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«On s’est rapproché de la Suisse»

Coach italien de l’Albanie, Gianni de Biasi a donné vie à une sélection de seconde zone.

Vladimir Petkovic (à gauche) et Gianni de Biasi se retrouveront samedi à Lens. Et que le meilleur gagne! Keystone

Propos recueillis par Stefan Wyss - ats

Depuis qu’il est en poste, soit depuis décembre 2011, Gianni de Biasi a su donner à l’équipe d’Albanie la confiance qui manque forcément aux petites nations du football. L’Italien, tellement adulé qu’il a même été naturalisé, revient sur le projet qu’il a mis en place et sur les perspectives de sa sélection, qui affrontera la Suisse samedi à Lens.

Gianni de Biasi, comment un entraîneur expérimenté de Serie A se décide-t-il un jour à devenir sélectionneur de l’équipe nationale d’Albanie?
Je me disais qu’un jour, j’essaierais le métier de sélectionneur. J’ai souvent été en contact avec des équipes nationales. En tant que sélectionneur, on se retrouve au cœur d’un projet, de son projet. Je sortais d’une mauvaise expérience à l’Udinese, d’où je me suis rapidement fait renvoyer car l’équipe ne voulait pas de moi. Je me suis alors dit que c’était terminé et que je ne voulais plus rien avoir à faire avec la Serie A.

Vous avez alors dû être content quand l’Albanie vous a fait une offre...
Je vais être honnête. Je n’ai ni dit oui ni non tout de suite. Et même quand tout était réglé, je n’étais pas devenu l’homme le plus heureux du monde parce que j’étais devenu l’entraîneur de l’Albanie...

Quand avez-vous remarqué que cela pouvait fonctionner?
Dès que je suis entré en fonction. J’ai eu le sentiment que l’Albanie était l’endroit idéal pour lancer ma carrière de sélectionneur. J’étais libre de travailler comme je le voulais et comme je l’espérais. J’ai eu le temps de chercher les joueurs qui collaient le mieux à ma philosophie, ce qui n’est pas possible en club, car on a toujours un directeur sportif et un président qui se mêlent aux décisions, particulièrement en Italie.

Dans quel état se trouvait l’équipe nationale à votre arrivée?
C’était un groupe qui n’avait pas réussi une bonne campagne qualificative pour l’Euro 2012 et qui était un peu vieillissant. Je devais la rajeunir.

Avec des joueurs éparpillés dans toute l’Europe...
Nous avons investi beaucoup de temps à la détection, car cela ne suffit pas de suivre des joueurs à la télévision ou sur internet. Nous entendions offrir des perspectives aux joueurs et, pour cela, nous devions nous connaître personnellement. Il fallait avoir des échanges directs pour convaincre les joueurs d’adhérer au projet.

En pratique, comment vous y êtes-vous pris?
Nous avons bien entendu fait appel au sentiment patriotique, et nous avons démontré aux joueurs qu’avec une nouvelle structure, une nouvelle direction sportive et de nouveaux membres motivés dans l’effectif, il était possible de bâtir une bonne équipe. Une équipe qui pouvait réaliser quelque chose de grand et rendre fiers les Albanais.

Vous avez énormément puisé dans le réservoir suisse...
Nous savions qu’il y avait beaucoup de familles albanaises ou kosovares en Suisse. Mais nous savions aussi que la Suisse avait offert à ces personnes une nouvelle chance de mener une nouvelle vie. C’est pourquoi nous n’avons jamais fait le forcing auprès d’un joueur jusqu’à être en conflit avec la Fédération suisse. Nous n’avons approché que des joueurs dont on savait qu’ils n’iraient pas plus loin que les sélections juniors.

Etes-vous d’accord avec Valon Behrami quand il dit que les Albano-Suisses qui jouent pour l’Albanie sont uniquement ceux qui n’ont pas réussi à percer avec la Suisse?
Behrami avait raison jusqu’à il y a trois ou quatre ans. Jusqu’alors, nous n’avions que des joueurs qui ne tenaient pas un rôle central en Suisse et qui, de ce fait, étaient heureux de notre proposition. Aujourd’hui, cela n’est vrai qu’à moitié. Il y a plusieurs joueurs ou agents de joueurs qui nous contactent pour savoir s’ils intéressent l’Albanie. L’Albanie est devenue plus attractive, même pour les joueurs qui ont grandi en Suisse. Maintenant, ils savent qu’ils ont aussi l’opportunité de disputer des grands tournois avec l’Albanie. C’est pourquoi cette participation à l’Euro 2016 a une grande signification sur le long terme.

Quel est votre sentiment en songeant à ce premier match contre la Suisse le 11 juin?
Le rapport des forces ne s’est pas inversé mais, en comparaison avec les deux défaites lors des éliminatoires du Mondial 2014, l’Albanie s’est rapprochée de la Suisse. Celle-ci conserve une belle équipe, des individualités fortes et une bonne organisation. Nous, en revanche, nous restons dans un processus de développement et avons encore une marge de progression.

Quelle pourrait être la clef pour l’Albanie dans ce match?
Garder en tête notre principe de base: nous devons former une équipe. C’est ensuite mon travail de savoir comment joue l’adversaire pour me concentrer sur ses points faibles et les exploiter. Ainsi est la feuille de route d’un outsider.

Considérez-vous qu’il s’agit d’un avantage ou d’un désavantage de commencer contre la Suisse?
Un premier match est toujours délicat car, durant la préparation, on pense chaque détail mais que l’on ne sait pas où on se situe vraiment avant le véritable début de la compétition, ni comment va agir la pression sur les joueurs, ni même si ceux-ci sauront répondre aux attentes. Ce sont les préoccupations qui m’habitent avant ce premier match, quel que soit l’adversaire.

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