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Témoignage

Un dur combat pour les terres volées

Les injustices font toujours partie du quotidien de nombreux indigènes du Guatemala. Les explications de notre observatrice de l’ONG Peace Watch Switzerland

Département de Quiché au Guatémala, devant le forum public régional pour la défense de la vie, de la paix et de la gouvernabilité. Magali Grossenbacher

Magali Grossenbacher

Rappel des faits: Depuis le début de l’année, Magali Grossenbacher est au Guatemala pour le compte de l’ONG Peace Watch Switzerland. Sa mission: observatrice et accompagnatrice en matière de droits humains. La jeune femme, qui a grandi en partie à Saint-Imier, raconte  pour Le JdJ sa rencontre avec les communautés indigènes les plus touchées par les massacres perpétrés par le régime militaire des années 1980.

Dans mes articles précédents, j’ai souvent évoqué la douleur, la discrimination, l’injustice qui font partie du passé et du présent de la vie du peuple guatémaltèque. Le conflit armé interne a laissé d’énormes blessures qui peinent à se refermer. C’est notamment dû au contexte politique actuel et au positionnement du gouvernement.

Les problèmes liés à la propriété de la terre et aux mégaprojets y sont très aigus. Ils reflètent cette injustice incessante. Dans les années 1980, une grande partie du peuple guatémaltèque a été forcée de se déplacer pour fuir la répression de l’armée. celui-ci s’est réfugié dans les montagnes alentours ou dans la jungle, où il y est parfois resté plus de dix ans. Certains ont quitté le pays pour s’installer au Mexique.

Les gouvernements successifs en ont profité pour nationaliser de nombreuses terres ou les attribuer à des privés – des militaires ou des propriétaires terriens – dans le seul but de profiter au gouvernement.

«Ils ne nous ont pas demandé notre avis, ils se sont approprié nos terres, ils nous les ont volées», raconte Pascual*. En 1996, une fois les accords de paix signés, celles-ci sont restées entre les mains de l’Etat ou entre celles d’autres bénéficiaires de la classe militaire ou oligarque.

Dans de nombreuses régions du pays, notamment en Ixil, les populations indigènes se battent pour qu’elles leur soient enfin restituées. Diego* explique que de «nombreuses familles se retrouvent maintenant sans rien. Avant le conflit armé interne, je possédais plusieurs terres, une superbe maison. Maintenant je n’ai plus rien, d’autres se sont installés sur mon territoire. J’ai usé de tous les moyens en mon pouvoir pour tenter de le récupérer. Mais rien ne fonctionne, personne ne m’écoute, je ne sais plus quoi faire.»

Conflit armé

Au-delà de cette réalité qui remonte au conflit armé interne, les gouvernements succédant aux accords de paix, incluant l’actuel gouvernement d’Otto Pérez Molina, ont signé de nombreux contrats avec des entreprises extractives et des centrales hydroélectriques. Ces dernières n’occupent pas seulement les terres des populations indigènes, leurs interventions déséquilibrent complètement le milieu naturel dans lequel évoluent les populations.

Cultures contaminées

«Les activités des entreprises contaminent nos cultures. Nos sources d’eau disparaissent peu à peu. Les enfants tombent malades», témoigne Roxana*. «Ils perdent leurs cheveux. Ils souffrent d’urticaire. Des taches apparaissent sur le corps qui enfle.»

Le tableau qu’elle dresse est bien sombre: «Ces sociétés divisent les gens, notre famille, notre communauté dès lors que certains renoncent à résister. Finalement, on assiste à une montée de la violence et de l’alcoolisme.»

L’installation d’une entreprise dans une communauté engendre aussi très souvent une augmentation de la prostitution et parfois l’arrivée du fléau du sida, une maladie dont de nombreuses populations n’avaient jamais entendu parler jusque-là.

Le Guatemala est le théâtre de nombreux combats. On y lutte pour la justice, pour la restitution de la terre, pour une vie digne. Fabiola* résume en quelques phrases le souhait des populations autochtones: «Ce que nous voulons connaître, c’est une vie saine, la joie, la paix pour construire un nouveau pays. Nous voulons un environnement sain, des eaux propres, nos montagnes pour nous protéger. La Terre mère nous donne de tout, alors que l’argent que nous offrent les entreprises se volatilise rapidement.» Peace Watch Switzerland

*Prénom d’emprunt

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