «Par contre, je ne supporte pas les tricheurs. C’est pourquoi je veux que la vérité sorte à Moutier et que s’il y a effectivement des coupables, ils soient punis. Oui, j’accepte de perdre, mais alors à la régulière. Or, j’éprouve à ce propos un sentiment un brin mitigé.»

Halte à la torpeur
Pourtant, Michel Walthert prédit que le Jura bernois pourra très bien se passer de Moutier et qu’il aura même l’occasion de se repositionner. «Il doit s’extraire de cette torpeur de 60 ans, de cette situation de blocage et surtout de cette attitude de Calimero. Il doit prendre conscience que le statut particulier est un projet qui ne sera jamais achevé. Ce dossier n’est nullement figé. Par contre, il conviendra de demeurer vigilant: le canton de Berne doit absolument continuer de choyer le Jura bernois. Personnellement, je crois énormément au bilinguisme et au rôle de pont du canton. Je salue aussi la démarche de la CEP, très ambitieuse pour le Jura bernois. Alors, oui, le départ de la ville représente une chance unique de créer un Jura bernois nouveau reposant sur de nouvelles bases, avec une identité nouvelle. Mais je ne suis pas sûr que Moutier va partir…»

Moralité? «Quand je rencontre certaines délégations étrangères, comme récemment celle du Cameroun, je me dis que nous avons vraiment des problèmes de riches…»
 

Articles correspondant: Région »