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CAJB

Un dévouement total

Après 36 ans de bons et loyaux services au poste de secrétaire générale, l’heure de la retraite a sonné pour Annemarie Hämmerli.

Pour Annemarie Hämmerli, la défense professionnelle de la branche agricole est une nécessité. Photo: Stéphane Gerber

Par Aude Zuber

«Les changements intervenus dans l’agriculture sont énormes depuis mon arrivée à la Chambre d’agriculture du Jura bernois (CAJB)», glisse sa secrétaire générale, Annemarie Hämmerli, qui partira en retraite au mois d’avril, après 36ans de bons et loyaux services. Durant ses premières années d’activité, l’habitante de Renan travaillait près de 100heures par année, alors qu’aujourd’hui son investissement dépasse les 1000heures. «Au départ, mon travail était surtout administratif; je rédigeais les procès-verbaux et je m’occupais de la correspondance. Je ne sortais pas beaucoup», explique-t-elle.

Son cahier des charges s’est depuis vu modifié, notamment avec l’introduction des paiements directs. «Leur instauration, en 1999, était justifiée pour pallier la montée de l’économie de marché et l’effondrement des prix à la production. A partir de là, une bonne partie de mon travail a consisté à négocier puis à répondre aux nouvelles normes imposées par la Confédération. Un combat contre la politique agricole fédérale s’est alors engagé. Notre but est d’obtenir des conditions qui permettent aux agriculteurs de vivre de leur production.»

Dans le même bateau
Celle qui a repris la ferme de sa mère avec son mari en 1983 –une transmission de mère en fille qui était rare à l’époque – était bien placée pour défendre les agriculteurs de la région. «J’étais dans le même bateau qu’eux. Je n’étais pas une fonctionnaire qui n’avait aucune idée à quoi pouvait bien ressembler le travail de la terre.»

Pour porter la voix du monde agricole jurassien bernois, Annemarie Hämmerli a dû se créer un réseau diversifié et étoffé. «D’un côté, nous travaillons en étroite collaboration avec des organisations agricoles d’envergure, comme l’Association des groupements et organisations romands de l’agriculture. Nous organisons des séances toutes les six semaines, où nous prenons des prises de décision qui ensuite sont portées à Berne.» Et la professionnelle d’ajouter: «Au niveau politique aussi, nous entretenons un dialogue avec plusieurs élus de la région, dont certains nous soutiennent, comme Manfred Bühler, qui vient d’une famille d’agriculteurs. Il porte ainsi notre voix au Conseil national. En revanche, on ne peut pas en dire autant du Conseil du Jura bernois, qui ne défend pas vraiment les valeurs agricoles.»

La CAJB ne se résume néanmoins pas au lobbying. «Durant mon activité, nous avons pris plusieurs initiatives, qui, selon moi, ont également contribué à la défense de la profession. Nous avons inauguré le Centre de formation, à Loveresse, puis, quelques années plus tard, nous avons opéré un mariage de raison entre les écoles d’agricultures et les services de vulgarisation du Jura bernois, qui a amené à la création de la FRI», argumente-t-elle.

La CAJB met aussi un point d’honneur à la valorisation des denrées agricoles. «Nous avons par exemple porté les produits du terroir, notamment par des AOP, comme la tête-de-moine.»

Mener un tel combat dans un monde très masculin n’a pas toujours été simple pour Annemarie Hämmerli. «Encore aujourd’hui, j’ai parfois l’impression qu’on ne me prend pas au sérieux et je suis amenée à en faire toujours davantage que les hommes pour prouver ma légitimité.» Elle estime que cette discrimination s’efface sur le plan fédéral. «Quand j’évolue à Berne, par exemple, je ne ressens aucune différence selon le sexe. Peut-être que cela s’explique par le côté conservateur de notre région.»

Passage de témoin
A l’heure de passer le témoin à Emilie Boillat, elle ressent un petit pincement au cœur, mais est tout même ravie de pouvoir bientôt disposer de davantage de temps pour sa famille. «Je profiterai encore plus de mes petits-enfants et pourrai aussi donner un coup de main à la ferme de mon fils.»

La personne qui lui succédera, une ingénieure agronome âgée 24ans, devra faire face à de nombreux défis, dont le changement climatique. «La pression sur les agriculteurs se fait déjà sentir. Des initiatives écologiques soumises à la population sont de plus en plus nombreuses. De plus, j’ai parfois l’impression que c’est l’Office de l’environnement qui commande celui de l’agriculture», conclut-elle.

«Le Conseil fédéral tient un discours utopiste!»
Annemarie Hämmerli se montre très critique envers la politique agricole que la Confédération souhaite mettre en place à partir de 2022 (PA22+). «La stratégie esquissée par le Conseil fédéral veut davantage de marché et de performances environnementales. Comment les agriculteurs pourraient-ils être concurrentiels avec autant d’exigences? C’est impossible! Le Conseil fédéral tient un discours utopiste», s’exclame la secrétaire générale de la CAJB . Selon elle, la charge de travail administratif ne risque pas de diminuer avec la PA22+. «Les agriculteurs remplissent des papiers et encore des papiers. Il faudrait peut-être les laisser faire leur métier.»

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