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Santé

SASDOVAL rend son tablier

A partir de mars, le service ne proposera plus d’aide au ménage à domicile. Le programme bernois d’économies en matière de santé a eu raison de cette prestation. Le point sur la situation.

Les services d’aides et de soins à domicile ont pour but de permettre aux personnes âgées ou malades de rester autonomes le plus longtemps possible. Photo: Archives Stefan Leimer

Par Marisol Hofmann

Suite à l’application des mesures d’économie EOS, en 2014, qui se sont traduites par une importante perte de subventions pour l’économie domestique, les services d’utilité publique de la région ont, les uns après les autres, renoncé à signer le contrat de prestations cantonal d’aide ménagère avec obligation de prise en charge, à commencer par ESPAS Moutier et environs.
En 2018, la redéfinition des critères de subventionnement d’heures d’aide au ménage à domicile, se réduisant aux personnes souffrant de troubles cognitifs ou psychiques uniquement, a en outre exercé une pression supplémentaire sur les institutions publiques d’aide et de soins à domicile. «Peu de nos clients correspondaient à ce profil. Nous avons perdu près des trois quarts de notre clientèle», déplore Pauline Schoos, directrice du Service d’aide et de soins du vallon de Saint-Imier (SASDOVAL).
Malgré ces difficultés, l’institution imérienne a tenu bon et comptait parmi les dernières à proposer une aide au ménage subventionnée. Le SASDOVAL s’est battu bec et ongles pendant plusieurs années afin de maintenir ses deux offres d’aide et de soins à domicile, que la directrice estime indissociables. Un point de vue que partage la directrice de l’Aide et soins à domicile de la vallée de Tavannes et du Petit-val, Lucia Cardoso. «L’avantage, lorsque ce service est dispensé par une institution comme la nôtre, est que nos aides-ménagères, qui collaborent étroitement avec le secteur des soins, sont plus à même d’identifier à quel moment il est nécessaire de faire appel à une équipe de soin», relève-t-elle. «Des aliments périmés dans le réfrigérateur; une difficulté au niveau des capacités à effectuer les activités quotidiennes de base, comme changer ses vêtements; la difficulté d’un client à se déplacer ou un changement rapide de son état habituel sont autant d’indicateurs de l’état de santé auxquels nos aides-ménagères seront davantage sensibles.»


La goutte de trop
Le contrat de prestation 2021, à nouveau marqué par des mesures d’économies, aura finalement été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. «L’aide au ménage est un service déficitaire et nous ne pouvons pas nous permettre de renflouer les caisses au détriment du secteur des soins. Cette situation mettait en danger l’ensemble du service», explique la directrice. C’est la raison pour laquelle l’institution a à son tour renoncé à signer le contrat de prestations cantonal d’aide ménagère et ainsi à dispenser ce service, dès le mois de mars. «Ça a été un choix difficile éthiquement parlant. Cela nous donne le sentiment d’abandonner les gens qui ont besoin de ce service. Les directives économiques mettent à mal le côté humain du secteur des soins», regrette-t-elle.
La directrice de SASDOVAL rassure toutefois que cette décision n’impliquera pas de licenciements. «Les employés concernés par ce changement, dont la plupart sont au bénéfice d’une formation d’aide familiale, d’aide en soins et accompagnement ou encore d’assistant en soins et santé communautaire, intégreront entièrement l’équipe des soins», précise-t-elle.
Un autre élément a conforté la direction prise par SASODOVAL. «Le canton a décidé de supprimer la qualification minimale du personnel (réd: les personnes n’ont plus besoin d’être diplômées, mais doivent en contrepartie être évaluées selon la méthode reconnue RAI-HC). D’un côté on nous demande d’intervenir auprès de personnes souffrant de déficits cognitifs ou de troubles psychiatriques, et de l’autre on nous permet d’engager du personnel moins qualifié afin de pouvoir faire des économies», s’offusque Pauline Schoos. «Il ne s’agit pas que d’un service d’aide au ménage ordinaire. Un patient atteint de troubles psychiatriques requiert un encadrement spécifique et du personnel qualifié», insiste-t-elle.
Désormais, seul le Service d’aide et de maintien à domicile (SAMD) des communes de Tramelan, des Reussilles et Mont-Tramelan reste lié au canton par un contrat de prestations. S’il peut se le permettre, c’est que la conjoncture est favorable. «Nous sommes une petite structure. Toutefois, le nombre d’interventions que nous menons avoisine celui des plus grands services tels que l’ASAD. De plus nos déplacements sont relativement courts, ce qui réduit passablement les coûts», explique la directrice de l’institution, Cornelia Faivet. Elle souligne en outre que le SAMDa étayé son offre en s’occupant de la gérance des appartements adaptés situés au chemin de l’Hospice 1, à Tramelan.


Recherche d’alternative
Les autres services d’aide et de soins à domicile d’utilité publique de la région ont donc soit redirigé leurs clients nécessitant une aide ménagère vers des institutions privées, à l’instar d’ESPAS ou du service de maintien à domicile (SMAD) de La Neuveville, ou se sont mis à la recherche d’une alternative. L’ASAD, par exemple, continue de proposer cette offre mais sous forme de prestations d’aide et de confort. «Les mesures appliquées en 2018, nous contraignant à sélectionner nos clients selon les critères du contrat de prestations cantonal, ne correspondaient pas à nos valeurs. Nous avons donc procédé à une réorganisation de notre activité en créant une équipe d’aides-ménagères, qui faisaient auparavant partie de l’équipe des soins, et en menant une comptabilité analytique poussée afin de définir dans quelle mesure il était encore possible d’offrir ces prestations, et à quels tarifs», commente Lucia Cardoso. Une piste également explorée par ESAPAS. Sous ordonnance médicale, ces prestations d’aide et confort sont remboursées par la caisse maladie complémentaire, selon le contrat, et les bénéficiaires des prestations complémentaires de l’AVS touchent, sur ordonnance médicale également, une aide financière.

Vers une libéralisation du secteur?
Si les situations diffèrent d’une institution à l’autre, toutes partagent une même crainte: la disparition complète des services d’utilité publique. «Cela induit le risque que certaines personnes, souvent déjà vulnérables, soient laissées pour compte», s’inquiète Pauline Schoos. Contrairement aux services publics d’aide et de soins à domiciles, les structures privées ne sont pas soumises à l’obligation de prise en charge. Si le service ne s’avère pas rentable sur le plan financier, il y a des risques qu’elles refusent un client. Tel est par exemple le cas pour une personne nécessitant quotidiennement une intervention de courte durée mais dont le trajet pour se rendre chez elle est long.
Gundekar Giebel, porte-parole de la direction de la santé, se montre plus optimiste à ce sujet. «Même si le canton supprime les subventions, cela ne devrait pas entraver le fonctionnement de ces services car ils fonctionnent aujourd’hui déjà comme des entreprises», assure-t-il. «Afin de survivre, ils doivent être capables de se restructurer et se montrer performants.» La Direction de la santé, des affaires sociales et de l’intégration du canton de Berne, ne s’en cache pas. La libéralisation du secteur fait bien partie de sa stratégie à long terme. «Elle contribue à ouvrir le marché, ce qui est nécessaire dans un contexte où la population est vieillissante», explique Gundekar Giebel. «Dans 20 ans, un tiers de la population du canton de Berne aura 65 ans et plus. Il est important de réagir rapidement afin de garantir suffisamment de structures pour s’occuper de nos futurs aînés.» MAH

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