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Roventa-Henex, la face méconnue de l’horlogerie

Roventa-Henex SA célèbre ses 60 ans. Pour franchir ce cap, la société qui développe des montres pour d’autres marques a engagé un nouveau CEO, Jérôme Biard. Le point avec lui sur 60 ans d’histoire.

Photo Nico Kobel

Marjorie Spart

Son nom n’est pas vraiment connu de ceux qui ne baignent pas dans le milieu horloger. Pourtant, Roventa-HenexSA occupe une place de choix sur la place horlogère Suisse. Depuis 60 ans, la petite entreprise biennoise conçoit des montres, non sous sa propre marque, mais comme private label. Entendez qu’elle développe des montres pour des clients. «Nous avons les compétences pour nous occuper du design, du développement horloger, du prototypage en passant par l’assemblage et la logistique», énumère Jérôme Biard, CEO de Roventa-Henex.

Arrivé aux commandes en avril dernier, le directeur ne tarit pas d’éloges sur le travail effectué au sein de sa société et sur la fidélité des collaborateurs. «Imaginez, nous sommes très peu nombreux à comptabiliser moins de cinq ans d’activité au sein de l’entreprise. C’est un gage de l’excellent climat de travail qui règne ici et qui démontre aussi l’engagement des collaborateurs.»

Fluctuat nec mergitur
Certains employés sont là depuis 20ans, 30 ans, voire 40 ans pour certains! Mais aucun n’était présent à la création de l’entreprise en 1959. «C’est Norbert Schenkel qui a fondé Roventa. Au début, elle ne comportait qu’une quinzaine de collaborateurs occupés à chercher des clients», raconte Jérôme Biard. Une fois les mandats obtenus, Roventa développait un produit correspondant aux vœux de ses clients et confiait à la société Henex, basée à Tavannes, l’assemblage des montres.

En 1972, Roventa et Henex ont fusionné pour offrir une palette entière de services au sein de la même entité. «Les seules choses dont nous ne nous occupons pas sont le marketing et la vente. Nous laissons ces domaines à nos clients qui se concentrent ainsi sur leur image et leur marché», sourit le directeur.

La société ainsi fusionnée a connu des fortunes diverses à travers le temps, s’adaptant à la demande et affrontant les crises successives sans jamais sombrer. «L’entreprise a compté jusqu’à 200 collaborateurs. Mais la perte de gros clients tels que Tag Heuer ou Gucci a contraint mes prédécesseurs à adapter les effectifs», admet Jérôme Biard. La crise de 2008 a provoqué une baisse de commandes, engendrant un redimensionnement de la société, ponctué d’une vague de licenciements. Aujourd’hui, Roventa-Henex compte une petite centaine d’employés. Sur son site biennois – siège de l’entreprise – quelque 35 personnes travaillent en étroite collaboration avec les clients. Une soixantaine d’employés s’affairent sur le site de Tavannes, dédié à l’assemblage et à la logistique.

Six groupes de clients
Roventa-Henex est frappée du sceau swiss made, mais possède une succursale à Hong Kong, depuis 1985, pour faciliter ses achats de composants – boîtiers, cadrans, bracelets, etc. – et discuter avec les fournisseurs: «Nous ne sommes pas une manufacture. Nous ne fabriquons donc pas nos pièces. Idem pour les mouvements de montres. Nous utilisons ceux existants pour créer les montres de nos clients», détaille Jérôme Biard.
L’entreprise a géré une centaine de projets en 2018. «Nous recevons entre trois et cinq demandes par jour! Toutes ne sont évidemment pas réalisables», commente le CEO.

Les clients de Roventa Henex viennent de Suisse, de France, d’Angleterre, d’Europe de l’Est, des USA... et sont répartis dans six groupes distincts. «Il y a les grandes marques horlogères qui font appel à nous pour mener à bien certains de leurs projets. Il y a ensuite les marques du luxe qui veulent entrer dans l’horlogerie. Nous travaillons aussi pour des détaillants multimarques qui désirent compléter leur offre en entrant dans le monde de l’horlogerie. Nous recevons aussi des demandes de ceux que je nomme affectueusement ‹les rêveurs› qui entendent concrétiser leur rêve. Nous réalisons aussi des montres pour des entreprises qui marquent un jubilé ou un événement exceptionnel. Finalement, nous aidons parfois les start-up à se lancer, à ficeler un projet qui tient la route pour trouver un investisseur.»

Les clients arrivent avec leur idée. Les ingénieurs évaluent ensuite la faisabilité du projet selon les vœux du client, les coûts engendrés ou la solidité du projet... «Nous travaillons dans toutes les gammes de montres, des basiques à celles serties de diamants. Nous réalisons des séries limitées comme des productions à grande échelle. Nous avons la capacité de produire annuellement jusqu’à 300000 montres sur notre site de production», se réjouit Jérôme Biard.

Croissance dans le viseur
Lorsque le nouveau directeur a pris ses fonctions, le conseil d’administration lui a posé l’objectif clair de faire grandir Roventa-Henex. «Le but est de doubler notre chiffre d’affaires dans un délai de trois à cinq ans», précise-t-il. Pour y arriver, Jérôme Biard mise sur l’établissement d’une stratégie différenciée pour chaque groupe cible de clients. «Il convient de prospecter activement pour trouver de nouveaux clients, ce que nous ne faisons pas assez.»

Jérôme Biard désire aussi que Roventa-Henex se départe d’une image un peu austère. Et qu’elle améliore sa communication, notamment en montrant davantage son savoir-faire «dont bénéficie certains prestigieux clients». A l’interne, le CEO entend «impliquer tous les talents de l’entreprise» et mettre en place «une organisation moins verticale».

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